Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 30 juin 2011 sous le n°11MA02514, présentée pour Mme E...C...épouseD..., demeurant..., par MeA... ;
Mme C...épouse D...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1000687 du 1er juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 77 143 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2009, en réparation des préjudices que lui ont causés, d'une part, la délivrance d'une autorisation tacite d'exploitation à l'issue d'une procédure irrégulière et, d'autre part, l'inertie de l'administration lors des demandes d'exécution des décisions de justice et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 77 143 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2009 ;
3°) de dire et juger que les intérêts seront capitalisés pour produire eux-mêmes des intérêts à compter du 23 décembre 2010 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 avril 2013 :
- le rapport de Mme Marzoug, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Salvage, rapporteur public ;
- et les observations de Me B...de la SCP d'avocats CGCB et associés pour Mme C...E... ;
Considérant que le 15 novembre 1983, les époux D...ont consenti un bail rural à M. H... portant sur diverses parcelles de leur propriété située sur les communes de Verfeuil et Goudargues ; que ce bail a été renouvelé en 1992 et a été repris le 2 septembre 1997 par Mme H..., fille de M.H... ; que le 2 octobre 2001, Mme C...épouse D...a présenté auprès de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt du Gard une demande d'autorisation d'agrandissement d'exploitation agricole, laquelle impliquait la reprise des terres données à bail à MmeH... ; que le silence gardé par le préfet du Gard a fait naître le 2 février 2002 une autorisation tacite au bénéfice de Mme C...épouseD... ; que Mme H... a saisi le tribunal administratif de Montpellier d'une demande tendant à l'annulation de cette autorisation ; que, par un jugement en date du 19 février 2003, confirmé par un arrêt de la Cour de céans le 17 octobre 2005, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision implicite d'autorisation d'exploiter délivrée par le préfet du Gard à Mme C...épouse D...au motif qu'elle était entachée d'un vice de procédure faute pour l'administration d'avoir informé les personnes intéressées, et notamment le preneur en place, de l'enregistrement du dossier présenté par le propriétaire et de ce qu'elles pouvaient présenter des observations écrites ainsi que, à leur demande, être entendues par la commission compétente, devant laquelle elles avaient le droit de se faire assister ou représenter par toute personne de leur choix ; que, par deux courriers notifiés les 15 décembre 2005 et 21 février 2006, Mme C...épouse D...a saisi le préfet du Gard d'une demande de nouvelle instruction de sa demande d'autorisation d'agrandissement d'exploitation agricole présentée le 2 octobre 2001 ; que par une lettre en date du 22 mai 2007, le préfet a informé la requérante qu'elle devait déposer une nouvelle demande d'autorisation d'exploiter et lui a adressé un exemplaire de dossier à remplir ; que Mme C... épouseD..., qui estimait que l'administration devait statuer sur le dossier qu'elle avait présenté le 2 octobre 2001, n'a pas répondu à ce courrier et a saisi la Cour de céans d'une demande d'exécution de l'arrêt susmentionné du 17 octobre 2005 ; que par un arrêt rendu le 10 septembre 2009, qui est devenu définitif, la Cour a estimé que le silence gardé par le préfet du Gard sur la demande de réexamen présentée par la requérante le 15 décembre 2005 avait fait naître une autorisation implicite d'exploiter à compter du 15 avril 2006 ; que par un courrier notifié le 23 décembre 2009, Mme C... épouse D... a adressé au préfet du Gard une demande indemnitaire tendant à la réparation de ses préjudices consécutifs à la délivrance d'une autorisation tacite d'exploitation à l'issue d'une procédure irrégulière et à son inertie fautive lors des demandes d'exécution des décisions de justice ;
qu'en l'absence de réponse du préfet, Mme C... épouse D... a saisi, le 5 mars 2010, le tribunal administratif de Montpellier d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser de ses préjudices imputables aux fautes commises par le préfet du Gard ; que, par un jugement en date du 1er juin 2011, sa demande a été rejetée par le tribunal administratif de Nîmes ; que la requérante relève appel de ce jugement ;
Sur l'illégalité entachant la décision implicite d'autorisation d'exploiter délivrée par le préfet du Gard suite à la demande formulée le 2 octobre 2001 :
