Vu, enregistrée le 24 décembre 2010, la requête présentée pour Mme C...D..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentant légal de ses enfants Romain D...et AlexandreD..., demeurant..., pour M. B...D..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentant légal de ses enfants Romain D...et AlexandreD..., demeurant à..., demeurant ...par Me Molland, avocat ; les consorts D...demandent à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 0807993 du 2 novembre 2010 du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a limité à la somme de 2 000 euros la condamnation de l'assistance publique-hôpitaux de Marseille à verser à MmeD..., en son nom personnel, en réparation du préjudice résultant de l'erreur de diagnostic commise le 7 avril 2004 par l'hôpital de la Conception dans la prise en charge de sa pathologie et a rejeté les demandes indemnitaires de M. B...D..., en son nom personnel et en qualité de représentant légal de ses enfants, et de M. et MmeE..., ses parents ;
2°) de condamner l'assistance publique-hôpitaux de Marseille à verser à Mme D...la somme de 800 000 euros au titre du préjudice personnel qu'elle a subi, la somme de 20 000 euros chacun à M.D..., à Mme E...et à M. E...et la somme de 15 000 euros chacun à Romain et Alexandre D...;
3°) de condamner l'assistance publique-hôpitaux de Marseille à verser aux consorts D...la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'assistance publique-hôpitaux de Marseille les entiers dépens;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, notamment son article 102 ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 mars 2013 :
- le rapport de MmeF..., rapporteure ;
- les conclusions de MmeA..., rapporteure publique ;
- et les observations de Me H...substituant Me G...pour l'assistance publique de Marseille ;
1. Considérant que MmeD..., alors âgée de 31 ans, qui présentait des céphalées violentes et une forte fièvre associée à un syndrome confusionnel majeur, a été admise, à la demande de son médecin traitant qui suspectait un syndrome méningé, le 7 avril 2004 au matin au service des urgences de l'hôpital de la Conception à Marseille ; qu'après la réalisation d'un bilan sanguin et d'un scanner cérébral, elle a été autorisée à regagner son domicile vers 13 h 30 ; que, suite à l'aggravation de son état de santé, son médecin traitant a ordonné en urgence une nouvelle hospitalisation à l'hôpital de Laveran, où elle a été admise le même jour à 18 h 56 ; que la ponction lombaire et le scanner cérébral réalisés ont révélé une méningo-encéphalite herpétique, confirmée le lendemain par une IRM cérébrale ; qu'elle est restée hospitalisée pendant 23 jours dans cet hôpital pour y suivre une tri thérapie associant deux antibiotiques et un antiviral et a ensuite été admise au centre de rééducation à Saint-Martin à Marseille ; que, saisi par MmeD..., le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a désigné, par ordonnance du 26 décembre 2007, un expert qui a rendu son rapport le 23 mai 2008 ; qu'imputant les séquelles neurologiques dont elle reste atteinte à un retard de prise en charge de sa pathologie par le centre hospitalier de la Conception, les consorts D...ont recherché, devant le tribunal administratif de Marseille, la responsabilité de l'assistance publique -hôpitaux de Marseille et la condamnation de cette dernière à verser la somme de 800 000 euros à Mme D...au titre de son préjudice personnel et la somme de 20 000 euros chacun à M. et MmeE..., ses parents, et à M.D..., son époux, et la somme de 15 000 euros chacun à ses enfants mineurs Romain et Alexandre D...en tant que victimes indirectes ; que, par jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a estimé que le centre hospitalier de la Conception, à défaut de réalisation d'une ponction lombaire, seul examen de nature à permettre le diagnostic immédiat de cette pathologie, avait commis une erreur de diagnostic, qui a entraîné un retard dans la prise en charge de la méningo-encéphalite dont souffrait MmeD..., de nature à engager la responsabilité de l'assistance publique-hôpitaux de Marseille ; qu'en revanche, le tribunal a estimé que le lien de causalité entre cette faute et les séquelles dont elle reste atteinte n'était pas établi et a limité l'indemnisation demandée par les consorts D...à la seule réparation des souffrances physiques et psychologiques de MmeD..., au titre de son propre préjudice, du fait du retard de quelques heures dans sa prise en charge, à la somme de 2 000 euros ; qu'en appel, les consorts D...demandent la réformation du jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à leur demande totale d'indemnisation formulée en première instance ; que l'assistance publique-hôpitaux de Marseille, qui ne conteste pas l'engagement de sa responsabilité, conclut au rejet de la requête ; que la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, régulièrement mise en cause, n'a pas produit d'observations ;
Sur le lien de causalité :
