Vu la requête, enregistrée le 18 janvier 2013, présentée pour le département des Alpes-Maritimes, dont le siège est Hôtel du Département à Nice Cedex 03 (06201), par Me J... ; le département des Alpes-Maritimes demande à la Cour :
1°) d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 0901031 du 20 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice, sur requête de M. G...E..., de Mme F...B...épouse E...et de M. D...E..., l'a condamné à leur verser la somme globale de 49 767 euros en réparation des dommages subis résultant de la présence d'un ouvrage de défense de la route départementale n° 21 construit dans le lit du Paillon sur le territoire de la commune de Peillon, et lui a enjoint de démolir les enrochements de la route départementale construits dans le lit du Paillon dans le délai d'un an à compter de la notification du jugement ;
2°) de mettre à la charge des consorts E...la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le lien de causalité direct entre le dommage subi et l'ouvrage n'a jamais été établi ;
- M. D...E...connaissait les lieux avant l'acquisition de sa parcelle ;
- le juge ne pouvait se substituer à l'administration et lui imposer la conception et la réalisation de travaux sans descriptif précis, alors que l'intérêt général commande le maintien de l'ouvrage dont le rôle protecteur n'est pas contesté ;
- l'opération, chiffrée à 500 000 euros, aura pour effet de mettre en péril la tenue même de la chaussée et est susceptible d'entraîner la nécessité de couper la route le temps du chantier ;
- le respect du code de l'environnement est incompatible avec le délai d'un an imparti ;
- les inconvénients de la démarche en excèdent de manière insupportable les avantages ;
- les conditions posées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont remplies ;
- il est également fondé à demander qu'il soit sursis à l'exécution du jugement sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-16 du code de justice administrative ;
- les ouvrages de substitution retenus par l'expert et le tribunal seraient d'un coût disproportionné ;
Vu le jugement n° 0901031 du 20 novembre 2012 du tribunal administratif de Nice ;
Vu le mémoire enregistré le 19 mars 2013 présenté pour M. G...E..., Mme F...E..., M. D...E..., par MeH..., qui concluent au rejet de la requête et à la condamnation du département à leur verser une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- les moyens présentés par le département ne présentent pas le caractère sérieux requis par les dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative ;
- le mur en enrochement cyclopéen est la cause déterminante du dommage ;
- ils n'ont commis aucune négligence ou imprudence qui leur serait opposable ;
- l'injonction de démolir est fondée, tant du point de vue de l'intérêt général que des intérêts particuliers ;
- le département ne démontre pas qu'il serait exposé à la perte définitive des sommes en cause ;
Vu le mémoire, enregistré le 21 mars 2013, présenté pour le département des Alpes-Maritimes, qui maintient ses conclusions précédentes, par les mêmes moyens ;
Il précise que l'injonction ordonnée par le tribunal n'est appuyée sur aucun descriptif ni document technique précis et détaillé, l'expert n'ayant pas précisé en détail et après calcul quels ouvrages de substitution étaient possibles ; que l'ouvrage répond toujours à un but d'intérêt général ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mars 2013 ;
- le rapport de MmeI..., rapporteure,
- les conclusions de MmeA..., rapporteure publique,
- et les observations de Me J...pour le département des Alpes-Maritimes et de Me C..., substituant MeH..., pour les consortsE...,
1. Considérant que le département des Alpes-Maritimes demande qu'il soit sursis, sur le fondement des dispositions des articles R. 811-15 et R. 811-16 du code de justice administrative, à l'exécution du jugement, en date du 20 novembre 2012, par lequel le tribunal administratif de Nice, après avoir, par son article 1er, condamné le département des Alpes-Maritimes à verser aux consorts E...la somme globale de 49 767 euros, par son article 2 annulé la décision implicite de rejet du président du conseil général des Alpes-Maritimes rejetant la demande des consorts E...de démolir les enrochements de la route départementale n° 21 construits dans le lit du Paillon sur le territoire de la commune de Peillon, a, par son article 3, enjoint au département des Alpes-Maritimes de démolir les enrochements de la route départementale n° 21 construits dans le lit du Paillon dans le délai d'un an à compter de la notification du jugement ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement. " ; qu'aux termes de l'article R. 811-16 du même code : " Lorsqu'il est fait appel par une personne autre que le demandeur en première instance, la juridiction peut, à la demande de l'appelant, ordonner sous réserve des dispositions de l'article R. 541-6 qu'il soit sursis à l'exécution du jugement déféré si cette exécution risque d'exposer l'appelant à la perte définitive d'une somme qui ne devrait pas rester à sa charge dans le cas où ses conclusions d'appel seraient accueillies. " ;
Sur les conclusions fondées sur l'article R. 811-16 du code de justice administrative :
