Vu, enregistrée au greffe de la Cour le 23 avril 2010, la requête présentée pour la société Somerest, dont le siège social est ZI de Saint Césaire, 43 rue Louis Proust à Nîmes (30900), par Me Mary ;
La SARL Somerest demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0800358 en date du 23 février 2010, par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions tendant à la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et aux contributions à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2001 et 2002, ainsi qu'à la réduction des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 12 mars 2001 au 31 décembre 2002 à la décharge de l'amende prévue par l'article 1763 A du code général de impôts et à celle des pénalités prévues par l'article 1729 du code général des impôts ;
2°) de prononcer les réductions sollicitées et la décharge totale des pénalités des articles 1729 et 1763 A du code général des impôts ;
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Vu le jugement attaqué ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 mars 2013,
- le rapport de M. Louis, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Guidal, rapporteur public ;
1. Considérant que la SARL Somerest, qui exploitait à Montpellier, sous l'enseigne " L'Antidote" un fonds de commerce de bar, restaurant et de vente de livres, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période courant du 12 janvier 2001 au 31 décembre 2002, qui s'est traduite par le rejet de la comptabilité présentée au service et par la reconstitution des recettes ; que la société Somerest relève appel du jugement en date du 23 février 2010, par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions tendant à la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et aux contributions à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2001 et 2002, ainsi qu'à la réduction des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 12 mars 2001 au 31 décembre 2002 à la décharge de l'amende prévue par l'article 1763 A du code général de impôts et à celle des pénalités prévues par l'article 1729 du code général des impôts ;
Sur la charge de la preuve :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission " ;
3. Considérant qu'il n'est pas contesté que l'administration a pu, à bon droit, estimer que la comptabilité présentée au titre de la période vérifiée comportait de graves irrégularités de nature à la faire regarder comme irrégulière et dépourvue de caractère probant et, par suite, procéder à la reconstitution des recettes de la SARL Somerest ; qu'il est constant que les suppléments d'imposition en litige ont été établis conformément à l'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires le 7 juin 2005 ; que, par suite, la charge de prouver le caractère exagéré des impositions qu'elle conteste incombe à la SARL Somerest en application des dispositions précitées de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur a procédé à la reconstitution des recettes " bar " et " restaurant " de la SARL Somerest ; que, pour reconstituer le chiffre d'affaires " bar ", le vérificateur a utilisé les éléments obtenus auprès des fournisseurs de boissons de la société pour déterminer le nombre d'achats revendus de chaque exercice, en prenant en compte les données tirées de l'exploitation ; qu'il a évalué distinctement les recettes tirées de la vente des consommations au bar de celles servies en salle ; qu'il a distingué les ventes en bouteilles de celles servies au verre, en retenant les doses habituellement pratiquées par la profession ; que seuls les jus de fruits conditionnés en bouteilles de 20 cl à l'exclusion des bouteilles d'un litre qui ont été considérées comme destinées à la consommation du personnel ou entrant dans la composition de cocktails, ont été pris en compte dans la reconstitution des recettes ; qu'un coefficient pour les pertes et offerts a été retenu en diminution du montant des quantités réellement revendues ; que s'agissant du chiffre d'affaires de l'activité de restauration, en l'absence de toute justification des recettes, le vérificateur a recouru à la méthode dite des " vins " consistant à dégager sur une période de référence, la proportion existant entre les ventes de vins bouchés et le chiffre d'affaires du restaurant et à appliquer ce rapport aux achats revendus de vins bouchés sur l'ensemble de la période vérifiée ; qu'un coefficient de correction a été appliqué pour prendre en compte les pertes, les offerts, la consommation du personnel et l'utilisation de vin en cuisine ;
5. Considérant que les méthodes ainsi mises en oeuvre par le vérificateur, qui aboutissent à dégager un coefficient de marge de 3,04 pour 2001 et de 3,30 pour 2002, ne sont pas contestables dans leur principe et reposent sur des constatations opérées dans l'entreprise elle-même ; qu'elles ne peuvent être combattues utilement par de simples considérations sur l'improbabilité supposée des résultats qu'elles révèlent, ni par la substitution d'une autre méthode fondée sur l'application aux achats revendus d'une marge théorique évaluée à partir des encaissements bancaires pratiqués par l'entreprise en 2002, et rapportée à l'exercice 2001 ; qu'il est constant que le coefficient de marge de 2,72 revendiqué par la société pour ses exercices 2001 et 2002 est nettement inférieur à celui de 3,29 obtenu par le précédent exploitant au cours de l'exercice 2000 et à celui de 3,5 déclaré par un établissement similaire situé à proximité de la SARL Somerest ; que si la SARL Somerest fait valoir que la méthode suivie par le vérificateur est sommaire dès lors qu'il n'a pas tenu compte de la circonstance que l'ancien gérant aurait détourné une partie de ses stocks, elle ne produit aucune pièce de nature à établir la réalité et l'importance des détournements allégués ; que si, dans le dernier état de ses écritures, la SARL Somerest se prévaut du jugement du tribunal correctionnel de Montpellier du 3 décembre 2008 qui aurait relevé ces détournements de stocks, il ne résulte toutefois pas de la lecture même de ce jugement que cette circonstance a été constatée par le juge pénal ; que, dès lors, la SARL Somerest qui ne saurait ainsi se prévaloir de l'autorité de la chose jugée, n'apporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, du caractère exagéré des impositions qu'elle conteste ; que, par suite, elle ne saurait obtenir la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés respectivement au titre de ses exercices clos en 2001 et 2002 et de la période du 12 mars 2001 au 31 décembre 2002 ;
