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14/02/2014 | FRANCE | N°11MA02801

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 14 février 2014, 11MA02801


Vu le recours, enregistré le 19 juillet 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000604 du 31 mars 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a déchargé M. A...B...des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti pour les années 2006 et 2007 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de remettre les impositions litigieuses à la charge de M. B...;

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Vu ...

Vu le recours, enregistré le 19 juillet 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000604 du 31 mars 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a déchargé M. A...B...des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti pour les années 2006 et 2007 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de remettre les impositions litigieuses à la charge de M. B...;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 3 février 2014, présentée par Me Maurel pour M. B... ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 janvier 2014,

- le rapport de Mme Markarian, rapporteur ;

- les conclusions de M. Maury, rapporteur public ;

-et les observations de Me Maurel, avocat de M. B...;

1. Considérant que M.B..., qui exerçait une activité de restauration rapide à Saint-Pierre-la-Mer, dans le département de l'Aude, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007 ; qu'à la suite de cette vérification, M.B..., qui est assujetti à l'impôt sur le revenu à Barcelonnette, s'est vu notifier des suppléments d'impôt sur le revenu assortis des intérêts de retard et d'une majoration de 40 % ; qu'il a demandé la décharge, en droits et pénalités, des impositions supplémentaires mises à sa charge ; que le ministre chargé du budget relève appel du jugement du 31 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a fait droit à cette demande ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne la régularité de la vérification de comptabilité :

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables " ; que, si ces dispositions ont pour conséquence que toute vérification de comptabilité doit en principe se dérouler dans les locaux de l'entreprise vérifiée, la vérification n'est toutefois pas nécessairement entachée d'irrégularité du seul fait qu'elle ne s'est pas déroulée dans ces locaux ; qu'il en va ainsi lorsque, notamment, la comptabilité ne se trouve pas dans l'entreprise et que, d'un commun accord entre le vérificateur et les représentants de l'entreprise, les opérations de vérification se déroulent au lieu où se trouve la comptabilité, dès lors que cette circonstance ne fait, par elle-même, pas obstacle à ce que la possibilité d'engager avec le vérificateur un débat oral et contradictoire demeure offerte aux représentants de l'entreprise vérifiée ; que, dans cette hypothèse, il appartient au requérant d'apporter la preuve que l'entreprise a été privée des garanties ayant pour objet d'assurer aux contribuables la possibilité d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le service, après avoir adressé l'avis de vérification dont il n'est pas contesté qu'il a été envoyé à l'adresse du siège social de M. B..., s'est transporté, pour effectuer ses opérations de contrôle, à Béziers, au cabinet de l'expert comptable de M. B...où la comptabilité de l'entreprise était entreposée ; que si M. B... soutient qu'il n'a pas adressé de demande expresse pour modifier le lieu du contrôle, il n'établit pas que cette modification, qui obligeait le service à des déplacements hors de son périmètre d'action, serait due à la seule initiative du service ; que M.B..., qui était présent à Béziers lors de la venue du service vérificateur, a d'ailleurs signé le 24 novembre 2008 le procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité démontrant que la vérification de comptabilité a bien été menée, d'un commun accord, entre le service vérificateur et M. B...chez son comptable ; qu'ainsi, et sans qu'il y ait lieu d'exiger de l'administration qu'elle justifie d'une demande écrite de M. B...tendant à ce que la comptabilité soit examinée en d'autres locaux que ceux de son entreprise, la vérification doit être regardée, en l'espèce, comme s'étant régulièrement déroulée sur place au sens des dispositions précitées de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales ; qu'il incombe alors à M. B...d'établir qu'il aurait été privé de la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur ; que M. B...n'apportant aucune preuve qu'il aurait été privé d'une telle possibilité, les prescriptions de la charte du contribuable, si elles sont opposables à l'administration en application du dernier aliéna de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, ne peuvent être regardées comme ayant été méconnues ; qu'en outre, M. B...ne peut utilement se prévaloir de la documentation administrative ou d'une réponse ministérielle qui rappelleraient la nécessité d'une demande écrite dès lors que les circulaires, instructions ou réponses ministérielles relatives à la procédure d'imposition sont exclues du champ d'application de la garantie prévue à l'art L. 80 A du livre des procédures fiscales ; qu'ainsi, c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille s'est fondé, pour décharger M. B...des impositions litigieuses, sur la circonstance que le contrôle s'était déroulé principalement chez son comptable sans aucune demande en ce sens de la part de M. B... ;

4. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif de Marseille ;

Sur les suppléments d'imposition sur le revenu mis à la charge de M. B...:

En ce qui concerne la motivation de la proposition de rectification :

5. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation " ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs du redressement envisagé. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations ; qu'en revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé des motifs énoncés ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur a explicitement indiqué dans la proposition de rectification du 8 décembre 2008, pour chaque période vérifiée, les motifs le conduisant à écarter la comptabilité, après avoir estimé que le contribuable n'avait pas présenté les éléments propres à justifier du détail du chiffre d'affaires réalisé, tant par sa nature que par le détail et le type de mode de paiement, et n'avait présenté que des tickets Z de balance électronique comportant pour les exercices 2006 et 2007 le total journalier ventilé par catégorie de produits ; que le service a également exposé la méthode de reconstitution de recettes retenue puis, pour chaque année concernée et par produit, les quantités, les stocks, le prix de vente et le chiffre d'affaires correspondant ; que la proposition de rectification reprend ensuite précisément, s'agissant des bénéfices industriels et commerciaux faisant l'objet de l'instance, les rehaussements d'imposition envisagés, les conséquences financières, ainsi que les pénalités retenues ; que, par suite, alors même que l'annexe 3 visée dans la proposition de rectification qui reprenait, selon cette proposition, les dépouillements des tickets Z pour chacune des années concernées, n'aurait pas été jointe, le contribuable a été mis à même d'engager utilement un dialogue avec le service sur le rehaussement des recettes reposant sur les seuls éléments d'information propres à l'entreprise et n'a été privé d'aucune garantie ; qu'ainsi, la proposition de rectification satisfait aux exigences de motivation découlant des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; que M. B...ne peut par suite soutenir que la procédure d'imposition était irrégulière ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

7. Considérant que l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales dispose que : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré " ; qu'il résulte de l'instruction que M. B...n'a pas répondu dans le délai légal à la proposition de rectification qui lui a été adressée ; qu'il lui appartient, par suite, de démontrer le caractère exagéré des impositions qu'il conteste ;

8. Considérant que le contribuable n'a pas présenté, pour l'exercice 2005, d'éléments de nature à justifier du détail des recettes permettant de justifier du détail du chiffre d'affaires tant par sa nature, que par le détail et le mode de paiement ; qu'à compter du mois de juin 2006 et pour l'exercice 2007, le contribuable a fourni des tickets Z journaliers comportant une ventilation par catégorie de produits vendus (chaud, boissons, salades, assiettes, sandwich, pizza ou glaces) mais n'a pas conservé les tickets de caisse journaliers détaillant les tickets Z et comportant le détail opération par opération des produits vendus et du mode de paiement utilisé ; que compte tenu des irrégularités ainsi relevées dans la proposition de rectification, le service vérificateur ne pouvait regarder la comptabilité de M. B...comme probante et régulière et était par suite en droit de procéder à la reconstitution des recettes de l'entreprises sur la période vérifiée ;

9. Considérant que pour reconstituer le chiffre d'affaires réalisé par le contribuable au titre des années litigieuses, le service vérificateur a mis en oeuvre la méthode des liquides rapportés aux solides à partir d'un dépouillement des achats de boissons et a déterminé un chiffre d'affaires " boissons " en multipliant les quantités de boissons achetées par le prix de vente communiqué sur les cartes de l'établissement puis, après avoir pris en compte un pourcentage de 5 % de boissons offertes ou perdues, a établi le chiffre d'affaires réalisé en divisant le chiffre d'affaires " boissons " par le ratio du chiffre d'affaires " boissons " déterminé à partir du dépouillement des tickets Z de 25,27 % pour l'année 2006 et 20,25 % pour l'année 2007 ; que si le contribuable soutient que l'administration ne pouvait prendre en compte que les boissons effectivement servies en accompagnement de plats ou de repas, il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit précédemment, qu'à défaut de tout élément justificatif, le service n'a pu séparer l'activité bar de celle du restaurant ; que la méthode utilisée ne conduit pas par ailleurs à considérer que toutes les boissons étaient vendues en accompagnement d'un repas ou d'un plat ; que le contribuable n'apporte ainsi aucun élément probant permettant d'établir que le chiffre d'affaires reconstitué serait incohérent ; qu'il suit de là que M. B...n'apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère excessif du chiffre d'affaires reconstitué pour les périodes litigieuses ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre chargé du budget est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a déchargé M. B...des impositions litigieuses ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. B...la somme que celui-ci réclame au titre des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1000604 du tribunal administratif de Marseille du 31 mars 2011 est annulé.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. B...a été assujetti au titre des années 2006 et 2007 et les pénalités correspondantes sont remises à sa charge.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie et des finances et à M. A...B....

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.

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11MA02801


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11MA02801
Date de la décision : 14/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal - Vérification de comptabilité - Garanties accordées au contribuable.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Établissement de l'impôt - Bénéfice réel - Redressements.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Ghislaine MARKARIAN
Rapporteur public ?: M. MAURY
Avocat(s) : MAUREL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-02-14;11ma02801 ?
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