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05/03/2013 | FRANCE | N°10MA02570

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 05 mars 2013, 10MA02570


Vu la requête, enregistrée le 7 juillet 2010 sur télécopie confirmée le 9 suivant, présentée par Me D...F...pour M. A...B..., demeurant..., ; M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703076-0703298-0803203 rendu le 13 avril 2010 par le tribunal administratif de Nice qui a rejeté ses demandes tendant :

- d'une part, à l'annulation de la décision datée du 19 février 2007, par laquelle le maire de Cannes a refusé de renouveler son contrat de directeur de la sécurité urbaine et de la sécurité de l'environnement, ainsi que du rejet du recours gracie

ux formé contre cette décision ;

- d'autre part, à la condamnation de la commu...

Vu la requête, enregistrée le 7 juillet 2010 sur télécopie confirmée le 9 suivant, présentée par Me D...F...pour M. A...B..., demeurant..., ; M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703076-0703298-0803203 rendu le 13 avril 2010 par le tribunal administratif de Nice qui a rejeté ses demandes tendant :

- d'une part, à l'annulation de la décision datée du 19 février 2007, par laquelle le maire de Cannes a refusé de renouveler son contrat de directeur de la sécurité urbaine et de la sécurité de l'environnement, ainsi que du rejet du recours gracieux formé contre cette décision ;

- d'autre part, à la condamnation de la commune de Cannes à lui verser une indemnité globale de 322 692 euros en réparation des préjudices consécutifs à ce refus de renouvellement de contrat ;

- enfin, à la condamnation de la commune de Cannes à lui verser la somme de 1 337,48 euros au titre de la différence de loyers réglés de décembre 2006 à mars 2007, la somme de 2 000 euros au titre des frais de déménagement, la somme de 72 275,58 euros en compensation de la perte de logement administratif ;

2°) d'annuler l'arrêté précité du 19 février 2007, de condamner la commune de Cannes à lui verser :

- 13 310 euros au titre de l'indemnité de fin de contrat ;

- 100 000 euros au titre de la perte de retraite ;

- 50 000 euros au titre du préjudice moral ;

- 1 337,48 euros au titre de la différence de loyers réglés de décembre 2006 à

mars 2007 ;

- 2 000 euros au titre des frais de déménagement ;

- 72 275,58 euros en compensation de la perte de logement administratif ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Cannes la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

Vu la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique ;

Vu le décret n° 2006-1392 du 17 novembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des directeurs de police municipale ;

Vu le décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 février 2013 :

- le rapport de Mme Busidan, rapporteur,

- les conclusions de Mme Hogedez, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., substituant MeF..., pour M. B... et de MeE..., substituant MeG..., pour la commune de Cannes ;

1. Considérant que M.B..., exerçant les fonctions de "directeur de la sécurité urbaine et de la sécurité de l'environnement", en qualité d'agent non titulaire de la fonction publique territoriale sous contrat triennal, interjette appel du jugement rendu le 13 avril 2010 par le tribunal administratif de Nice, qui a rejeté ses demandes tendant d'une part, à l'annulation de la décision datée du 19 février 2007, par laquelle le maire de Cannes a refusé de renouveler son contrat, ainsi que du rejet du recours gracieux formé contre cette décision, d'autre part, à la condamnation de la commune de Cannes à lui verser diverses indemnités en réparation des préjudices consécutifs à ce refus de renouvellement de contrat, enfin, à la condamnation de cette même commune à lui verser diverses sommes relatives à des frais de logement ;

Sur la recevabilité de la requête :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que M. B...a reçu notification du jugement attaqué le 14 mai 2010 ; que, par suite, la présente requête ayant été enregistrée le 7 juillet 2010 sur télécopie confirmée le 9 juillet, la fin de non-recevoir, opposée à titre principal par la commune de Cannes et tirée de la tardiveté de la requête au regard des dispositions de l'article R. 811-2 du code de justice administrative, doit être rejetée ;

Sur la demande d'annulation de la décision du 19 février 2007, ensemble le rejet du recours gracieux formé contre cette décision :

