Vu, enregistrée le 7 décembre 2011, la requête présentée pour Mme A...B..., demeurant ... par la SCP d'avocats Bernardini-Gaulmin-Pouey Sanchou ; Mme B...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0900668 du 13 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à la condamnation du centre hospitalier de Brignoles à lui verser la somme de 41 901,94 euros, assortie des intérêts légaux à compter de sa demande introductive d'instance, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir supporté du fait de l'opération qu'elle a subie dans cet hôpital le 9 juin 2007, à titre subsidiaire, de condamner l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la même somme au titre de l'aléa thérapeutique lié au risque connu de péritonite lors de la réalisation d'une coelioscopie ;
2°) de faire droit à sa demande ;
3°) en tout état de cause, de condamner le centre hospitalier de Brignoles à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de condamner le centre hospitalier de Brignoles aux entiers dépens ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 février 2014 :
- le rapport de Mme Carassic, rapporteure ;
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public ;
1. Considérant que MmeB..., alors âgée de 23 ans, a été opérée le 9 juin 2007 d'une grossesse extra-utérine par coelioscopie au centre hospitalier de Brignoles ; que les suites opératoires, marquées par des douleurs importantes, ont justifié la réalisation d'examens qui ont montré l'existence d'un pneumopéritoine et d'un épanchement péritonéal ; qu'elle a été opérée, deux jours après la coelioscopie, par laparotomie, qui a montré l'existence d'une perforation punctiforme du colon transverse par le trocart nécessaire pour réaliser la dilatation endoscopique ; que les suites opératoires ont été marquées par un syndrome sceptique rénal et un épanchement pleural bilatéral qui a nécessité le séjour de la requérante dans plusieurs services hospitaliers spécialisés ; que Mme B...estimant que la responsabilité du centre hospitalier était engagée pour faute sur le double fondement du défaut d'information et de la faute de maladresse du geste chirurgical en raison de la perforation de son colon lors de la coelioscopie, elle a demandé au tribunal administratif de Toulon, à titre principal, la condamnation de l'hôpital de Brignoles à lui verser la somme de 41 901,94 euros assortie des intérêts au titre de la réparation de l'ensemble de ses préjudices, à titre subsidiaire, la condamnation de l'ONIAM à lui verser la même somme au titre de l'aléa thérapeutique ; que, par jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa requête sur ce double fondement et ont mis les frais d'expertise à la charge de la requérante ; qu'en appel, Mme B...demande qu'il soit fait droit à sa demande ; que le centre hospitalier de Brignoles conclut à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ramener la demande indemnitaire de la requérante à de plus justes proportions ; que la caisse primaire d'assurance maladie du Var, régulièrement mise en cause, n'a pas produit ;
A titre principal, sur la responsabilité pour faute du centre hospitalier de Brignoles :
2. Considérant que Mme B...estime que le centre hospitalier a commis une double faute consistant, d'une part, en l'erreur commise dans l'exécution du geste chirurgical lors de la coelioscopie, d'autre part, en le défaut de l'information prévue par l'article L. 1111-2 du code de la santé publique ;
En ce qui concerne la faute technique médicale :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction en vigueur : "I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute."
4. Considérant qu'il n'est pas contesté que la complication présentée par la requérante, à savoir la perforation du colon, présente un lien direct avec la coelioscopie subie le 2 juin 2007 ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise diligentée devant le tribunal administratif de Nice, que l'indication opératoire d'intervention en urgence par coelioscopie était justifiée au regard du risque vital pour la patiente en cas de rupture de la grossesse extra-utérine ; que la coelioscopie a été réalisée conformément aux règles de l'art et selon les recommandations unanimement reconnues ; que l'équipe médicale a choisi de pratiquer une "open laparoscopie", soit une coelioscopie ouverte, qui permet de contrôler avec la vue l'introduction du premier trocart, qui est celui qui entraine le plus de complications, pour réduire le risque connu de perforation d'un organe creux et en particulier du péritoine ; que la perforation du colon constitue une complication inhérente à ce type d'intervention, puisque selon la littérature médicale, l'incidence de complication grave occasionnée par l'introduction du trocart ombilical est de 0,84 /1000 coelioscopies et que, s'agissant de la prise en charge diagnostique des abdomens aigus, la morbidité de l'exploration laparoscopique est comprise entre 3 et 5 % et la mortalité entre 0 et 0,8 % ; que l'expert précise qu'il s'agit d'une complication rare, mais d'autant plus fréquente que la coelioscopie a été réalisée dans l'urgence et que la perforation du colon ne révèle pas nécessairement un geste fautif ou de maladresse de la part du chirurgien ; qu'au cas d'espèce, il ne résulte pas de l'instruction que la perforation, pour regrettable qu'elle soit, trouve son origine dans un geste fautif du praticien ; que, par suite, ainsi que l'ont estimé à juste titre les premiers juges, aucune faute médicale ni aucune faute dans l'organisation et le fonctionnement du service ne peuvent être retenues à l'encontre du centre hospitalier de Brignoles ;
En ce qui concerne le défaut d'information :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L.1111-2 du code de la santé publique applicable en l'espèce : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver. Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. (...) En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen." ;
