Vu la requête, enregistrée le 7 septembre 2010, présentée pour la commune de Saint-Mandrier-sur-mer, représentée par son maire, par la SCP d'Avocats MauduitD... ; la commune de Saint-Mandrier-sur-mer demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0900349 du 8 juillet 2010 par lequel le tribunal administratif de Toulon l'a condamnée à réparer les conséquences dommageables de l'accident dont a été victime M. A...E...le 25 janvier 2007 après avoir chuté du fait d'une plaque de verglas ;
2°) subsidiairement de ramener à de plus justes proportions les demandes formulées par M.E... ;
3°) plus subsidiairement de confirmer les articles 2 et 3 du jugement ;
4°) de mettre à la charge de tout succombant la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 ;
Vu la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;
Vu le décret n° 98-255 du 31 mars 1998 portant application des dispositions des articles L. 376-1 (5e et 6e alinéa) et L. 454-1 (6e et 7e alinéa) du code de la sécurité sociale aux régimes spéciaux mentionnés au titre Ier du livre VII dudit code ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 avril 2013 :
- le rapport de MmeG..., rapporteure,
- les conclusions de MmeB..., rapporteure publique,
- et les observations de Me F...subtituant Me D...pour la commune de Saint-Mandrier et de Me C...pour le département du Var ;
Après avoir pris connaissance de la note en délibéré, enregistrée le 9 avril 2013, présentée pour la commune de Saint-Mandrier ;
1. Considérant que le 25 janvier 2007 vers 7 heures du matin, M. E...a fait une chute à moto alors qu'il circulait sur la route départementale 18 ; qu'imputant cette chute à la présence d'une plaque de verglas sur la chaussée, il a recherché devant le tribunal administratif de Toulon la responsabilité de la commune de Saint-Mandrier et du département du Var ; que la commune de Saint-Mandrier relève appel du jugement du 8 juillet 2010 par lequel le tribunal l'a condamnée à verser 4 100 euros à M.E..., ainsi qu'une somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles, 6 173,57 euros au ministre de la défense, ainsi qu'une somme de 966 euros au titre de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par M.E... :
2. Considérant que, par mémoire en réplique enregistré quatre jours après la réception, par son conseil, de l'avis d'audience, M. E...a cru devoir contester la recevabilité de la requête d'appel introduite deux ans et demi auparavant par la commune ; que cette dernière a justifié, par un mémoire qui a été communiqué au conseil de M. E...qui n'y a pas répliqué, de la délibération du 26 mars 2008 de son conseil municipal donnant délégation à son maire pour agir en justice ; qu'ainsi la fin de non-recevoir opposée sur ce point doit être écartée ;
Sur la matérialité des faits :
3. Considérant qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il est établi, par la production d'une main courante émanant des services de police que le requérant a chuté après avoir glissé sur une plaque de verglas présente sur la route ; que plusieurs témoignages versés aux débats permettent de tenir pour établi que l'accident est dû à cette plaque de verglas ; que les pièces du dossier et notamment la copie d'un courriel du directeur des services techniques de la commune faisant état d'une rupture de la canalisation d'arrosage automatique font également apparaître qu'à cette heure matinale, la température était négative et qu'une canalisation d'arrosage communale s'est rompue ; qu'ainsi et contrairement à ce que soutient la commune de Saint-Mandrier, il résulte de l'instruction que la rupture, par température négative, d'une canalisation d'arrosage automatique des plates-bandes qui bordaient la voie départementale est à l'origine de la formation de la couche de verglas sur laquelle a dérapé M.E... ;
Sur le régime de responsabilité applicable :
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la canalisation communale dont la rupture est à l'origine de l'accident n'était pas incorporée dans la voie publique, mais enterrée dans les plates-bandes qui bordaient cette dernière et n'en constituaient pas l'accessoire ou la dépendance nécessaire ; que par suite M. E...avait la qualité de tiers et non d'usager vis-à-vis de cette canalisation ; que la responsabilité de la commune à son endroit est, par suite, engagée, dès lors que le lien de causalité entre la chute de M. E...et l'ouvrage public communal est établi ; que dès lors, le fait que l'ouvrage aurait été normalement entretenu, à supposer même que cet entretien soit démontré, n'est pas de nature à exonérer la commune de sa responsabilité à l'égard de la victime ;
Sur la détermination de la personne responsable :