3. Considérant qu'aux termes du paragraphe II de l'article 15 de la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 : " II. - Le contrat est, à la date de publication de la présente loi, transformé en contrat à durée indéterminée, si l'agent satisfait, le 1er juin 2004 ou au plus tard au terme de son contrat en cours, aux conditions suivantes : 1° Être âgé d'au moins cinquante ans ; 2° Être en fonction ou bénéficier d'un congé en application des dispositions du décret mentionné à l'article 136 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée ; 3° Justifier d'une durée de services effectifs au moins égale à six ans au cours des huit dernières années ; 4° Occuper un emploi en application des quatrième, cinquième ou sixième alinéas de l'article 3 de la loi n° 84-53 du

26 janvier 1984 précitée dans une collectivité ou un établissement mentionné à l'article 2 de la même loi " ; qu'en vertu du cinquième alinéa de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984, applicable à la date d'effet de la décision en litige, un agent contractuel peut notamment, par dérogation au principe énoncé à l'article 3 du titre Ier du statut général, occuper un emploi permanent du niveau de la catégorie A, lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à compter du 1er avril 2001 et jusqu'au 30 juin 2007, M.B..., né le 25 juillet 1953, a été continûment employé par la commune de Cannes sur la base de contrats qui ont porté sur des fonctions différentes, se rattachant néanmoins toutes au domaine de la sécurité dans la ville ; que notamment, par un premier contrat de trois ans courant du 1er juillet 2001 au 30 juin 2004, il a travaillé sur un emploi permanent, du niveau de la catégorie A, de "coordonnateur de la sécurité", puis, par un second contrat courant du 1er juillet 2004 au 30 juin 2007 sur un emploi permanent, du niveau de la catégorie A, de "directeur de la sécurité urbaine et de la sécurité de l'environnement" ; que, par conséquent, au terme de ce dernier contrat, il remplissait toutes les conditions prévues par les dispositions précitées du paragraphe II de l'article 15 de la loi du 26 juillet 2005, pour que ledit contrat triennal soit, rétroactivement, transformé en contrat à durée indéterminée à la date du 27 juillet 2005, date de publication de la loi du 26 juillet 2005 ; que, cependant si, à la date d'effet de la décision du 19 février 2007, mettant fin à ses fonctions au terme de son contrat en cours, M. B...devait être regardé comme bénéficiant d'un contrat à durée indéterminée, cette seule circonstance est insuffisante à entacher d'illégalité la décision en litige, dès lors que l'administration peut légalement rompre un contrat à durée indéterminée ;

5. Considérant que si la décision en litige doit alors être regardée comme un licenciement en cours de contrat, M. B...la conteste en soutenant que l'intérêt du service ne serait pas même avancé par l'administration pour la justifier ; que, si toutefois la commune de Cannes indique que la décision en litige "a été justifiée par la réorganisation du service", elle ne donne aucune précision sur la réorganisation à laquelle il aurait été procédé, alors que la charge de la preuve lui en incombe ; que, certes, il ressort des pièces du dossier que le contenu des missions dévolues à l'emploi de directeur de la sécurité urbaine et de la sécurité de l'environnement avait été modifié depuis le 1er juillet 2006, par une note de service datée du

26 juin 2006 et signée du maire, consécutivement à la décision de l'administration de nommer un directeur de la police municipale qui serait issu du futur cadre d'emplois de catégorie A des directeurs de police municipale, dont le statut particulier devait être publié le

18 novembre 2006 ; que cependant, il ne ressort ni de cette note de service, ni d'aucune autre pièce versée au dossier que la réorganisation des attributions entre l'emploi occupé par le directeur de la police municipale et celui occupé par M. B...aurait entraîné la suppression de l'emploi de ce dernier alors, d'une part, qu'appelant et intimée convergent à soutenir que les deux emplois précités ne sauraient être confondus et recouvriraient des fonctions différentes, et, d'autre part, que la commune de Cannes a maintenu M. B...sur son emploi une année entière après que la note de service précitée en avait légèrement modifié les contours ; que, dans ces conditions, la rupture des relations contractuelles entre la commune de Cannes et

M. B...ne peut être regardée comme fondée sur l'intérêt du service allégué, et la décision du 19 février 2007 en litige est, par suite, entachée d'illégalité ;

Sur les demandes indemnitaires de M.B... :

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'ensemble des circonstances ci-dessus rappelées qu'en mettant un terme, par la décision illégale sus-évoquée, aux fonctions de M. B... à compter du 1er juillet 2007, la commune de Cannes a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; que toutefois, cette faute n'est susceptible d'ouvrir droit à réparation au profit de l'appelant qu'à la condition qu'elle soit à l'origine d'un préjudice personnel, direct et certain subi par lui ;

