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06/12/2013 | FRANCE | N°12MA04148

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 06 décembre 2013, 12MA04148


Vu la décision n°348440 du 17 octobre 2012 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par Mlle E...C..., M. A...C...et Mme G...C..., a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille n° 09MA01294 en date du 17 février 2011 et a renvoyé l'affaire devant la même cour ;

Vu la requête, enregistrée le 10 avril 2009 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 09MA01294, présentée pour Mlle E...C..., M. A...C...et Mme G... D...épouseC..., demeurant ...à Nice (06100), par Me Vincent, avocat ;
r>Mlle C...et autres demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0506...

Vu la décision n°348440 du 17 octobre 2012 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par Mlle E...C..., M. A...C...et Mme G...C..., a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille n° 09MA01294 en date du 17 février 2011 et a renvoyé l'affaire devant la même cour ;

Vu la requête, enregistrée le 10 avril 2009 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 09MA01294, présentée pour Mlle E...C..., M. A...C...et Mme G... D...épouseC..., demeurant ...à Nice (06100), par Me Vincent, avocat ;

Mlle C...et autres demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0506174 du 27 janvier 2009 du tribunal administratif de Nice en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à la condamnation du département des Alpes-Maritimes à verser la somme de 8 000 euros à Mlle E...C...et la somme de 5 000 euros chacun à M. et MmeC..., ses parents, en réparation du préjudice moral qu'ils ont subi du chef de la divulgation d'informations confidentielles relatives à l'adoption de Mlle E... C... ;

2°) de condamner le département des Alpes-Maritimes à verser la somme de 8 000 euros à Mlle E...C...et la somme de 5 000 euros chacun à M. et Mme C...;

3°) de mettre à la charge du département des Alpes-Maritimes une somme de 1 000 euros pour chacun des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 novembre 2013 :

- le rapport de Mme Marchessaux, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Marzoug, rapporteur public ;

- les observations de Me Vincent, pour MlleC..., M. et MmeC... ;

- et les observations de Me F...pour le département des Alpes-Maritimes ;

Après avoir pris connaissance de la note en délibéré, enregistrée le 15 novembre 2013, présentée pour le département des Alpes-Maritimes par Me F...;

1. Considérant que Mme B...a donné naissance, dans l'anonymat, à une fille le 7 novembre 1987 ; que celle-ci a été ultérieurement adoptée par M. et Mme C...qui l'ont prénommée Sophie ; que Mme B...a obtenu des informations relatives au nouvel état civil de sa fille biologique et au nom de ses parents adoptifs ; qu'elle a dès lors pris contact avec Mlle E...C..., alors que celle-ci était âgée de quatorze ans et s'est manifestée de façon insistante et répétée, au cours de plusieurs années, tant auprès de cette dernière que des membres de sa famille et de son entourage et s'est à plusieurs reprises exprimée dans la presse sur l'enquête personnelle qu'elle avait menée pour retrouver l'enfant ; que les requérants ont recherché devant le tribunal administratif de Nice la responsabilité du département des Alpes-Maritimes à raison de la faute résultant de la divulgation par ses services à Mme B...d'informations confidentielles relatives à la famille adoptive de sa fille biologique ; que le tribunal administratif a rejeté leur demande par un jugement n°0506174 du 27 janvier 2009 confirmé par un arrêt de la Cour de céans en date du 17 février 2011 ; que, par une décision n°348440 en date du 17 octobre 2012, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt précité de la Cour et a renvoyé l'affaire devant elle ;

Sur l'exception d'incompétence de la juridiction administrative soulevée par le département des Alpes-Maritimes :

2. Considérant que le département des Alpes-Maritimes fait valoir que la juridiction administrative serait incompétente pour connaître de la requête présentée par Mlle C... et autres devant le tribunal administratif de Nice en soutenant que celle-ci doit s'analyser comme dirigée contre le maire de la ville de Nice en sa qualité d'officier de l'Etat civil ; qu'une telle action relève, selon le département, de la compétence du juge judiciaire ;

