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14/02/2014 | FRANCE | N°11MA02917

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 14 février 2014, 11MA02917


Vu la requête, enregistrée le 26 juillet 2011, présentée pour la société Texton International, dont le siège est Calle blanc 8, 17600 Figueres, Gerona, Espagne, par la SCP A... -Sudour-Antonakas, agissant par Me A...;

La société Texton International demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0901888 et 0901887 du 7 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes tendant à la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution à l'impôt sur les sociétés, auxquelles elle a

été assujettie au titre des années 2003, 2004 et 2005, ainsi que des intérêts de ...

Vu la requête, enregistrée le 26 juillet 2011, présentée pour la société Texton International, dont le siège est Calle blanc 8, 17600 Figueres, Gerona, Espagne, par la SCP A... -Sudour-Antonakas, agissant par Me A...;

La société Texton International demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0901888 et 0901887 du 7 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes tendant à la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution à l'impôt sur les sociétés, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2003, 2004 et 2005, ainsi que des intérêts de retard et pénalités correspondants, et, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des périodes correspondant aux mêmes années, ainsi que des intérêts de retard et pénalités correspondants ;

2°) de lui accorder la décharge des impositions contestées et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive n° 77/799/CEE du 19 décembre 1977 modifiée par la directive n°79/1070/CEE du 6 décembre 1979 concernant l'assistance mutuelle des autorités compétentes des Etats membres dans le domaine des impôts directs et de la taxe sur la valeur ajoutée ;

Vu la convention en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune signée le 10 octobre 1995 entre la République française et le Royaume d'Espagne ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 janvier 2014,

- le rapport de Mme Markarian, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Maury, rapporteur public ;

1. Considérant que la société Texton International, qui a son siège social en Espagne et exerçait une activité d'achat et de revente de produits d'étanchéité, de rénovation et de réparation de piscines auprès de professionnels, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, du 18 septembre 2006 au 7 décembre 2006, après qu'une visite a été autorisée le 25 octobre 2005 en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales chez son gérant domicilié... ; que l'administration a considéré que la société Texton International était gérée à partir d'un établissement stable situé en France, au domicile de son gérant, et a assimilé cette société à une société française pour l'application du I de l'article 209 du code général des impôts et de la convention fiscale signée le 10 octobre 1995 entre la République française et le Royaume d'Espagne ; qu'elle a en conséquence imposé d'office la société Texton International à la taxe sur la valeur ajoutée et à l'impôt sur les sociétés ; que la société Texton International relève appel du jugement du 7 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes tendant à la décharge des impositions litigieuses ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de l'article 27 de l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. " ; que lorsque le contribuable en fait la demande à l'administration, celle-ci est tenue de lui communiquer les documents ou copies de documents contenant les renseignements obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés ; qu'il en va ainsi alors même que le contribuable a pu avoir connaissance de ces renseignements ou de certains d'entre eux afin notamment de lui permettre d'en vérifier, et le cas échéant d'en discuter, l'authenticité et la teneur ;