7. Considérant, en premier lieu, que le bénéfice d'un logement de fonction n'a pas été retiré à M. B...par la décision en litige, mais par une délibération, antérieure, datée du

27 novembre 2006, qui a pris effet, selon les écritures mêmes de l'appelant, à compter de décembre 2006 ; que, par conséquent, et alors qu'en outre M. B...ne soutient pas que cette délibération serait illégale et constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration, les frais engagés par l'appelant pour faire face à la suppression du bénéfice d'un logement de fonction ne peuvent être regardés comme constituant des préjudices en lien direct avec la décision en litige ; que, par suite, doivent être rejetées les conclusions tendant à ce que la commune de Cannes soit condamnée à verser à l'appelant, d'une part, une somme

de 1 337,48 euros compensant le loyer acquitté entre décembre 2006 et mars 2007, d'autre part, une somme de 2 000 euros réparant des frais de déménagement, enfin, une somme

de 72 275,58 euros compensant les arrérages, courant jusqu'à sa 65ème année, du prêt qu'il a dû contracter pour acquérir un logement ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que, comme il a été dit plus haut, M. B...doit être regardé comme ayant fait l'objet, par la décision en litige, d'un licenciement intervenu au cours d'un contrat à durée indéterminée ; qu'alors que la commune de Cannes ne soutient, ni même n'allègue, que M. B...aurait immédiatement retrouvé, dans les services visés à l'article 44 du décret n° 88-145 susvisé, un emploi équivalent à celui dont il a été licencié, il est fondé à soutenir, en vertu de l'article 43 du même décret, qu'une indemnité de licenciement lui est due, dont le montant est déterminé par les dispositions des articles 45 et 46 du dit décret ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que l'indemnité de licenciement due à M. B...s'élève à la somme de 13 310 euros, qu'il convient de condamner la commune de Cannes à lui verser ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu également de condamner la commune de Cannes à lui verser une somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral causé par les conditions dans lesquelles la commune de Cannes, en méconnaissance des dispositions de la loi du

26 juillet 2005, a pris la décision en litige le licenciant ;

9. Considérant, par contre, que M.B..., dont la carrière professionnelle s'était déroulée pendant trente ans au sein de la gendarmerie nationale avant son recrutement par la commune de Cannes, soutient que la décision fautive de rompre son contrat serait à l'origine d'un préjudice, qu'il évalue à 100 000 euros et qui résulterait de la perte d'une retraite correspondant à celle qu'il aurait perçue si son contrat avait été mené jusqu'à ses 65 ans ; que cependant, il ne verse au dossier aucun élément de nature à établir le caractère certain du préjudice allégué, qui ne peut qu'être regardé comme éventuel ; que, dans ces conditions, ses conclusions tendant à ce que la commune soit condamnée à lui verser la somme précitée doivent être rejetées ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté, d'une part, sa demande d'annulation de la décision du 19 février 2007, ensemble le rejet du recours gracieux formé contre elle, et d'autre part, l'ensemble de ses demandes indemnitaires ; qu'il est fondé à obtenir l'annulation de ce jugement, l'annulation des deux décisions précitées et la condamnation de la commune de Cannes à lui verser la somme totale de 15 310 euros ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la commune de Cannes doivent dès lors être rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sur le fondement des mêmes dispositions, de mettre à la charge de l'intimée le versement à M. B...de la somme de 2 000 euros au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement rendu le 13 avril 2010 par le tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 2 : La décision datée du 19 février 2007 prise par le maire de Cannes à l'encontre de M. B..., et le rejet du recours gracieux formé à l'encontre de cette décision, sont annulés.

Article 3 : La commune de Cannes est condamnée à verser à M. B...la somme de

15 310 (quinze mille trois cent dix) euros.

Article 4 : La commune de Cannes versera à M. B...la somme de 2 000 (deux mille) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et à la commune de Cannes.

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N° 10MA025702


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA02570
Date de la décision : 05/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Nature du contrat.

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Fin du contrat.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: Mme Hélène BUSIDAN
Rapporteur public ?: Mme HOGEDEZ
Avocat(s) : SCP AIACHE-TIRAT et BIENFAIT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-03-05;10ma02570 ?
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