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30/04/2013 | FRANCE | N°10MA01879

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 30 avril 2013, 10MA01879


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 14 mai 2010 et régularisée par courrier le 20 mai 2010, présentée pour M. et Mme A...B..., demeurant..., par MeC... ;

M. et Mme B...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0805246, 0805248, 0805253 en date du 25 février 2010 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes tendant à la décharge, en droits et pénalités, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2004 et 2005, et d'autre part, des droits

supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de M. B...au titre...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 14 mai 2010 et régularisée par courrier le 20 mai 2010, présentée pour M. et Mme A...B..., demeurant..., par MeC... ;

M. et Mme B...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0805246, 0805248, 0805253 en date du 25 février 2010 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes tendant à la décharge, en droits et pénalités, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2004 et 2005, et d'autre part, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de M. B...au titre de la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 avril 2013,

- le rapport de M. Emmanuelli, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Guidal, rapporteur public ;

1. Considérant que M. B...exploitait le restaurant l'Aïoli à Perpignan et relevait, à ce titre, de la taxe sur la valeur ajoutée et de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a rehaussé le chiffre d'affaires déclaré par l'intéressé au titre des années 2004 et 2005 (proposition de rectification en date du 20 décembre 2006) ; que M. et Mme B...ont, par ailleurs, fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2004 et 2005 à l'issue duquel le vérificateur a taxé d'office à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, diverses sommes figurant au crédit des comptes bancaires ouverts au nom des intéressés pour lesquelles aucun justificatif n'avait été apporté (proposition de rectification en date du 26 juin 2007) ; que M. et Mme B...relèvent appel du jugement en date du 25 février 2010 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes tendant à la décharge, en droits et pénalités, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2004 et 2005, et d'autre part, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de M. B... au titre de la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005 ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que le tribunal administratif devait statuer par deux jugements séparés à l'égard de deux contribuables distincts, d'une part, M. et MmeB..., s'agissant des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2004 et 2005 et, d'autre part, M. B...s'agissant des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005 ; que c'est en méconnaissance de cette règle d'ordre public que le tribunal administratif a statué par un même jugement sur l'ensemble des conclusions de M. et Mme B...; que, ce faisant, le tribunal administratif a entaché d'irrégularité ledit jugement ; que, par suite, ce dernier doit être annulé ;

3. Considérant qu'il y a lieu, pour la Cour, d'une part, d'évoquer la demande présentée devant le tribunal administratif de Montpellier en tant qu'elle concerne les cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles M. et Mme B...ont été assujettis au titre des années 2004 et 2005 et, d'autre part, après que les mémoires et pièces produites dans les écritures correspondant aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée contestés par M. B...au titre de la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005 auront été enregistrés par le greffe de la Cour sous un numéro distinct, de statuer par la voie de l'évocation sur les conclusions de M. B...relatives audits rappels ;

Sur les conclusions en décharge des cotisations d'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux :

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et qu'il n'est pas contesté, que M. B...n'a pas été en mesure de présenter, au titre des exercices 2004 et 2005, le livre journal, le grand livre, le livre d'inventaire, l'inventaire détaillé des stocks, les factures d'achats et le double des notes clients ; que si l'intéressé a produit, afin de justifier le défaut de présentation desdits documents, un récépissé de déclaration établi par un agent de police judiciaire le 8 avril 2005 et relatant le vol, dans la nuit du 5 au 6 avril 2005, d'un certain nombre d'objets dans la réserve du restaurant et, notamment, d'une commode contenant des documents comptables, il est constant que la nature des documents dont il s'agit n'a été nullement précisée ; qu'au demeurant, cet évènement ne saurait expliquer l'absence de documents comptables afférents à l'année 2005 ; qu'au surplus, M. B...a déclaré, à l'occasion d'un contrôle et d'une perquisition opérés le 11 juillet 2006 dans les locaux du restaurant l'Aïoli, qu'il ne tenait aucune comptabilité officielle, que les règlements en espèces n'étaient pas déposés en banque mais étaient utilisés à des fins personnelles ; que, dans ces conditions, le vérificateur était en droit d'écarter la comptabilité et de procéder à une reconstitution du chiffre d'affaires de l'entreprise ;