3. Considérant que la société Texton International soutient à nouveau en appel ne pas avoir obtenu communication des documents provenant des sociétés de transports et de ses clients ; qu'il résulte de l'instruction que le service vérificateur a informé la société Texton International, dans la proposition de rectification qui lui a été adressée le 18 décembre 2006, que des renseignements et documents avaient été obtenus auprès des sociétés La Poste et France Télécom, de sociétés de transport et de clients ; qu'à l'appui de ses observations en réponse à la proposition de rectification présentées par courrier du 17 janvier 2007, la société Texton International a sollicité expressément que tous les éléments recueillis par l'administration dans l'exercice de son droit de communication lui soient communiqués ; qu'en réponse, l'administration lui a adressé, par courrier du 30 mars 2007, les copies des documents qui ne constituaient pas des copies de factures, s'agissant des clients et fournisseurs, et de relevés bancaires ; que s'agissant de toutes ces dernières pièces, l'administration a invité la société Texton International à venir les consulter dans ses locaux en raison de leur volume représentant sept cartons ; qu'après deux rendez-vous auxquels la société requérante ne s'est pas présentée, le gérant de la société Texton International et son conseil ont été reçus le 29 mai 2007 et ont pris connaissance des factures émises pour ses clients et de celles reçues de ses fournisseurs, les sociétés Staci et Alloin, et des relevés bancaires ; que dans la mesure où le volume des pièces faisait obstacle à leur transmission, ce que ne conteste pas la société Texton International, et limitait cette communication à une consultation dans les locaux du service, l'administration, qui n'a pas adressé à la société requérante les documents qu'elle avait demandés, n'a pas entaché d'irrégularité la procédure d'imposition ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 7 de la directive n°77/799/CEE du 19 décembre 1977, modifiée par la directive n° 79/1070/CEE du 6 décembre 1979, concernant l'assistance mutuelle des autorités compétentes des Etats membres dans le domaine des impôts directs et de la taxe sur la valeur ajoutée : " Toutes les informations dont un Etat membre a connaissance par application de la présente directive sont tenues secrètes, dans cet Etat, de la même manière que les informations recueillies en application de sa législation nationale. En tout état de cause, ces informations / ne sont accessibles qu'aux personnes directement concernées par l'établissement de l'impôt ou par le contrôle administratif de l'établissement de l'impôt (...) " ; que si ces dispositions ne font pas obstacle à la communication au contribuable, par l'administration fiscale, de renseignements recueillis dans le cadre de la procédure d'assistance mutuelle prévue par cette directive, l'administration n'est, en tout état de cause, tenue de mettre à la disposition du contribuable qui le demande que les documents qui contiennent des renseignements qu'elle a effectivement utilisés pour procéder aux redressements ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à l'appui de la proposition de rectification, le service a indiqué avoir effectué une demande d'assistance administrative internationale ainsi qu'il l'avait indiqué à la société par courrier du 23 octobre 2006, et qu'il n'est pas contesté, que l'administration n'a, à aucun stade de la procédure, communiqué des informations qui auraient été obtenues des autorités espagnoles ; que l'administration, pour établir l'existence d'un établissement stable de la société Texton International en France, s'est fondée sur l'ensemble des documents qui ont été saisis au domicile de M. B...ou obtenus dans l'exercice du droit de communication et sur la circonstance que les factures, bons de commande, listes de clients, les courriers, les communications téléphoniques révèlent que l'activité commerciale de la société Texton International s'effectuait du domicile de son gérant situé à Lambesc et que les comptes bancaires de la société Texton International, qui n'a pas justifié auprès du service du paiement des impôts auprès de l'administration fiscale espagnole, ouverts en France, enregistrent des mouvements importants en provenance de clients pour conclure que la société Texton International disposait en France d'une installation possédant un caractère de permanence et une autonomie propre et que toutes les opérations commerciales connues se sont déroulées en France au bénéfice d'une société française ; que la société Texton International a eu communication, ainsi qu'il a été dit précédemment, et avant recouvrement des impositions en litige, de l'ensemble des documents fondant ces constats ; qu'ainsi, l'administration n'a pas eu besoin, pour établir le bien fondé des impositions en litige des informations qui ont pu lui être communiquées par les autorités espagnoles dans le cadre de la procédure d'assistance mutuelle prévue par la directive du 19 décembre 1977 modifiée ; que, dans ces conditions, la circonstance que l'administration fiscale ait indiqué, dans la proposition de rectification en date du 18 décembre 2006, qu'elle avait, pour obtenir des renseignements concernant la société Texton International, sollicité l'assistance administrative de l'Espagne, est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition suivie à l'encontre de la société requérante ; qu'il suit de là que la société Texton International n'est pas fondée à soutenir, que faute pour l'administration fiscale de lui avoir communiqué ces informations, la procédure de rectification qui a été menée à son encontre aurait été irrégulière ;

Sur le bien-fondé des impositions :

6. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux exercices en litige : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57 et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions. (...) " ;

7. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article. 4 1. de la convention fiscale franco-espagnole du 10 octobre 1995 : " Au sens de la présente Convention, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat, est assujettie à l'impôt en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. (...) 3. Lorsque, selon les dispositions du paragraphe 1, une personne autre qu'une personne physique est un résident des deux Etats contractants, elle est considérée comme un résident de l'Etat où son siège de direction effective est situé. " ; qu'aux termes de l'article 5 de la même convention : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires par l'intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité. (...) 5. Nonobstant les dispositions des paragraphes 1 et 2, lorsqu'une personne - autre qu'un agent jouissant d'un statut indépendant auquel s'applique le paragraphe 6 - agit pour le compte d'une entreprise et dispose dans un Etat contractant de pouvoirs qu'elle y exerce habituellement lui permettant de conclure des contrats au nom de l'entreprise, cette entreprise est considérée comme ayant un établissement stable dans cet Etat pour toutes les activités que cette personne exerce pour l'entreprise, à moins que les activités de cette personne ne soient limitées à celles qui sont mentionnées au paragraphe 4 et qui, si elles étaient exercées par l'intermédiaire d'une installation fixe d'affaires, ne permettraient pas de considérer cette installation comme un établissement stable selon les dispositions de ce paragraphe. " ; qu'enfin aux termes de l'article 7 1. de la convention franco-espagnole précitée : " Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable. " ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des éléments résultant des documents obtenus par l'administration fiscale dans l'exercice de son droit de communication, que la société Texton International, qui avait une activité d'achat et de revente de produits d'étanchéité, de rénovation et de réparation de piscines auprès de professionnels, exerce son activité du domicile de son gérant situé en France à Lambesc ; que la société Texton International reçoit de Belgique des marchandises qu'elle distribue à ses clients, situés uniquement en France ; que sur les correspondances commerciales de la société figurent, en sus de l'adresse de son siège social en Espagne, les coordonnées téléphone, internet et télécopie du domicile personnel de son gérant à Lambesc, à partir duquel les correspondances commerciales, les commandes et les appels professionnels sont reçus et adressés ; que les comptes bancaires ouverts en France au nom de la société Texton International reflètent la réalité de cette activité commerciale en France ; qu'ainsi, même si le siège de la société Texton International se situe en Espagne, elle ne justifie pas de la réalité d'une activité commerciale à ce siège, le contrat de prestations produit en appel conclu avec un centre d'affaires international rédigé en langue espagnole comme les imprimés espagnols n'apportant à cet égard aucun élément probant, l'administration doit être regardée comme établissant, au regard des dispositions précitées de l'article 209 du code général des impôts et des stipulations de la convention fiscale franco-espagnole l'existence d'un établissement stable au domicile français de M.B... ; qu'il n'est pas établi par la production de trois déclarations, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, que les bénéfices réalisés en France feraient l'objet d'une double imposition ; que c'est dès lors à bon droit que l'administration a estimé que les revenus provenant de l'activité de la société Texton International étaient imposables à l'impôt sur les sociétés en France ;

9. Considérant que la société Texton International ne conteste pas le jugement attaqué en tant qu'il a estimé que l'administration l'avait assujettie à bon droit à la taxe sur la valeur ajoutée sur les opérations commerciales réalisées en France ;

Sur les pénalités :

En ce qui concerne l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts :

10. Considérant qu'en l'absence de mise en recouvrement de l'amende fiscale de 100 % prévue par l'article 1759 du code général des impôts, les conclusions de la société Texton International tendant à être déchargée de cette pénalité sont irrecevables ;

En ce qui concerne la majoration prévue par l'article 1728 du code général des impôts :

11. Considérant qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts tel que modifié par l'article 13 de l'ordonnance du 7 décembre 2005, en vigueur depuis le 1er janvier 2006 : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / a. 10 % en l'absence de mise en demeure ou en cas de dépôt de la déclaration ou de l'acte dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; / b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; / c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte (...) " ;

12. Considérant que si la société requérante soutient que la majoration prévue à l'article 1728 du code général des impôts est infligée uniquement aux redevables s'étant placés délibérément hors la loi, le moyen tiré de ce qu'elle ne se serait pas livrée à des manoeuvres frauduleuses est inopérant pour contester l'application des pénalités prévues à l'article 1728 précité en cas de défaut de déclaration ; qu'il suit de là que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société Texton International la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Texton International est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Texton International et au ministre de l'économie et des finances.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.

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11MA02917


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11MA02917
Date de la décision : 14/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Questions communes - Personnes imposables.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Personnes et opérations taxables - Territorialité.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Ghislaine MARKARIAN
Rapporteur public ?: M. MAURY
Avocat(s) : SCP S.A.M.H. et LEPERRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-02-14;11ma02917 ?
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