Vu ainsi que les pièces et mémoires qui y sont visés l'arrêt n° 08MA05155 du 17 mai 2011 par lequel la cour administrative de Marseille a ordonné une expertise avant de statuer sur les conclusions de la requête de Mme B...tendant à l'annulation du jugement n° 0601161 du 17 octobre 2008 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Cannes à l'indemniser des préjudices subis à la suite du traitement d'orthodontie qu'elle y a suivi de 1992 à 1996, et à ce qu'il soit fait droit à ses demandes de première instance ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 avril 2013 :
- le rapport de Mme Menasseyre, rapporteure,
- les conclusions de Mme Fedi, rapporteure publique,
1. Considérant que Mme A...B...a reçu, entre 1992 et 1996, des soins au centre hospitalier de Cannes en vue d'un traitement d'orthodontie ; qu'estimant que ces soins étaient à l'origine pour elle de divers préjudices, elle a recherché la responsabilité du centre hospitalier de Cannes devant le tribunal administratif de Marseille ; que saisie d'un appel contre le jugement du tribunal administratif de Nice rejetant sa demande, la cour administrative de Marseille a, par un arrêt du 17 mai 2011, ordonné une expertise aux fins notamment d'indiquer si le traitement entrepris et les soins reçus pendant la période où elle a été suivie par cet établissement étaient conformes aux données de la science à la date des faits et adaptés à son état, en précisant notamment s'ils étaient indispensables, et de réunir tous éléments permettant à la cour d'apprécier si, compte tenu des données de la science à la date des faits, d'éventuelles fautes commises à l'occasion des soins pratiqués, parmi lesquelles le défaut d'information relevé par les premiers juges, avaient été de nature à aggraver les séquelles auxquelles son état initial exposait Mme B...et, dans l'hypothèse où ces séquelles auraient été aggravées, de fixer la perte de chance subie par l'intéressée de se soustraire aux risques qui se sont réalisés ; que le rapport d'expertise a été déposé le 31 janvier 2012 ; que l'affaire est à présent en état d'être jugée ;
2. Considérant que Mme B...se plaint de ce que l'expert n'aurait pas répondu aux éléments de contestations des conclusions du rapport qui lui avaient été adressés par voie de dire ; qu'il ressort toutefois de la lecture du rapport d'expertise que l'expert Levée a répondu au dire qui lui avait été adressé, en indiquant les raisons pour lesquelles il estimait que la prise en charge de l'appelante était exempte de faute, en rappelant que le mauvais port de la plaque masticatrice ressortait du dossier médical, et en faisant valoir les raisons pour lesquelles les publications versées aux débats ne pouvaient, contrairement aux conférences de consensus et aux recommandations de la Haute autorité de santé, être regardées à elles seules comme décisives ou comme s'imposant au titre des bonnes pratiques professionnelles ; qu'il a indiqué que la recommandation de bonne pratique validée en décembre 2003 et intitulée " les critères d'aboutissement du traitement d'orthopédie dento-faciale ", seul document sur l'orthodontie, n'était pas opposable à l'époque des faits ; que le moyen tiré par l'appelante de ce que l'expert n'aurait pas répondu au dire de son conseil doit être écarté ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise établi à la demande de la cour, confirmant sur ce point le rapport établi à la demande du juge des référés du tribunal administratif de Nice que le traitement d'orthodontie suivi par Mme B...au centre hospitalier de Cannes était conforme aux données acquises de la science à la date des faits et adapté à son état ; que l'absence de contrôle tout au long du traitement ne résulte pas de l'instruction, l'expert désigné par la cour relevant au contraire qu'une radiographie panoramique dentaire a été effectuée le 21 janvier 1993, six mois après le début du traitement orthodontique proprement dit, et qu'une radiographie panoramique dentaire a à nouveau été demandée le 10 août 1995, et vue par le praticien le 25 octobre 1995 ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que la responsabilité du service hospitalier serait engagée à raison d'une faute médicale ne peut être accueilli ;
4. Considérant toutefois que le consentement éclairé de la patiente, alors mineure, au traitement d'orthodontie dans lequel elle allait s'engageait imposait qu'elle-même, compte tenu de son âge, et ses représentants légaux soient informés de toutes les conséquences, même exceptionnelles, connues d'un tel traitement ; que le centre hospitalier de Cannes n'apporte pas la preuve qui lui incombe de la délivrance de cette information, et notamment du risque de rhizalyse, c'est à dire de résorption des racines dentaires, inhérent à tout traitement orthodontique alors qu'il n'existait aucune situation d'urgence de nature à dispenser le praticien en cause de son obligation d'information ;
5. Considérant qu'un manquement des praticiens à leur obligation d'information engage la responsabilité de l'hôpital dans la mesure où il a privé le patient de la possibilité de se soustraire au risque lié au traitement et où ce risque s'est réalisé ; que c'est seulement dans le cas où l'intervention était impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d'aucune possibilité raisonnable de refus, qu'il n'existe aucune perte de chance ; qu'il résulte de l'instruction que la réalisation d'un traitement orthodontique s'avérait nécessaire compte tenu du morphotype facial très hypodivergent que présentait Mme B...et de la nécessité de mettre en place les verrous de l'occlusion, dont l'absence aurait pu entraîner des troubles importants ; qu'elle n'était pas pour autant impérieusement requise ; qu'il en résulte que, dans les circonstances de l'espèce, le manquement de l'hôpital à son obligation d'information a fait perdre à Mme B...une chance d'échapper au risque de rhizalyse qui doit être évaluée à 20 % ; qu'ainsi, l'intéressée avait une chance sur cinq d'échapper, en s'abstenant de suivre le traitement en cause, au risque de rhizalyse qui affecte ses incisives et qui s'est réalisé ; qu'en l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice correspondant à la rhizalyse qui affecte les incisives de l'intéressée en l'évaluant à la somme de 5 000 euros ; que compte tenu du pourcentage de perte de chance retenu, la somme de 1 000 euros doit être mise à la charge de l'hôpital ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;
Sur les frais d'expertise :
7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. /Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties.(...) " ;
8. Considérant que les frais de l'expertise ordonnée par la Cour ont été liquidés et taxés à la somme de 1 500 euros par ordonnance du président de la Cour en date du 14 mai 2012 ; que les frais de l'expertise ordonnée en première instance ont été liquidés à la somme de 1 400 euros par ordonnance du président du tribunal administratif de Nice en date du 31 octobre 2006 ; qu'ils doivent être mis à la charge du centre hospitalier de Cannes ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Mme B...au titre de ces dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 17 octobre 2008 est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier de Cannes versera à Mme B... une somme de 1 000 (mille) euros.
Article 3 : Les frais de l'expertise ordonnée en appel, liquidés et taxés à la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros et les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Nice, liquidés et taxés à la somme de 1 400 (mille quatre cents) euros par ordonnance du président de ce tribunal en date du 31 octobre 2006 sont mis à la charge du centre hospitalier de Cannes.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes, à la caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employées de notaires et au centre hospitalier de Cannes.
Copie en sera adressée au docteur Levée, expert et au service administratif régional près la Cour d'appel d'Aix-en-Provence.
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N° 08MA05155