Vu, enregistrée le 15 juin 2011, la requête présentée pour Mme A...B..., demeurant ... par Me Savi, avocate ;
Mme B...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0903370 du 16 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite, née le 9 avril 2009 du silence gardé par le maire de la commune de Marseille, de rejet de sa demande tendant à l'indemnisation, par la commune de Marseille, des conséquences dommageables résultant de l'accident mortel de son époux le 5 février 2006, lors d'une randonnée dans la calanque des Pierres Tombées à Sugiton et à la condamnation de la commune à lui verser la somme totale de 221 730 euros au titre du préjudice subi résultant de cet accident ;
2°) à titre principal, de faire droit à sa demande, à titre subsidiaire, de condamner la commune de Marseille à un euro symbolique ;
3°) de condamner la commune de Marseille à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 juin 2013 :
- le rapport de Mme Carassic, rapporteure ;
- les conclusions de Mme Fedi, rapporteur publique ;
- et les observations de Me D... représentant Mme B...et de Me C...du cabinet Abeille pour la ville de Marseille ;
1. Considérant que, le 5 février 2006, M.B..., randonneur expérimenté, qui faisait une marche dans les calanques de Cassis, a fait une pause sur une petite plage naturelle au lieu-dit "les Pierres Tombées" dans la calanque de Sugiton ; qu'un très gros bloc de pierre s'est brusquement détaché de la falaise pour s'effondrer sur cette plage ; que cet accident a causé le décès de M. B...; que MmeB..., estimant que le décès de son époux était susceptible d'engager la responsabilité de la commune de Marseille, a formé une réclamation préalable indemnitaire, notifiée le 9 février 2009, au maire de la commune, qui est restée sans réponse ; qu'elle a demandé au tribunal administratif de Marseille l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande et la condamnation de la commune à lui verser la somme totale de 221 730 euros au titre du préjudice subi résultant de cet accident ; que, par jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques, les agents de l'Etat ou d'une personne publique mentionnée à l'article 7 de cette ordonnance ou leurs ayants droit qui demandent en justice la réparation d'un préjudice qu'ils imputent à un tiers " doivent appeler en déclaration de jugement commun la personne publique intéressée et indiquer la qualité qui leur ouvre droit aux prestations de celle-ci " ; que cette obligation, dont la méconnaissance est sanctionnée par la possibilité reconnue à toute personne intéressée de demander pendant deux ans l'annulation du jugement, a pour objet de permettre la mise en cause, à laquelle le juge administratif doit procéder d'office, des personnes publiques susceptibles d'avoir versé ou de devoir verser des prestations à la victime ou à ses ayants droit ; que devant le tribunal administratif de Marseille, Mme B... a fait connaître la qualité de fonctionnaire territorial de son époux ; qu'en ne communiquant pas sa requête à la Caisse des dépôts et consignations, en sa qualité de gérante de la caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité ; que ce dernier doit, par suite, être annulé ;
3. Considérant que la Cour ayant mis en cause la caisse des dépôts et consignations dans le litige opposant Mme B...à la commune de Marseille, il y a lieu de se prononcer immédiatement sur la demande de Mme B...par la voie de l'évocation ;
Sur la responsabilité de la commune :
4. Considérant que la requérante, qui ne conteste plus en appel que la responsabilité de la commune ne peut pas être engagée sur le fondement du défaut d'entretien normal de l'ouvrage public, dès lors que la plage et la falaise des Pierres Tombées ne sauraient être regardées comme un tel ouvrage, invoque un double fondement de responsabilité de la commune, d'une part, pour défaut d'entretien de son domaine public en sa qualité de propriétaire sur le fondement de l'article 1384 du code civil et, d'autre part, pour faute du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police ;
En ce qui concerne la responsabilité de la commune pour défaut d'entretien de son domaine public :
