Vu la requête, enregistrée le 27 mai 2011, présentée pour la commune de Montpellier, représentée par son maire en exercice, par la SCP Vinsonneau-Paliès, Noy, Gauer et associés ; la commune de Montpellier demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0904772 du 5 avril 2011 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé une décision du directeur général des services du 25 juin 2001 affectant M. D...au service de la voirie et l'a condamnée à verser à celui-ci une somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. D...devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de M. D...une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
...............................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
Vu le décret n° 88-547 du 6 mai 1988 portant statut particulier du cadre d'emploi des agents de maîtrise territoriaux ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 septembre 2013 :
- le rapport de M. Portail, président-assesseur,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., pour la commune de Montpellier ;
1. Considérant que par décision du directeur général des services de la commune de Montpellier du 25 juin 2001, M.D..., agent de maîtrise territorial, a été muté du service patrimoine-sécurité au service de la voirie à compter du 1er juillet 2001 ; que M. D...a saisi le tribunal administratif de Montpellier d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision et, d'autre part, à l'indemnisation du préjudice résultant pour lui des conditions dans lesquelles il a été affecté au service de la voirie ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a prononcé l'annulation de la décision du 25 juin 2001 et alloué à M. D...une indemnité de 25 000 euros ; que la commune de Montpellier demande l'annulation de ce jugement et le rejet de la demande présentée par M. D...en première instance ; que, par voie d'appel incident, M. D...demande la majoration du montant de l'indemnité qui lui a été allouée ;
Sur l'appel principal de la commune de Montpellier :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient (...) l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) " ;
3. Considérant qu'il ressort de l'examen de la minute du jugement que celui-ci comporte l'analyse des conclusions et mémoires des parties ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation de la décision d'affectation du 25 juin 2001 :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret du 6 mai 1988 portant statut particulier du cadre d'emploi des agents de maîtrise territoriaux, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " Les agents de maîtrise sont chargés de missions et de travaux techniques comportant notamment le contrôle de la bonne exécution de travaux confiés à des entrepreneurs ou exécutés en régie ou l'encadrement de fonctionnaires appartenant aux cadres d'emplois techniques de catégorie C (...) " ;
5. Considérant que M.D..., agent de maîtrise territorial a été muté, par la décision contestée, du service patrimoine-sécurité de la commune de Montpellier, où il exerçait des fonctions dans le cadre desquelles il représentait notamment les services municipaux dans les commissions de sécurité et rédigeait les arrêtés de périls, au service de la voirie au sein duquel lui ont été confiées de simples tâches de manutention ; qu'alors même qu'elle ne comporte aucune incidence négative sur la rémunération de l'intéressé, cette décision, dans la mesure où elle entraîne pour lui une perte significative de responsabilités et porte atteinte aux prérogatives qu'il tient de son statut en ce que les tâches qui lui ont été attribuées ne relèvent pas normalement des missions pouvant être confiées aux agents de maîtrise territoriaux, a, contrairement à ce que soutient la commune de Montpellier, le caractère d'un acte faisant grief ; que la commune requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté la fin de non recevoir qu'elle opposait à cet égard ;
6. Considérant que si, comme il vient d'être dit, la décision en litige a entraîné pour M. D... une perte de responsabilités et une atteinte à ses prérogatives statutaires, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait été prise pour des motifs disciplinaires ; que la commune de Montpellier est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif en a prononcé l'annulation pour un tel motif ;
7. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. D... devant le tribunal administratif ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article 52 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 : " L'autorité territoriale procède aux mouvements des fonctionnaires au sein de la collectivité ou de l'établissement... " ; que l'article L. 2122-19 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée, dispose : " Le maire peut donner, sous sa surveillance et sa responsabilité, par arrêté, délégation de signature : 1° Au directeur général des services et au directeur général adjoint des services de mairie (...) " ;