2. Considérant que Mme C...épouse D...demande la réparation des préjudices dont elle estime avoir été victime en raison de l'illégalité entachant la décision implicite d'autorisation d'exploiter qui lui a été délivrée par le préfet du Gard suite à la demande formulée le 2 octobre 2001 ; que si cette illégalité constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard de la requérante, celle-ci n'est en droit d'obtenir réparation que pour autant qu'il en est résulté pour elle un préjudice direct et certain ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 411-58 du code rural : " (...) Si l'opération envisagée est subordonnée à une autorisation en application des dispositions du titre VII du livre Ier du code rural concernant le contrôle des structures des exploitations agricoles, la reprise ne peut être obtenue que si cette autorisation a été accordée. Si la décision prise à ce sujet n'est pas devenue définitive à la date normale d'effet du congé, le tribunal paritaire sursoit à statuer, le bail en cours étant prorogé de plein droit jusqu'à la fin de l'année culturale pendant laquelle cette décision est devenue définitive. (...) " ; qu'il résulte de l'instruction que le 9 mai 2000, Mme C...épouse D...a donné congé à Mme H...à compter du 15 novembre 2001 ; que cette dernière a alors contesté ce congé devant le tribunal paritaire des baux ruraux, qui a rejeté sa requête le 20 avril 2001 ; que Mme H...a fait appel de ce jugement le 18 mai 2001 devant la Cour d'appel de Nîmes ; que cet appel a suspendu les effets du jugement tribunal paritaire des baux ruraux, dès lors que celui-ci n'ordonnait pas son exécution provisoire ; que le 2 février 2002, Mme C... épouse D...a obtenu, suite au silence gardé par le préfet du Gard sur sa demande d'agrandissement d'exploitation, une autorisation implicite d'exploiter ; que le 1er mars 2002, Mme H...a saisi le tribunal administratif de Montpellier d'une demande tendant à l'annulation de cette décision implicite ; que, le 2 juillet 2002, prenant acte du recours pendant devant le tribunal administratif de Montpellier, la Cour d'appel de Nîmes a sursis à statuer jusqu'à l'issue de la procédure devant le juge administratif ; que par jugement du 19 janvier 2003, le tribunal administratif a annulé la décision implicite d'autorisation d'exploiter délivrée par le préfet du Gard à Mme C...épouseD... ; que cette dernière a relevé appel de ce jugement, lequel a été rejeté le 17 octobre 2005 ; que le 29 avril 2003, la Cour d'appel de Nîmes a mis l'affaire hors du rôle en indiquant qu'elle serait réinscrite sur demande de la partie la plus diligente à l'issue de la procédure devant la juridiction administrative ; que, dans ces conditions, l'impossibilité dans laquelle Mme C...épouse D...s'est trouvée d'exploiter les terres en cause trouvait son origine dans l'action entreprise par Mme H...devant le tribunal paritaire des baux ruraux puis devant la Cour d'appel de Nîmes en vue de faire échec à la reprise des terres qu'elle exploitait et dans l'obligation, faite par l'article L. 411-58 du code rural au juge civil, de surseoir à statuer jusqu'à ce que la juridiction administrative se soit définitivement prononcée sur l'autorisation préfectorale ; qu'en effet, en raison de la procédure pendante devant la Cour d'appel de Nîmes, Mme C...épouse D...n'aurait pas pu exploiter les terres données à bail à Mme H... à compter du 2 février 2002 même si l'autorisation implicite délivrée par le préfet du Gard n'avait pas été entachée d'illégalité ; qu'ainsi, le préjudice subi par Mme C...épouse D...n'est pas en lien direct et certain avec cette illégalité ;
Sur le comportement fautif de l'administration suite à la nouvelle demande d'instruction du dossier déposé le 2 octobre 2001 présentée le 15 décembre 2005 :
4. Considérant que la requérante soutient que si elle est titulaire d'une autorisation tacite depuis le 15 avril 2006, elle n'a pas pu jouir des droits attachés à cette autorisation en raison du comportement fautif de l'administration ; qu'il résulte de l'instruction que suite à la confirmation le 17 octobre 2005 par la Cour de céans de l'annulation de la décision implicite d'autorisation d'exploiter accordée à Mme C...épouseD..., celle-ci a présenté, par courrier du 12 décembre 2005 notifié le 15 décembre 2005, une nouvelle demande d'instruction de son dossier déposé le 2 octobre 2001 ; que le préfet du Gard n'ayant pas répondu, elle l'a relancé par courrier du 17 février 2006 ; que, par une lettre en date du 22 mai 2007, le préfet a rejeté sa demande et lui a indiqué qu'elle devait déposer une nouvelle demande d'autorisation d'exploiter ; que la requérante a alors saisi la Cour de céans d'une demande d'exécution de l'arrêt du 17 octobre 2005, laquelle a précisé le 10 septembre 2009, par un arrêt devenu définitif, que Mme C... épouse D... était titulaire d'une autorisation tacite d'exploiter depuis le 15 avril 2006 en application de l'article R. 331-6 du code rural, selon lequel " (...) A défaut de notification d'une décision dans le délai de quatre mois à compter de la