5. Considérant qu'en cas de dommage accidentel causé à des tiers par un ouvrage public, la victime peut en demander réparation au maître de l'ouvrage à l'origine du dommage ; qu'ainsi M. E...pouvait valablement diriger ses conclusions contre la commune de Saint-Mandrier, maître d'ouvrage de la canalisation à l'origine du dommage ; qu'est sans incidence sur cette faculté la circonstance que le défaut d'entretien d'une voie publique ne puisse engager que la responsabilité de la collectivité publique responsable de l'entretien de cette voie ; que si la commune indique : " selon le cas, la collectivité qui pourrait voir sa responsabilité engagée diffère puisque cela peut être le département " elle ne peut être regardée comme ayant, par cette formulation imprécise, entendu appeler le département du Var, contre lequel elle ne dirige aucune conclusion, en garantie des condamnations prononcées ; que la commune ne saurait davantage utilement invoquer, pour échapper à sa responsabilité le fait du département, qui n'a pas, dans un litige afférent à un dommage de travaux publics, de caractère exonératoire ;
Sur la faute de la victime :
6. Considérant que la vitesse de 40 kilomètres heure avancée par M. E...n'est pas contestée ; qu'ainsi il ne roulait pas à une vitesse excessive ; que les photographies de panneaux versées aux débats par la commune en première instance indiquent d'ailleurs une vitesse limitée à 50 kilomètres heure ; que, par ailleurs, si la commune de Saint-Mandrier se prévaut de l'implantation de panneaux de signalisation de risques de verglas sur la route départementale 18, elle n'établit pas que lesdits panneaux seraient installés dans la zone de l'accident et verse par ailleurs au dossier des pièces qui ne permettent pas d'établir avec certitude l'existence même de ces panneaux ; que le simple fait que M. E...ait dérapé sur la plaque de verglas en cause ne saurait être, en lui-même de nature à révéler une conduite imprudente de sa part ; qu'ainsi c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'aucune faute d'imprudence ne pouvait être opposée la victime ;
Sur les préjudices :
7. Considérant, en premier lieu, que les premiers juges n'ont pas procédé à une appréciation excessive de la réparation due à M. E...au titre de l'incapacité permanente partielle de 2 % dont il souffre désormais en lui allouant à ce titre une somme de 1 600 euros au lieu de celle de 1 440 euros proposée par la commune ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient la commune, les états détaillés produits par le ministre de la défense sont suffisants pour justifier de son préjudice ; que si la commune conteste le remboursement des prestations servies par le service de santé des armées au motif qu'elles auraient été payées par la CNMSS, il résulte des pièces versées aux débats telles notamment que la pièce intitulée " état des hospitalisations et soins externes à la charge de la direction centrale du service de santé des armées " que c'est le service de santé des armées qui a supporté la charge finale de ces frais, la CNMSS indiquant d'ailleurs n'avoir aucune créance à faire valoir ;
9. Considérant, en troisième lieu, que la commune de Saint-Mandrier conteste devoir supporter la charge des indemnités accessoires qui, selon elle, n'ont pas à être versées à un fonctionnaire en congé maladie ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que l'accident en cause a été regardé par l'employeur de M. E...comme un accident de trajet et que l'intéressé n'était dès lors pas en position de congé de maladie ; qu'il ne résulte par ailleurs pas de l'instruction que les congés consécutifs à un accident de trajet devraient donner lieu à un abattement sur les indemnités en cause ; que la contestation de la commune sur ce point doit, par suite, être écartée ;
10. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959, l'Etat dispose de plein droit à l'encontre du tiers responsable du décès, de l'infirmité ou de la maladie de l'un de ses agents d'une action subrogatoire en remboursement " de toutes les prestations versées ou maintenues à la victime ou à ses ayants droit à la suite du décès, de l'infirmité ou de la maladie " et que l'article 2 de cette ordonnance ajoute que cette action subrogatoire est en principe exclusive de toute autre action de l'Etat contre le tiers responsable ; que, toutefois, par dérogation à ces dernières dispositions, l'article 32 de la loi du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation ouvre à l'Etat, en sa qualité d'employeur, une action directe contre le responsable des dommages ou son assureur afin de poursuivre le remboursement des charges patronales afférentes aux rémunérations maintenues ou versées à l'agent pendant la période d'indisponibilité de celui-ci ; qu'il en résulte que la commune de Saint-Mandrier n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal l'a condamnée au remboursement des charges patronales exposées par l'Etat durant la période d'indisponibilité de M. E...au motif qu'elles auraient dû être acquittées en toute hypothèse ;
