La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/03/2014 | FRANCE | N°13MA00851

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 13 mars 2014, 13MA00851


Vu la requête, enregistrée le 1er mars 2013, présentée pour l'Etablissement français du sang (EFS), dont le siège social est sis 20 avenue du Stade de France à La Plaine Saint Denis (93218), représenté par son président en exercice, par Me B...D... ; l'Etablissement français du sang demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1203758 du 20 février 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice l'a condamné, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à verser à la clinique Saint-Georges une provision de 20

000 euros ;

2°) de rejeter la demande de la clinique Saint-Georges ;

...

Vu la requête, enregistrée le 1er mars 2013, présentée pour l'Etablissement français du sang (EFS), dont le siège social est sis 20 avenue du Stade de France à La Plaine Saint Denis (93218), représenté par son président en exercice, par Me B...D... ; l'Etablissement français du sang demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1203758 du 20 février 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice l'a condamné, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à verser à la clinique Saint-Georges une provision de 20 000 euros ;

2°) de rejeter la demande de la clinique Saint-Georges ;

3°) de mettre à la charge de la clinique Saint-Georges la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 février 2014 :

- le rapport de M. Firmin, rapporteur ;

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public ;

- et les observations de Me C...de la SELARL Campocasso, pour l'Etablissement français du sang et de MeG..., substituant la SCP Assus - Juttner pour la clinique Saint-Georges ;

1. Considérant que lors de son accouchement, le 26 décembre 1973 à la clinique Saint-Georges à Nice, Mme A...F..., épouseE..., a fait l'objet d'une transfusion sanguine au cours de laquelle elle a été contaminée par le virus de l'hépatite C ; que, par arrêt du 21 novembre 2006, la Cour d'appel d'Aix en Provence a déclaré l'Etablissement français du sang et la clinique Saint-Georges coresponsables de la contamination de MmeE..., les a condamnés in solidum à l'indemniser des conséquences dommageables de cette contamination, a condamné l'Etablissement français du sang et son assureur à relever et garantir la clinique Saint-Georges de cette condamnation à concurrence de moitié, ordonné une expertise et sursis à statuer sur les autres demandes ; qu'à la suite du décès de Mme E...le 1er mai 2007 des suites de son infection, sa fille, Melle CarineE..., a repris la procédure qui était pendante devant la Cour, sans solliciter l'indemnisation de ses propres préjudices, et obtenu en sa qualité d'héritière et par arrêt du 7 octobre 2008, l'indemnisation des préjudices subis par sa mère selon le même partage de responsabilité que ci-avant indiqué ; que les 3 et 12 août 2009, Melle E...a fait assigner la clinique Saint-Georges et l'EFS devant le Tribunal de Grande Instance de Nice aux fins de les voir condamner in solidum à lui verser, au titre des préjudices par ricochet, la somme de 50 000 euros ; que l'ONIAM est intervenu volontairement à l'instance ; que, par ordonnance du 14 mars 2011, le juge de la mise en état a déclaré le tribunal de grande instance de Nice incompétent matériellement pour statuer sur l'action en indemnisation engagée par Melle E...à l'encontre de l'EFS et renvoyé Melle E...à mieux se pourvoir concernant son action en indemnisation à l'encontre de l'EFS, de son assureur et de l'ONIAM ; que, par jugement du Tribunal de Grande Instance de Nice du 30 avril 2012, la clinique Saint-Georges a été condamnée à verser à Melle E...la somme de 40 000 euros, dont 20 000 euros au titre de son préjudice moral et 20 000 euros au titre de son préjudice d'accompagnement ; que le 2 novembre 2012 la clinique Saint-Georges a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nice en vue de voir condamner l'EFS à lui payer une provision de 20 000 euros représentant la moitié de sa condamnation par le tribunal de grande instance de Nice selon la même répartition que l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix en Provence ; que l'EFS interjette appel de l'ordonnance n° 1203758 du 20 février 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice l'a condamné, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à verser à la clinique Saint-Georges une provision de 20 000 euros ;

Sur la fin de non recevoir opposée par l'EFS à l'action de la clinique Saint-Georges :