5. Considérant qu'avant l'entrée en vigueur, le 1er juillet 2006, du code général de la propriété des personnes publiques, l'appartenance d'un bien au domaine public était, sauf si ce bien était directement affecté à l'usage du public, subordonnée à la double condition que le bien ait été affecté au service public et spécialement aménagé en vue du service public auquel il était destiné ; que l'accident en litige s'est produit antérieurement à l'entrée en vigueur du code ; qu'il résulte de l'instruction que l'ensemble géologique de la calanque de Sugiton, incluant le lieu de l'accident, fait l'objet d'un avertissement " accès dangereux, chutes de pierres " décourageant l'accès au public et que, tout particulièrement, la calanque des Pierres Tombées est une plage sauvage naturelle, difficile d'accès qui ne fait l'objet d'aucun aménagement particulier ; que cette calanque ne peut dès lors être regardée ni comme directement affectée au service public ni spécialement aménagée en vue d'un service public auquel elle serait destinée ; que, par suite, les conclusions tendant à engager la responsabilité de la commune pour défaut d'entretien de son domaine public, présentées par MmeB..., laquelle n'a, au demeurant, pas répondu au courrier par lequel la Cour l'a informée qu'elle était susceptible de soulever d'office l'irrecevabilité de sa requête sur ce point, ne peuvent être que rejetées ;
En ce qui concerne la responsabilité du maire pour carence dans l'exercice de ses pouvoirs de police :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2122 5° du code général des collectivités territoriales :" La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment (...): 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure ." ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction, d'une part, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, qu'un panneau " calanque de Sugiton, accès dangereux, chutes de pierres ", a été installé à Luminy au début du chemin permettant d'accéder d'abord à la calanque de Sugiton, puis, en escaladant les rochers en l'absence de chemin, à la plage des Pierres Tombées, d'autre part, que la falaise qui surplombe cette plage rocheuse, restée dans un état totalement naturel, ne menace aucune habitation ou ouvrage humain et aurait, selon la mairie qui n'est toutefois pas en mesure de l'établir, fait l'objet de travaux de purge effectués par la société Simeco du 3 au 14 février 2013 ; que si la requérante fait valoir que, nonobstant cette configuration, la calanque est fréquentée traditionnellement par des randonneurs et des naturistes et qu'eu égard au risque particulier qu'elle présente du fait de sa situation au pied d'une falaise verticale, elle aurait dû faire l'objet d'une signalisation particulière ou aurait même du être fermée, comme elle l'a d'ailleurs été après l'accident litigieux, dans l'attente d'une expertise de la roche avant sa réouverture au public, il résulte de l'instruction, d'une part, qu'aucun élément, antérieurement à l'accident, ne permettait de supposer que la falaise aurait présenté un risque éminent ou exceptionnel d'effondrement, d'autre part, que les promeneurs qui s'engagent dans le massif des calanques ne peuvent ignorer les risques, habituels sur des sentiers présentant les mêmes caractéristiques que ceux d'une zone de montagne, auxquels ils s'exposent, et qu'ils étaient en mesure, avertis par le panneau précité, par le nom même de l'endroit et en voyant la haute paroi verticale surplombant le lieu, d'évaluer qu'une halte sur cette plage non aménagée, pouvait présenter un risque important d'éboulement ; que, par suite, la requérante, qui, pas plus en appel qu'en première instance, ne produit aucun début d'élément technique de nature à justifier, comme elle le demande, la désignation d'un expert, n'établit pas qu'il existait un risque exceptionnel de chute de pierres excédant celui auquel un promeneur pouvait s'attendre de nature à justifier que le maire prenne d'autres mesures que celles décrites ci-dessus dans l'usage des pouvoirs de police qu'il tient des dispositions suscitées de l'article L. 2122 du code général des collectivités territoriales ; que, dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que, dans les circonstances de l'espèce, le maire ne pouvait voir sa responsabilité engagée sur ce fondement ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de désigner un expert, que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que la commune de Marseille, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, soit condamnée à verser quelque somme que ce soit à la requérante au titre des frais non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner Mme B...à verser à la commune de Marseille la somme qu'elle demande au titre de ses frais d'instance ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Marseille au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à MmeB..., à la commune de Marseille et à la Caisse des dépôts et consignations.
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N° 11MA023032
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