2. Considérant que l'assistance publique-hôpitaux de Marseille ne conteste pas que le centre hospitalier de la Conception, à défaut d'examen de la victime par un médecin titulaire et de réalisation d'une ponction lombaire, seul examen de nature à permettre le diagnostic immédiat de cette pathologie, a commis une erreur de diagnostic, qui a entraîné un retard dans la prise en charge de la méningo-encéphalite dont souffrait MmeD..., de nature à engager la responsabilité de l'assistance publique-hôpitaux de Marseille ; que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, qui se sont fondés sur le rapport de l'expert indiquant que le défaut de prise en charge n'a pas eu d'effet clairement identifiable sur l'évolution ultérieure de l'état neuro-psychologique de la victime, les requérants soutiennent que cette faute a compromis les chances de Mme D...d'éviter les séquelles, et notamment les troubles mnésiques importants dont elle reste atteinte suite à sa méningite ;
3. Considérant que dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du préjudice subi, déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;
4. Considérant, en premier lieu, que l'expert affirme dans son rapport que les lésions nécrotiques bilatérales de la victime, à l'origine de l'état clinique actuel de la victime, présentaient un caractère acquis et déjà installé lors de sa première hospitalisation au centre hospitalier de la Conception ; qu'il explique que, compte tenu du retard constant entre l'imagerie, notamment le scanner, sur la clinique dans ce type d'affection où les lésions mettent plusieurs jours à apparaître, la circonstance que le deuxième scanner cérébral, réalisé à l'hôpital de Lavéran le 7 avril en début de soirée, fasse apparaître une anomalie de densité au niveau des lobes temporaux nettement visibles du côté gauche, laisse supposer que cette anomalie était déjà présente quelques heures auparavant lors de l'admission de Mme D...au centre hospitalier de la Conception ; que, d'ailleurs, l'IRM cérébrale pratiquée le lendemain matin à Lavéran a mis en évidence une atteinte temporale bilatérale prédominant en interne du côté gauche, au niveau des régions hippocampiques, de nature à expliquer complètement les troubles déjà pointés la veille par le médecin traitant de la patiente et ayant justifié son transfert aux urgences ; que les requérants, qui se bornent à soutenir que l'expert n'a pas pu prendre en compte les résultats du premier scanner réalisé au centre hospitalier de la Conception, lequel a été détruit par un incendie, par rapport aux résultats du second, et que l'hôpital de Lavéran n'a pas pu réaliser un bilan d'évolution des lésions cérébrales de MmeD..., à défaut d'un bilan de départ fiable du centre hospitalier de la Conception, ne contestent pas utilement cette conclusion de l'expert, qui ne s'est pas fondé sur la comparaison des résultats des deux scanners et examens, mais sur le délai normal de plusieurs jours d'apparition des lésions de ce type d'affection ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que l'expert affirme aussi sans être contesté que la méningo-encéphalite herpétique est spontanément mortelle dans 70 % des cas, en l'absence de traitement spécifique adapté et que les 30 % de patients survivants ont généralement de lourdes séquelles ; que, toutefois, il précise que la mise en route d'un traitement spécifique adapté le plus tôt possible, n'a d'incidence, dans la littérature médicale, que sur ce taux de survie ; que les requérants, qui ne produisent aucune littérature médicale contraire, ne peuvent utilement soutenir que le retard de prise en charge adapté de MmeD..., pendant une dizaine d'heures, a entraîné la destruction définitive de neurones par le virus non contrôlé par une thérapie adaptée, dès lors que l'expert affirme que, compte tenu du caractère acquis susmentionné des lésions de MmeD..., une mise en route plus précoce du traitement, en fin de matinée ou en début d'après midi, au lieu du début de soirée à Lavéran, n'aurait pas pu influer de façon positive sur l'évolution ultérieure de l'état neuro-psychologique de la patiente, dont l'état clinique actuel est la conséquence directe de sa seule pathologie initiale et que c'est l'initiative de la famille des requérants de conduire leur parente à Lavéran qui a sauvé Mme D...d'un fort risque de décès ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le retard de quelques heures de l'hôpital de la Conception pour diagnostiquer la méningite de Mme D...n'a pas compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation ; que, par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont limité la demande indemnitaire de MmeD..., en qualité de victime directe, à la seule réparation des souffrances qu'elle a endurées du fait de la faute du centre hospitalier et ont rejeté les demandes indemnitaires des victimes indirectes ;
Sur les dépens :
7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : "Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. L'Etat peut être condamné aux dépens" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de confirmer la mise à la charge de l'assistance publique- hôpitaux de Marseille des frais d'expertise ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que l'assistance publique-hôpitaux de Marseille, qui n'est pas la partie perdante au litige, soit condamnée à verser quelque somme que ce soit aux consorts D...au titre de ces dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : La requête des consorts D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié aux consortsD..., à l'assistance publique-hôpitaux de Marseille et à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône.
Copie pour information sera adressée à l'expert.
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N° 10MA046532