date d'enregistrement du dossier (...), l'autorisation est réputée accordée (...) " ; que, dès lors, par le courrier en date du 22 mai 2007, le préfet du Gard, en rejetant la demande de réexamen présentée par la requérante et en l'invitant à présenter une nouvelle demande, lui a délivré une fausse information et l'a maintenue dans l'idée qu'elle n'était pas titulaire d'une autorisation d'exploiter ; qu'ainsi, si la requérante ne saurait reprocher à l'administration d'avoir refusé de statuer expressément sur sa demande pendant plus de deux ans, elle est, en revanche, fondée à soutenir qu'en lui indiquant à tort qu'elle n'était pas titulaire d'une autorisation tacite d'exploiter dans le courrier du 22 mai 2007, le préfet du Gard a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
5. Considérant que compte tenu du comportement fautif de l'administration, Mme C... épouse D...a perdu toute chance de pouvoir reprendre ses terres données à bail à Mme H...entre le 22 mai 2007, date à laquelle l'administration lui a délivré une information erronée en ce qui concerne l'autorisation tacite d'exploiter dont elle était titulaire depuis le 15 avril 2006, et le 10 septembre 2009, date à laquelle est intervenu l'arrêt susmentionné de la Cour de céans lui indiquant l'existence de cette autorisation ; que la requérante soutient qu'elle souhaitait reprendre ses terres en vue d'y cultiver du fourrage et d'y planter une oliveraie ; que pour établir la réalité et le montant de ses préjudices, elle produit un rapport d'expertise réalisé par M. G...F..., lequel est sérieusement contesté en défense par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, qui relève que ce rapport ne s'appuie sur aucune pièce, a retenu l'hypothèse de l'exploitation la plus rémunératrice, a surestimé les recettes, a préjugé du versement de subventions, ne fait pas apparaître les charges d'exploitation et d'entretien des parcelles et a omis de déduire les fermages perçus ; que, dans les circonstances de l'espèce, la Cour n'est effectivement pas en mesure de statuer sur les préjudices subis par Mme C... épouse D...entre le 22 mai 2007 et le 10 septembre 2009 ; que, par suite, il y a lieu d'ordonner avant dire droit une expertise aux fins précisées ci-après et de réserver, jusqu'en fin d'instance, les droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt ;
D E C I D E :
Article 1er : Il sera, avant de statuer sur les préjudices subis par Mme C...épouse D...entre le 22 mai 2007 et le 10 septembre 2009, procédé à une expertise.
Article 2 : L'expert sera désigné par le président de la Cour. Il ne pourra faire appel au concours d'un sapiteur qu'avec son autorisation. L'expertise sera conduite et suivie selon les dispositions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative.
Article 3 : L'expert aura pour mission :
1°) de se faire communiquer tous les documents utiles à sa mission et d'entendre, à sa demande, toute personne susceptible de l'éclairer dans le cadre de sa mission ;
2°) de visiter les lieux et en dresser un état descriptif précis, comportant notamment la localisation, la nature et la superficie des terres en cause ;
3°) de préciser les conditions dans lesquelles Mme C...épouse D...aurait pu exploiter les terres données à bail à Mme H...si elle avait pu les reprendre à compter du mois de mai 2007, et notamment si elle pouvait y cultiver du fourrage et y planter des oliviers ;
4°) de donner à la Cour tous les éléments nécessaires à la détermination des préjudices subis par l'intéressée en évaluant notamment les gains qu'elle aurait pu réaliser si elle avait exploité les terres données à bail à Mme H...sur la période mai 2007-septembre 2009 compte tenu des charges d'exploitation et des conditions climatiques ;
5°) de préciser le montant des loyers versés par Mme H...sur la période mai 2007 à septembre 2009 ;
6°) de donner à la Cour toute autre information susceptible de l'éclairer dans sa décision.
Article 4 : L'expertise sera réalisée au contradictoire de Mme C...épouse D...et du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Article 5 : L'expert déposera son rapport au greffe en deux exemplaires et en adressera une copie à chacune des parties, conformément à l'article R. 621-9 du code de justice administrative, dans le délai qui sera fixé par le président de la Cour.
Article 6 : Les frais et honoraires dus à l'expert seront taxés ultérieurement par ordonnance du président de la Cour, conformément à l'article R. 621-11 du code de justice administrative.
Article 7 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...C...épouseD..., au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et à l'expert.
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
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N° 11MA02514 2
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