En ce qui concerne la charge de la preuve :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge. Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu (...) " ;

6. Considérant que la comptabilité du restaurant l'Aïoli comportait de graves irrégularités et que les impositions ont été établies conformément à l'avis émis le 9 novembre 2007 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; qu'il incombe, en conséquence, aux requérants d'établir le caractère exagéré des impositions contestées ;

En ce qui concerne la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires et le montant des impositions :

7. Considérant que le vérificateur a reconstitué le chiffre d'affaires de l'entreprise selon la méthode dite " des vins " consistant à dégager le rapport existant entre le vin revendu et le total des repas facturés durant une période de référence contemporaine de la vérification sur place, allant du 11 novembre 2006 au 14 janvier 2007, puis à appliquer ce rapport aux achats revendus de vins de l'année 2005 ressortant des factures d'achats ayant pu être présentées, les stocks étant réputés constants en l'absence d'inventaires, puis, en l'absence de factures d'achats pour l'année 2004, à extrapoler ensuite sur ladite année le rapport de marge brute ventes sur achats constaté en 2005 après reconstitution, soit 5,29 ;

8. Considérant, en premier lieu, que M. et Mme B...soutiennent que l'administration ne pouvait fonder les redressements sur les termes des auditions de M. B...qui, du fait de son état de santé et des pressions exercées, aurait reconnu des minorations de recettes et des prélèvements d'espèces qui n'étaient pas effectifs ; qu'il est constant, toutefois, que le vérificateur ne s'est pas fondé sur les auditions dont il s'agit pour reconstituer le chiffre d'affaires de l'entreprise mais sur la méthode des vins exposée supra ; que le moyen soulevé ne peut donc qu'être rejeté ;

9. Considérant, en second lieu, que les requérants contestent uniquement le coefficient de 8,79 dégagé au départ de la reconstitution par le vérificateur sur la période de référence de novembre 2006 à janvier 2007 et proposent de retenir un coefficient vins de 7,91 déterminé à partir d'un dépouillement portant sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2007 ; qu'il est constant, toutefois, que les calculs opérés s'appuient sur des documents issus d'une comptabilité dont le caractère probant n'a pas été retenu et, qu'au surplus, la période considérée est largement postérieure à la période vérifiée et prend notamment en compte le mois d'août qui correspond à la période de fermeture du restaurant ; que, par suite, les requérants n'apportent pas, par cette méthode, la preuve, qui leur incombe, de l'exagération des impositions ;

Sur les conclusions en décharge des cotisations d'impôt sur le revenu au titre des revenus d'origine indéterminée :

10. Considérant qu'à l'issue de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle dont ils ont fait l'objet, M. et Mme B...ont été notamment taxés d'office à l'impôt sur le revenu au titre des années 2004 et 2005 en vertu des dispositions des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales ; qu'il leur appartient donc, conformément aux dispositions des articles L. 193 et R. 193-1 du même livre, d'apporter la preuve de l'exagération des impositions mises à leur charge ;

11. Considérant, en premier lieu, que les requérants soutiennent qu'un crédit de 25 000 euros constaté sur le compte Banque Populaire du Sud le 13 février 2004 correspondrait à un héritage perçu par Mme B...; qu'ils ne produisent, toutefois, à l'appui de cette allégation, qu'un courrier en date du 21 janvier 2004 de l'étude notariale Delcos-Sedano-Taulera accompagnant l'envoi d'un chèque de 50 290 euros relatif à une vente immobilière consentie par Mme B...à un tiers ; qu'il suit de là que, par le moyen qu'ils invoquent, les requérants ne démontrent pas le caractère non imposable du crédit bancaire dont il s'agit ;

12. Considérant, en deuxième lieu, que M. et Mme B...soutiennent que le compte ouvert auprès de la Banque Postale est un compte professionnel affecté à l'activité du restaurant qu'ils exploitent et que les crédits qui y figurent ne peuvent donc constituer des revenus d'origine indéterminée ; que, toutefois, il n'est pas démontré que ce compte, ouvert par M. B...à une adresse personnelle, serait inscrit au bilan de l'entreprise exploitée par ce dernier ; qu'au demeurant, l'intéressé n'a jamais fait mention, au cours de la vérification, de l'existence de ce compte et n'établit pas que les sommes qui y figurent proviendraient de l'activité du restaurant ;