3. Considérant toutefois, que la requête d'appel de Mlle C...et autres ne comporte aucune conclusion dirigée contre la commune de Nice et son maire en sa qualité d'officier d'état civil ; qu'en revanche, elle tend à la condamnation du département des Alpes-Maritimes sur le fondement de la faute de ses services dans la divulgation d'informations confidentielles relatives à l'adoption de Mlle E...C...à MmeB... ; que de telles conclusions ressortissent de la compétence de la juridiction administrative ; que, par suite, la fin de non recevoir du département des Alpes-Maritimes tirée de l'exception d'incompétence de la juridiction administrative ne peut qu'être écartée ;

Sur la fin de non recevoir opposée par le département des Alpes-Maritimes :

4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " (...) La requête (...) contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. " ;

5. Considérant que la requête d'appel de Mlle C...et autres ne constitue pas la reproduction littérale de leur demande de première instance, mais énonce à nouveau de manière suffisamment précise les moyens relatifs à la responsabilité du département des Alpes-Maritimes, ainsi qu'à la réparation du préjudice moral qu'ils estiment avoir subi ; qu'une telle motivation répond aux conditions posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; qu'ainsi, la fin de non recevoir soulevée par le département des Alpes-Maritimes ne peut être accueillie ;

En ce qui concerne la responsabilité du département des Alpes-Maritimes :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 133-4 du code de l'action sociale et des familles : " Les informations nominatives à caractère sanitaire et social détenues par les services des affaires sanitaires et sociales sont protégées par le secret professionnel " ; que, par ailleurs, il résulte de l'article 46 du code de la famille et de l'aide sociale, en vigueur à la naissance de Mlle E...C...et devenu l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles, que les pupilles de l'Etat, dont font partie les enfants dont la mère a souhaité préserver le secret de son identité lors de son accouchement, sont confiés, sur décision du président du conseil général, au service de l'aide sociale à l'enfance du département ;

qu'aux termes de l'article 348-3 du code civil, le consentement à l'adoption donné par le conseil des familles des pupilles de l'Etat peut être reçu par le service de l'aide sociale à l'enfance lorsque l'enfant lui a été confié ; qu'enfin, l'article 62-1 du code de la famille et de l'aide sociale, inséré dans ce code par la loi du 6 juillet 1996 relative à l'adoption et devenu, en 2002, l'article L. 224-7 du code de l'action sociale et des familles, dispose que sont conservés sous la responsabilité du président du conseil général les renseignements figurant dans le procès-verbal établi lors du recueil d'un enfant par le service de l'aide sociale à l'enfance et relatifs à l'identité des père et mère de cet enfant et à la volonté des intéressés de conserver le secret de leur identité ;

7. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, sous réserve de la mise en oeuvre des dispositions autorisant les autorités ou les services du département à communiquer les informations dont ils sont dépositaires, et en particulier de celles de l'article L. 224-7 du code de l'action sociale et des familles qui imposent au président du conseil général de transmettre au Conseil national pour l'accès aux origines personnelles, sur la demande de ce dernier, les renseignements dont il dispose sur les pupilles de l'Etat qu'il a recueillis, il est interdit au service de l'aide sociale à l'enfance de divulguer de telles informations ;

8. Considérant que la circonstance que la mère biologique d'un enfant confié à sa naissance au service de l'aide sociale à l'enfance, puis adopté, ait eu connaissance des informations relatives à la nouvelle identité de cet enfant et à celle de ses parents adoptifs révèle une faute dans le fonctionnement du service de l'aide sociale à l'enfance du département de nature à engager la responsabilité de ce dernier, sauf à ce qu'il établisse que la divulgation de ces informations est imputable à un tiers ou à une faute de la victime ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a considéré que Mlle C...et autres n'apportaient pas la preuve qui leur incombait que les services du département des Alpes-Maritimes auraient commis une faute de nature à engager la responsabilité de ce département ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction et plus particulièrement d'un article de presse du mois d'octobre 2001 produit par les requérants que Mme B...a eu accès aux informations confidentielles concernant le nom des parents adoptifs de sa fille biologique, Mlle E... C...et non une copie de l'acte de naissance de cette dernière, contrairement à ce qu'affirme le département des Alpes-Maritimes ; que si Mme B...a déclaré avoir obtenu ces informations auprès d'un prétendu agent de la direction départementale des affaires sanitaires sociales (DDASS), il est constant qu'à cette époque, cette direction n'était plus en charge de ces informations qui étaient désormais traitées par le service d'aide sociale à l'enfance relevant de la compétence du département des Alpes-Maritimes ; que ce dernier qui se borne à soutenir que, lors d'une procédure d'adoption plénière, plusieurs services publics sont sollicités, se prévaut d'articles de presse dans lesquels Mme B...indique que c'est grâce au dysfonctionnement des services de " la DDASS " qu'elle a eu accès aux informations confidentielles concernant sa fille biologique et fait état du classement sans suite de la procédure pénale engagée par les requérants pour violation du secret professionnel, n'apporte pas la preuve qui lui incombe que la divulgation de ces informations résulterait d'un tiers ou d'une faute de la victime ; que, par ailleurs il ne résulte pas de l'instruction que Mlle C...et autres aient commis une faute ; que, par suite, la divulgation d'informations confidentielles relatives aux conditions d'adoption de Mlle E... C... à Mme B...par les services de l'aide sociale à l'enfance, constitue un comportement fautif du département des Alpes-Maritimes de nature à engager son entière responsabilité ;