2. Considérant que l'Etablissement français du sang fait valoir que Mlle E...était forclose pour l'exercice de toute action à son encontre dès lors qu'il avait expressément rejeté sa demande préalable d'indemnisation et que cette forclusion est opposable à la clinique Saint-Georges qui intervient en qualité de subrogée dans les droits et actions de la victime ; qu'il résulte de l'instruction que Mlle E...a adressé une demande préalable d'indemnisation à l'EFS, par lettre recommandée avec accusé de réception reçue par son destinataire le 12 mai 2009 et que sa demande a été expressément rejetée, également par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 mai 2009, reçue le 25 mai suivant ; que ce courrier, lequel a été adressé à l'avocat de la victime, précise que " conformément à l'article R. 421-1 du code de justice administrative votre cliente dispose d'un délai de deux mois, à compter de la notification de la présente, pour former un recours devant la juridiction compétente à l'encontre de la présente décision " ; que ces mentions, qui ne précisent ni la juridiction territorialement compétente, ni même l'ordre de juridiction compétent, sont insuffisantes pour avoir fait courir à l'encontre de Melle E...le délai de recours contentieux de deux mois dont elle disposait pour attaquer la décision de refus qui lui était opposée ; que dès lors la fin de non recevoir tirée par l'EFS de la tardiveté de l'action de la clinique Saint-Georges devant le juge des référés du tribunal administratif de Nice qui découlerait de la propre tardiveté de Melle E...a avoir agi devant le Tribunal de Grande Instance de Nice ne peut qu'être rejetée ;

Sur la demande de provision :

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence de demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. " ;

4. Considérant que lorsque l'auteur d'un dommage, condamné comme en l'espèce par le juge judiciaire à en indemniser la victime, saisit la juridiction administrative d'un recours en vue de faire supporter la charge de la réparation par un établissement public co-auteur de ce dommage, sa demande, quel que soit le fondement de sa responsabilité retenu par le juge judiciaire, n'a pas le caractère d'une action récursoire par laquelle il ferait valoir des droits propres à l'encontre de cet établissement mais d'une action subrogatoire fondée sur les droits de la victime à l'égard dudit co-auteur ;

En ce qui concerne la substitution de l'ONIAM à l'EFS :

5. Considérant que l'article L. 1142-22 du code de la santé publique relatif, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), énonce, en son premier alinéa, que cet établissement public à caractère administratif de l'Etat est chargé de l'indemnisation, " au titre de la solidarité nationale ", de certains dommages, définis par la loi, causés par un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ; qu'en son deuxième alinéa, le même article dispose, dans sa rédaction issue des dispositions de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 que l'ONIAM est également chargé, conformément à l'article L. 1221-14 du code de la santé publique issu des mêmes dispositions, de l'indemnisation, antérieurement assurée par l'Etablissement français du sang (EFS), des victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C (VHC) causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang ; qu'aux termes des dispositions transitoires, figurant au IV de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 : " L'ONIAM se substitue à l'EFS dans les contentieux en cours au titre des préjudices mentionnés à l'article L. 1221-14 du code de la santé publique n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable. " ; que l'ensemble des dispositions issues de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 est entré en vigueur le 1er juin 2010 ;

6. Considérant que le deuxième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, qui trouve application lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers dispose que : "Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident (...) " ; que des dispositions semblables figurent au I de l'article 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques ; qu'enfin, les dispositions de l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, applicables en vertu de l'article 28 de la même loi aux relations entre le tiers payeur et la personne tenue à réparation d'un dommage résultant d'une atteinte à la personne, quelle que soit la nature de l'événement ayant occasionné ce dommage, énumèrent la liste des prestations versées à la victime ouvrant droit à un recours contre la personne tenue à réparation ou son assureur ;

7. Considérant qu'il résulte des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et du I de l'article 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959, ainsi que des articles 28 et 29 de la loi du 5 juillet 1985, que les recours des tiers payeurs, subrogés dans les droits d'une victime d'un dommage qu'ils indemnisent, s'exercent à l'encontre des auteurs responsables de l'accident ;