13. Considérant, en troisième lieu, que les requérants font valoir que le compte Banque Populaire du Sud aurait enregistré plusieurs fois des chèques rejetés et représentés en paiement ; que l'administration fait toutefois utilement observer que ce compte n'a pas enregistré de débits pour annulation de chèques impayés ; que ces chefs de redressement doivent donc, en l'état, être maintenus ;

14. Considérant, en quatrième lieu, que si les requérants soutiennent que le même compte bancaire aurait enregistré des versements et virements en provenance de MmeB..., ils ne le démontrent nullement ;

Sur les pénalités :

15. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (...) " ;

16. Considérant, en premier lieu, que pour justifier l'application des pénalités prévues par les dispositions précitées du 1. de l'article 1729 du code général des impôts sur les rappels d'impôt sur le revenu faisant suite à la vérification de comptabilité, l'administration s'est basée, dans la notification de redressement du 20 décembre 2006, sur le défaut de présentation de comptabilité et sur le fait que M. B...avait déclaré, dans des procès-verbaux d'audition, prélever des espèces dans la caisse du restaurant qu'il exploitait, ne pas les déposer en banque et les conserver pour ses besoins personnels, éléments révélant une intention délibérée de soustraire à l'impôt des sommes dont M. B...ne pouvait ignorer qu'elles y étaient soumises ; que les pénalités sont ainsi suffisamment motivées ;

17. Considérant, en deuxième lieu, que M. et Mme B...font valoir que le vol de la comptabilité du restaurant l'Aïoli doit être regardé comme une cause exonératoire des pénalités de 40 % qui ont été appliquées ; que, toutefois, alors, ainsi qu'il a été dit, que les requérants ne contestent pas que la déclaration effectuée auprès des services de police ne fait état que de " documents comptables ", ce qui ne permet pas d'avoir le détail des documents volés, l'invocation par les requérants du vol de la comptabilité ne revêt pas la nature, dans les circonstances de l'espèce, d'un cas de force majeure ; qu'ainsi, et eu égard, d'une part, au caractère répétitif et à l'importance des manquements constatés par le service, dont le bien-fondé n'est pas utilement contesté par les requérants, mais aussi, d'autre part, à la circonstance qu'en sa qualité d'exploitant de restaurant, M. B...ne pouvait ignorer l'étendue de ses obligations comptables et fiscales, le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat rapporte la preuve de l'intention délibérée des contribuables d'éluder l'impôt et, par suite, du bien-fondé de l'application des pénalités pour manquement délibéré ;

18. Considérant, en troisième lieu, que M. et Mme B...sollicitent la décharge de la majoration pour manquement délibéré au motif que son application n'a pas été motivée dans la proposition de rectification en date du 26 juin 2007 faisant suite à l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle ; qu'il est constant, toutefois, que la majoration dont il s'agit n'a été appliquée qu'aux rehaussements de bénéfices industriels et commerciaux résultant de la vérification de comptabilité du restaurant l'Aïoli et sont motivées dans la notification de redressement correspondante ; qu'en outre, si la majoration en cause figure dans les conséquences financières globales de la proposition de rectification faisant suite à l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle, l'administration n'avait pas à renouveler, au niveau du revenu global, la motivation de sanctions déjà effectuée au niveau catégoriel ;

19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2004 et 2005 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il n'y a pas lieu, s'agissant de la requête d'appel, de mettre à la charge de l'Etat, les sommes que M. et Mme B...demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 25 février 2010 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. et Mme B...devant le tribunal administratif de Montpellier tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2004 et 2005 et les conclusions de la requête présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...B...et au ministre de l'économie et des finances.

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N° 10MA01879


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA01879
Date de la décision : 30/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal - Vérification de comptabilité.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux.


Composition du Tribunal
Président : Mme NAKACHE
Rapporteur ?: M. Olivier EMMANUELLI
Rapporteur public ?: M. GUIDAL
Avocat(s) : AVOCATS CONSEILS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-04-30;10ma01879 ?
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