3. Considérant, en premier lieu, que le département, qui ne met pas en cause la solvabilité des consortsE..., n'établit pas, en se bornant à contester la réparation arrêtée à 10 000 euros de leur préjudice de jouissance, que l'exécution du jugement sur ce point risquerait de l'exposer à la perte définitive d'une somme qui ne devrait pas rester à sa charge dans le cas où ses conclusions d'appel seraient accueillies ; que par suite, ses conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'article 1er du jugement ne peuvent être accueillies ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que, statuant sur les conclusions à fin d'injonction qui lui étaient soumises par les consortsE..., le tribunal a également ordonné par l'article 3 de son jugement, qu'il soit procédé à la démolition en cause dans un délai d'un an ; que, compte tenu des pouvoirs dont il disposait pour statuer sur lesdites conclusions, le juge s'est prononcé sur la contestation dont il était saisi comme juge de plein contentieux ; que si le coût des travaux de démolition en cause a été chiffré par l'expert à la somme de 234 000 euros hors taxe, qu'il convient de majorer d'environ 10 % au titre des frais d'étude et de suivi, il résulte de l'instruction que, même dans l'hypothèse où les conclusions d'appel du département tendant à l'annulation du jugement attaqué et au rejet des conclusions à fin d'injonction présentées par les consorts E...seraient accueillies, il ne saurait être regardé comme ayant effectué des dépenses à fonds perdus ; que l'article 3 du jugement du tribunal implique en effet non seulement la démolition des enrochements en cause mais, comme le relève le jugement lui-même, une reconfiguration de l'ouvrage, un déplacement des enrochements et la substitution d'autres techniques de soutènement, c'est-à-dire à des travaux de confortation et d'amélioration de l'ouvrage qui, par ailleurs, présente en lui-même des fragilités ; qu'il emporte ainsi une amélioration de l'ouvrage, de sorte que l'exécution immédiate du jugement ne peut être regardée comme exposant, en fait, le département des Alpes-Maritimes à la perte définitive d'une somme qui ne devrait pas rester à sa charge au cas où ses conclusions d'appel tendant à l'annulation du jugement attaqué et au rejet des conclusions à fin d'injonction présentées par les consorts E...seraient accueillies ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'affaire, les conclusions du département des Alpes-Maritimes tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de l'article 3 du jugement en application des dispositions de l'article R. 811-16 du code de justice administrative doivent être écartées ;
Sur les conclusions fondées sur l'article R. 811-15 du code de justice administrative :
5. Considérant qu'il appartient à l'autorité saisie d'une demande tendant à la démolition d'un ouvrage public dont l'implantation n'est pas irrégulière de prendre en considération, d'une part, les inconvénients que la présence ou le fonctionnement de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général ; qu'il appartient au juge saisi de la contestation du refus opposé à une telle demande d'apprécier si un tel refus n'est pas, à l'aune de ces critères, entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
6. Considérant que doit être regardé, en l'état de l'instruction, comme sérieux le moyen tiré de ce que le refus opposé à la démolition sollicitée des enrochements de la route départementale n° 21 construits dans le lit du Paillon n'était pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, eu égard aux conséquences de cette démolition pour l'intérêt général et aux inconvénients de sa présence pour les divers intérêts en présence ; qu'en l'état de l'instruction, aucun des moyens développés par les consorts E...devant les premiers juges ou devant la Cour n'apparaît de nature à confirmer l'annulation de la décision implicite de rejet de leur demande ; qu'ainsi ce moyen paraît de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ; qu'il y a lieu, par suite, d'ordonner qu'il soit, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, sursis à l'exécution du jugement en ce qu'il a annulé la décision implicite de rejet née du silence gardé par le département des Alpes-Maritimes sur la demande des consorts E...du 9 juillet 2008 tendant à la démolition des enrochements en cause ; que, par voie de conséquence, il y a lieu de surseoir également à l'exécution du jugement attaqué, en ce qu'il a fait injonction au département des Alpes-Maritimes de procéder à cette démolition dans le délai d'un an à compter de la notification du jugement ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des consorts E...la somme réclamée par le département des Alpes-Maritimes au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par les consorts E...au même titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête du département des Alpes-Maritimes, enregistrée au greffe de la Cour sous le n°13MA0245, il sera sursis à l'exécution des articles 2 et 3 du jugement n° 0901031 en date du 20 novembre 2012 du tribunal administratif de Nice.
Article 2 : Le surplus des conclusions du département des Alpes-Maritimes et les conclusions présentées par les consorts E...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au département des Alpes-Maritimes, à M. G... E..., à Mme F... B...et à M. D... E....
Délibéré après l'audience du 25 mars 2013, où siégeaient :
- M. Duchon-Doris, président de chambre,
- MmeI..., première conseillère,
- MmeK..., première conseillère
Lu en audience publique, le 15 avril 2013.
La rapporteure,
A. I...Le président,
J.-C. DUCHON-DORIS La greffière,
D. GIORDANOLa République mande et ordonne au préfet des Alpes-Maritimes en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 13MA00244