6. Considérant que la SARL Somerest invoque l'autorité de la chose jugée par le tribunal de grande instance de Montpellier dans son jugement rendu le 3 décembre 2008, qui a estimé que le gérant de la SARL Somerest avait, courant 2001 et 2002, détourné des espèces et fait de la société un usage manifestement contraire à son intérêt ; que l'autorité de la chose jugée qui appartient aux décisions devenues définitives des juges répressifs, s'attache à la constatation matérielle des faits mentionnés dans le jugement, support nécessaire du dispositif, et à leur qualification sur le plan pénal ; qu'en revanche, elle ne s'attache pas à l'appréciation de ces mêmes faits au regard de la loi fiscale ; que la qualification des faits ainsi effectuée par une juridiction pénale et alors qu'il relève de la compétence exclusive du juge de l'impôt de statuer sur le bien-fondé de l'établissement de l'impôt au regard des règles fiscales, n'est pas revêtue de l'autorité absolue de la chose jugée s'imposant au juge administratif ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée doit, en tout état de cause, être écarté ;
Sur les pénalités :
Sur les pénalités de l'article 1729 du code général des impôts :
7. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'espèce : " -1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (...) " ; que c'est à juste titre que le jugement entrepris a relevé que la société contribuable avait par un jeu d'écritures comptables dissimulé des recettes imposables et qu'elle s'était abstenue de déclarer la taxe sur la valeur ajoutée afférente au chiffre d'affaires comptabilisé et en a déduit que l'administration devait être regardée comme apportant la preuve de l'intention de la requérante de se soustraire à l'impôt, laquelle est exclusive de bonne foi ; que, par suite, la SARL Somerest n'est pas fondée à soutenir qu'elle devait être déchargée de la majoration de 40 pour 100 prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur ;
Sur les pénalités de l'article 1763 A du code général des impôts :
8. Considérant qu'aux termes de l'article 117 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale (...), celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1763 A " ; qu'aux termes de l'article 1763 A du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité sont soumises à une pénalité égale à 100 % des sommes versées ou distribuées " ;
9. Considérant que les dispositions de l'article 117 du code général des impôts impliquent de la part de la personne morale invitée par l'administration à désigner les bénéficiaires des revenus distribués, de fournir sur l'identité des contribuables qu'elle désigne des indications présentant un degré suffisant de précision et de vraisemblance ; qu'il résulte de l'instruction qu'invitée par l'administration, dans la notification de redressement du 23 février 2004, à lui faire connaître l'identité et l'adresse du ou des bénéficiaires des revenus distribués correspondant aux sommes réintégrées dans les bénéfices sociaux, la SARL Somerest a indiqué le nom et le domicile de M. Dumont, son ancien gérant et associé en fonction jusqu'au 22 juin 2002 ; que l'administration en considérant que ces éléments de réponse étaient, compte tenu de leur imprécision, comme équivalant à un défaut de réponse, a infligé à la SARL Somerest la pénalité mentionnée à l'article 1763 A précité du code général des impôts ;
10. Considérant que la société requérante, qui ne pouvait, en raison même du caractère frauduleux des manoeuvres de son dirigeant à l'origine des dissimulations de recettes, ainsi que l'ont établi les termes du jugement du tribunal correctionnel de Montpellier en date du 3 décembre 2008, apporter quant aux montants exacts et aux dates de distribution, davantage de précisions, doit être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant ainsi apporté une réponse présentant un degré suffisant de précision et de vraisemblance sans que puisse y faire obstacle les dénégations de M. Dumont avancées par le service ; que, par suite, la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a refusé de lui accorder la décharge de la majoration exceptionnelle à laquelle elle a été assujettie à raison des bénéfices des années 2001 et 2002, réputés distribués ;
D E C I D E :
Article 1er : La société Somerest est déchargée des pénalités qui lui ont été infligées sur le fondement des dispositions de l'article 1763 A du code général des impôts.
Article 2 : Le jugement en date du 23 février 2010 du tribunal administratif de Montpellier est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société " Somerest " est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL " Somerest " et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
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N° 10MA01604 2
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