6. Considérant qu'il est constant que le centre hospitalier de Brignoles n'a pas informé Mme B...du risque de perforation qui s'est réalisé lors de la pratique de la coelioscopie, contrairement aux exigences suscitées de l'article L.1111-2 du code de la santé publique, alors que le délai d'une douzaine d'heures qui s'est écoulé entre la prescription de l'intervention le 8 juin 2007 au soir et la réalisation de cette dernière le lendemain matin ne constitue pas une situation d'urgence permettant de dispenser le médecin de son obligation d'information ; que la circonstance avancée par l'expert selon laquelle le retentissement psychologique du diagnostic fortuit de sa grossesse extra-utérine n'aurait pas permis d'apporter à Mme B...les informations suffisantes relative à l'intervention litigieuse ne saurait être regardée comme une impossibilité ou un refus de la patiente d'être informée au sens des dispositions susvisées ; que ce défaut d'information constitue une faute susceptible d'engager la responsabilité du centre hospitalier de Brignoles ;
7. Considérant qu'il résulte du rapport de l'expertise que Mme B...présentait une grossesse extra-utérine ; qu'elle ne conteste pas le caractère justifié de l'intervention en urgence qu'elle a subie le 9 juin 2007 ; qu'il résulte du rapport de l'expert que la requérante a été admise en urgence à la demande de son gynécologue, qui suspectait une telle grossesse, le 8 juin 2007, qu'elle n'a pas été autorisée à regagner son domicile le soir et que l'opération a été programmée pour le lendemain, dès lors que son pronostic vital était en jeu eu égard à un risque d'hémorragie interne ; que l'expert indique que "si un consentement éclairé ne figure pas dans le dossier, celui-ci de toute façon n'aurait pas modifié en quoi que ce soit l'indication chirurgicale ni le geste chirurgical" au regard de ce risque pour son pronostic vital ; qu'il ne résulte pas de l'instruction et notamment du rapport de l'expert, qu'il existait une alternative moins risquée que la coelioscopie ouverte ; que, si la requérante affirme qu'il existait d'autres techniques que la coelioscopie, elle ne conteste pas que celle employée était la moins risquée ; que, par suite, au vu de l'ensemble des éléments du dossier soumis au juge, il ne résulte pas de l'instruction que, même informée du risque de perforation colique, Mme B...aurait refusé de se soumettre à la pratique d'un tel examen ; qu'elle ne peut ainsi pas être regardée comme ayant été privée d'une chance de se soustraire au risque qui s'est finalement réalisé ;
8. Considérant qu'indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a pu subir du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité, notamment en prenant certaines dispositions personnelles pourvu qu'il en établisse la réalité et l'ampleur ; que , toutefois, si Mme B...soutient, dans le dernier état de ses écritures, que " son préjudice d'impréparation lié à ce défaut d'information est indemnisable " à hauteur de 15 000 euros selon elle, elle ne donne, en se bornant à invoquer cette considération générale, aucun élément permettant d'en établir la réalité et l'ampleur ; que, par suite, ce préjudice ne peut lui ouvrir droit à indemnisation ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande sur le fondement de la faute qu'aurait commise le centre hospitalier ;
A titre subsidiaire, sur l'indemnisation au titre de la solidarité nationale :
10. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable aux circonstances de l'espèce : " II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail./ Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'incapacité permanente supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret." ; que, selon l'article D. 1142-1 du même code : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. / Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %. A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu : / 1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale ; / 2° Ou lorsque l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence " ;
11. Considérant que les premiers juges ont rejeté la demande de réparation au titre de la solidarité nationale sur le fondement de l'aléa thérapeutique, au motif que MmeB..., dont le déficit fonctionnel permanent a été fixé à 3 % par l'expert, n'avait pas bénéficié de six mois consécutifs d'arrêt de travail exigés par l'article D.1142-1 précité du code de la santé publique pour établir le caractère de gravité nécessaire de nature à ouvrir droit à indemnisation par l'ONIAM, dès lors que, selon l'expert, il convenait de retrancher à la période d'incapacité totale de six mois de MmeB..., fixée du 9 juin 2007 au 28 décembre 2007, trois semaines qui auraient été en tout état de cause nécessaires à la convalescence de la patiente en lien avec sa pathologie initiale de grossesse extra-utérine ;
12. Considérant toutefois que l'expert a qualifié les complications de la laparoscopie de " risque connu, codifié et redouté " par les chirurgiens qui pratiquent cette chirurgie ; qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, l'intervention subie par Mme B...présentait un caractère indispensable au regard de son pronostic vital ; que, dans ces conditions, le dommage subi par la requérante ne peut être regardé comme anormal au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de ce dernier ; qu'en outre, il ne résulte pas de l'instruction et notamment du rapport de l'expert que les conséquences de l'intervention subie par MmeB..., dont le déficit fonctionnel permanent a été chiffré à 3 % par l'expert et qui aurait pu selon lui reprendre ses activités professionnelles de serveuse avant le mois d'avril 2008, présente le caractère de gravité exigé par les dispositions susvisées ; que dès lors, Mme B...ne peut prétendre, ainsi que l'ont estimé les premiers juges et quelque soit la durée totale de son arrêt de travail, à réparation de son préjudice au titre de la solidarité nationale ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'appeler l'ONIAM à la cause, que Mme B...n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande ;
Sur les dépens :
14. Considérant qu'il y a lieu de confirmer la mise à la charge à Mme B...des frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 700 euros par ordonnance du président du tribunal administratif de Nice du 6 mai 2008 ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que le centre hospitalier de Brignoles, qui n'est pas partie perdante à l'instance, soit condamné à verser quelque somme que ce soit à Mme B...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., au centre hospitalier de Brignoles, à l'ONIAM et à la caisse primaire d'assurance maladie du Var.
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N° 11MA044792