8. Considérant qu'en confiant à l'ONIAM, établissement public à caractère administratif de l'Etat placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé, la mission d'indemniser, selon une procédure amiable exclusive de toute recherche de responsabilité, les dommages subis par les victimes de contamination transfusionnelle par le VHC dans la mesure où ces dommages ne sont pas couverts par les prestations versées par les tiers payeurs et sans préjudice de l'exercice par l'office d'un recours subrogatoire contre " la personne responsable ", le législateur a institué aux articles L. 1142-22 et L. 1221-14 du code de la santé publique un dispositif assurant l'indemnisation des victimes concernées au titre de la solidarité nationale ; qu'il s'ensuit que, dans l'exercice de la mission qui lui est confiée par ces articles, l'ONIAM est tenu d'indemniser à ce titre et non en qualité d'auteur responsable ; que ni la circonstance que le législateur n'ait pas expressément indiqué avant la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 que l'ONIAM intervenait en ce cas au titre de la solidarité nationale, ni le fait qu'il ait maintenu les règles de preuve prévues par l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 ne sauraient remettre en cause la nature de l'intervention de l'ONIAM telle qu'elle résulte de l'économie générale du dispositif applicable, au demeurant semblable à celui prévu par la loi pour l'accomplissement par l'ONIAM d'autres missions d'indemnisation assurées expressément au titre de la solidarité nationale ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les tiers payeurs ayant versé des prestations à la victime d'un dommage entrant dans les prévisions de l'article L. 1221-14 ne peuvent exercer contre l'ONIAM le recours subrogatoire prévu par les articles L. 376-1 du code de la sécurité sociale, 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959 et 29 de la loi du 5 juillet 1985 ;

En ce qui concerne l'existence de l'obligation :

10. Considérant qu'en application des articles cités au point 9 ci-dessus, les tiers payeurs peuvent en revanche exercer leur recours subrogatoire contre l'EFS en sa qualité de responsable du dommage ; qu'à cet égard, il résulte des dispositions combinées des articles L. 1221-14, alinéa 7, et L. 3122-4 du code de la santé publique, relatives au recours subrogatoire ouvert à l'ONIAM, que lorsque l'indemnisation de la victime d'une contamination transfusionnelle par le VHC est assurée au titre de la solidarité nationale, le législateur a entendu que la responsabilité de l'EFS ne puisse être recherchée par l'ONIAM et les tiers payeurs subrogés dans les droits de la victime, que dans les cas où, conformément aux dispositions des articles précités, le dommage est imputable à une faute de l'établissement de transfusion sanguine et à condition, en principe, que celui-ci bénéficie de la couverture d'une assurance ;

11. Considérant qu'il ne résulte ni des arrêts de la Cour d'Appel d'Aix en Provence du 21 novembre 2006 et du 7 octobre 2008, ni d'aucune autre pièce du dossier et qu'il n'est pas même allégué d'ailleurs que les conditions ci-dessus décrites d'engagement de la responsabilité de l'EFS, sont réunies ; qu'il suit de là que l'obligation dont se prévaut la clinique Saint-Georges n'est pas non sérieusement contestable ; que c'est par suite à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a condamné l'EFS à verser à la clinique Saint-Georges une somme provisionnelle de 20 000 euros ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

12. Considérant que le présent arrêt annule l'ordonnance n° 1203758 du 20 février 2013 du juge des référés du tribunal administratif de Nice ; qu'il n'implique par lui-même aucune mesure d'exécution ; qu'il y a dès lors lieu de rejeter les conclusions de la clinique Saint-Georges tendant à ce qu'il soit enjoint à la personne condamnée de payer la somme de 20 000 euros ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etablissement français du sang, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la clinique Saint-Georges demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de faire droit aux conclusions que présente sur le même fondement l'Etablissement français du sang et l'ONIAM et de condamner la clinique Saint-Georges à leur verser respectivement une somme de 1 000 euros chacun ;

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1203758 du 20 février 2013 du juge des référés du tribunal administratif de Nice est annulée.

Article 2 : La demande de la clinique Saint-Georges est rejetée.

Article 3 : La clinique Saint-Georges versera à l'Etablissement français du sang, d'une part et à l'Office d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales une somme de 1 000 euros chacun en applications des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'Etablissement français du sang, à la clinique Saint-Georges et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

''

''

''

''

6

2

N° 13MA00851


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA00851
Date de la décision : 13/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-015 Procédure. Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. Référé-provision.


Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre FIRMIN
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SELARL CAMPOCASSO ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-03-13;13ma00851 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award