11. Considérant, en cinquième lieu, qu'il résulte des dispositions combinées de l'ordonnance du 7 janvier 1959, de l'article 32 de la loi du 5 juillet 1985, de l'article L. 454-1 du code de la sécurité sociale et du décret du 31 mars 1998 qu'en contrepartie des frais qu'il engage pour obtenir le remboursement des sommes qu'il a versées à l'un de ses agents ou à ses ayants-droit, à la suite d'un accident de service imputable en tout ou partie à un tiers, l'Etat perçoit une indemnité forfaitaire de gestion à la charge de ce tiers ; que la commune de Saint-Mandrier n'est par suite pas fondée à contester sa condamnation au paiement à l'Etat de ladite indemnité ;
Sur les conclusions en garantie présentées par le département :
12. Considérant que, dès lors qu'aucune conclusion ne peut être regardée comme dirigée contre le département du Var, il n'y a pas lieu de se prononcer sur les conclusions subsidiaires de ce dernier, dirigées contre la commune et tendant à la condamnation de la commune de Saint-Mandrier à le garantir des condamnations prononcées ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Saint-Mandrier n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande ;
Sur les frais d'expertise :
14. Considérant que le tribunal administratif ne s'est pas prononcé sur la dévolution des frais de 1'expertise ordonnée par le juge des référés et a ainsi méconnu la règle applicable même sans texte à toute juridiction administrative, qui lui impartit, sauf dans le cas où un incident de procédure y ferait obstacle, d'épuiser son pouvoir juridictionnel ; que, par suite, il y a lieu d'annuler dans cette mesure le jugement attaqué, d'évoquer sur ce point et de statuer sur la charge des frais d'expertise ;
15. Considérant qu'aux termes de l'article R. 621-13 du code de justice administrative : " Lorsque l'expertise a été ordonnée sur le fondement du titre III du livre V, le président du tribunal ou de la cour, après consultation, le cas échéant, du magistrat délégué, ou, au Conseil d'Etat, le président de la section du contentieux en fixe les frais et honoraires par une ordonnance prise conformément aux dispositions des articles R. 621-11 et R. 761-4. Cette ordonnance désigne la ou les parties qui assumeront la charge de ces frais et honoraires. Elle est exécutoire dès son prononcé, et peut être recouvrée contre les personnes privées ou publiques par les voies de droit commun. Elle peut faire l'objet, dans le délai d'un mois à compter de sa notification, du recours prévu à l'article R. 761-5. / Dans le cas où les frais d'expertise mentionnés à l'alinéa précédent sont compris dans les dépens d'une instance principale, la formation de jugement statuant sur cette instance peut décider que la charge définitive de ces frais incombe à une partie autre que celle qui a été désignée par l'ordonnance mentionnée à l'alinéa précédent ou par le jugement rendu sur un recours dirigé contre cette ordonnance. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 761-1 du même code : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) " ;
16. Considérant que les frais de l'expertise ordonnée en référé qui ont été liquidés et taxés à la somme de 600 euros par ordonnance du président du tribunal administratif de Nice en date du 20 juin 2008 doivent être mis à la charge de la commune de Saint-Mandrier ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, M. E...ou le département du Var, qui n'ont pas, dans la présente instance, la qualité de partie tenue aux dépens, versent à la commune de Saint-Mandrier une quelconque somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la commune une somme de 1 000 euros à verser à ce titre à M.E..., ainsi qu'une somme de 1 000 euros à verser au même titre au département du Var ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Saint-Mandrier est rejetée.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 8 juillet 2010 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur la charge des frais d'expertise.
Article 3 : Les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 600 (six cents) euros sont mis à la charge de la commune de Saint-Mandrier.
Article 4 : La commune de Saint-Mandrier versera à M. E...une somme de 1 000 (mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La commune de Saint-Mandrier versera au département du Var une somme de 1 000 (mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Mandrier, à M. A... E..., au département du Var, au ministre de la défense et à la caisse nationale militaire de sécurité sociale.
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N° 10MA03499