Sur les préjudices :

10. Considérant que si le département des Alpes-Maritimes conteste le lien de causalité entre la survenance du dommage allégué par les requérants et la faute imputable à ses services, ce lien paraît toutefois établi dès lors qu'il résulte de l'instruction et notamment des témoignages produits au dossier par les requérants, que suite à l'obtention des informations litigieuses auprès de services de l'aide sociale à l'enfance, Mme B...a tenté, avec insistance et de manière répétée, de prendre contact avec sa fille biologique ; qu'en effet, elle a, notamment, effectué plusieurs déclarations dans différents médias dès le mois de décembre 2000 faisant état de ses recherches, passé des appels anonymes auprès de M. et MmeC..., de leur famille proche ou de la gardienne de leur immeuble, en septembre et octobre 2001 et a interrogé un camarade de Mlle E... C...à la sortie de son collège afin d'obtenir une photo de sa fille biologique ainsi que son numéro de portable ; que le 24 septembre 2001, ne voyant pas Mlle E...C...sortir du collège, elle l'a fait appeler sur son portable par l'un de ses camarades et lui alors demandé de la rencontrer immédiatement ce que Mlle E...C...a accepté de faire ; que des faits similaires se sont produits jusqu'en septembre 2008 où M. C...a constaté la présence de Mme B... dans le hall d'entrée de son immeuble ; que, dans ces conditions, il existe un lien direct de cause à effet entre la divulgation à Mme B...d'informations confidentielles concernant sa fille biologique par les services de l'aide sociale à l'enfance du département des Alpes-Maritimes et le dommage causé à Mlle C...et à ses parents adoptifs ; que, par suite, ces derniers sont fondés à demander au département la réparation du préjudice moral qu'ils ont subi du fait des agissements insistants et répétés de Mme B...à leur égard ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par les requérants en condamnant le département des Alpes-Maritimes à verser la somme de 5 000 euros chacun à M. et MmeC..., ainsi que la somme de 8 000 euros à Mlle E...C... ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M.C..., Mme C...et Mlle C... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande indemnitaire en tant qu'elle était dirigée contre le département des Alpes-Maritimes ; que, par suite, il y a lieu d'annuler ledit jugement et de condamner le département des Alpes-Maritimes à verser à M. et Mme C...5 000 euros chacun et 8 000 euros à MlleC... ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département des Alpes-Maritimes la somme de 2 500 euros à M.C..., Mme C...et à Mlle E... C...au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice n°0506174 en date du 27 janvier 2009 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande indemnitaire de M.C..., Mme C...et de Mlle C... dirigée contre le département des Alpes-Maritimes.

Article 2 : Le département des Alpes-Maritimes est condamné à verser la somme de 5 000 (cinq mille) euros chacun à M. et MmeC..., ainsi que la somme de 8 000 (huit mille) euros à Mlle E...C...en réparation du préjudice moral qu'ils ont subi.

Article 3 : Le département des Alpes-Maritimes versera la somme de 2 500 (deux mille cinq cents) euros à M.C..., Mme C...et Mlle E...C..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M.C..., Mme C...et de Mlle E... C... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle E...C..., à M. A...C..., à Mme G... C... et au département des Alpes-Maritimes.

Copie en sera adressée à la commune de Nice.

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No 12MA04148


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