9. Considérant que la décision contestée a été signée par M.E..., directeur général des services de la ville de Montpellier, qui disposait d'une délégation de signature du maire de Montpellier en date du 9 avril 2001, pour signer, en l'absence ou en cas d'empêchement des adjoints dans leur domaine de compétence, l'ensemble des actes établis par les services municipaux dans le cadre des missions dévolues aux collectivités locales ; que la décision portant délégation, limitée aux domaines de compétences des adjoints du maire, ne comporte pas de caractère général et n'est donc pas entachée d'illégalité ; que le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise par une autorité incompétente doit, dès lors, être écarté ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Montpellier est fondée à demander l'annulation du jugement contesté en tant qu'il a fait droit à la demande d'annulation de la décision du 25 juin 2001 portant affectation de M. D...au service voirie ;
En ce qui concerne les demandes indemnitaires :
S'agissant de la faute :
11. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. / Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public " ;
12. Considérant qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
13. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M.D..., a été affecté à compter du 25 juin 2001 au service de la voirie dans des conditions comportant, ainsi qu'il a été dit, une perte significative de responsabilité par rapport aux missions qui lui étaient jusqu'alors confiées au service patrimoine-sécurité et une atteinte à ses prérogatives dans la mesure où les tâches de manutention qui lui ont été dévolues au service de la voirie ne peuvent être regardées comme relevant normalement d'un agent de maîtrise territorial ; que si la commune de Montpellier fait valoir que cette mutation était justifiée par le fait que l'intéressé était sous-employé dans son affectation précédente, elle ne fournit aucune justification du choix de l'affecter de manière brutale et sans concertation, sur un poste ne correspondant pas à sa qualification ; que M. D...a été maintenu dans cette affectation comportant de tâches subalternes sans réussir à obtenir, pendant plusieurs années, de réponse de sa hiérarchie sur ses demandes d'explications répétées ni la prise en considération de son souhait de se voir confier un poste en rapport avec sa qualification ; que la commune de Montpellier ne justifie pas davantage avoir pris en compte les avertissements du service de médecine professionnelle préventive qui a attiré à plusieurs reprises son attention sur le fait que les tâches de manutention confiées à M. D...étaient incompatibles avec son état de santé ; qu'il résulte des témoignages produits au dossier, notamment celui de M. B..., que M. D...ne peut être regardé comme ayant bénéficié d'un traitement identique à celui des autres agents du service de voirie au sein duquel il indique, sans être sérieusement contredit, n'avoir disposé ni d'un bureau, ni d'une chaise et avoir dû s'installer dans les couloirs ; que la prolongation de cette situation et l'absence de réaction des services de la commune aux demandes répétées de M. D... tendant à ce qu'il y soit remédié, tant pour tenir compte de ses prérogatives statutaires que pour répondre aux observations du service de médecine professionnelle, ont entraîné une dégradation de ses conditions de travail et une atteinte à ses droits et à sa dignité qui ont altéré sa santé et compromis son avenir professionnel ; qu'une telle situation constitue un harcèlement moral de nature à engager la responsabilité pour faute de la commune de Montpellier à l'égard de l'intéressé ;
S'agissant du préjudice :
14. Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que le harcèlement moral dont a fait l'objet M. D...a généré chez l'intéressé un syndrome dépressif qui a justifié un congé de longue maladie à compter du 1er juin 2005 ; qu'il en est résulté pour l'intéressé un préjudice moral et physique, des troubles dans ses conditions d'existence ; qu'il a en outre subi un préjudice financier du fait qu'il a été placé à demi-traitement à compter de juin 2008 et qu'il n'a ainsi pas cotisé sur un salaire plein pour sa retraite ; qu'il a également subi une perte de chance d'avancement professionnel au grade d'agent de maîtrise qualifié ; qu'en revanche, il ne résulte pas des pièces du dossier que l'affection cancéreuse développée par l'intéressé à compter de 2009 soit la conséquence du harcèlement moral dont il a été victime ; que, dans les circonstances de l'espèce, le tribunal a fait une juste appréciation de l'ensemble des préjudices subis par M. D... en l'évaluant à la somme de 25 000 euros tous intérêts confondus ;
15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Montpellier n'est pas fondée à demander, par voie d'appel principal, l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamnée à verser à M. D...une indemnité de 25 000 euros tous intérêts compris et que M. D... n'est pas fondé, par la voie de l'appel incident, à demander que cette indemnité soit portée à la somme de 50 000 euros ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n y a pas lieu de faire droit aux conclusions que les parties présentent sur le fondement de ces dispositions au titre des frais exposées par elles et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 0904772 du tribunal administratif de Montpellier du 5 avril 2011 est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la demande de M. D...devant le tribunal administratif de Montpellier tendant à l'annulation de la décision du 25 juin 2001 portant changement d'affectation, sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la commune de Montpellier et à M. A...D....
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N° 11MA02113 2