Vu la requête, enregistrée le 5 juillet 2010, présentée pour M. J...C..., demeurant ...par la SELARL d'avocats Gil-Cros ; M. C...demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 0802404 du 21 mai 2010 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a limité à la somme de 49 149,36 euros, assortis des intérêts légaux capitalisés, la condamnation de la commune de Béziers au titre du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'interdiction d'occupation, par arrêté municipal du 12 mars 2004, de l'immeuble lui appartenant, qu'il louait, sis au 34 avenue Valentin Duc à Béziers ;
2°) de condamner la commune de Béziers à lui verser la somme totale de 160 303,79 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de sa demande ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Béziers la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de condamner la commune de Béziers aux entiers dépens ;
M. C...soutient que :
- il est propriétaire d'un immeuble divisé en trois appartements sis 34 rue Valentin Duc à Béziers, situé entre deux talus de grande hauteur appartenant à la commune, qu'il loue à trois familles ;
- ces talus étant menacés par des glissements de terrain, le maire a pris, sur le fondement des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, un arrêté le 12 mars 2004 portant interdiction provisoire d'habiter et d'utiliser cet immeuble ;
- la commune avait indiqué qu'elle relogerait gratuitement, pendant le temps nécessaire pour réaliser les travaux de sécurisation du talus, ces trois familles de locataires, à charge pour elles de continuer à s'acquitter de leur loyer directement auprès de leur propriétaire, ce qu'elles n'ont pas fait ;
- le tribunal d'instance de Béziers, par jugement du 23 juin 2006, confirmé par la cour d'appel de Montpellier le 24 avril 2007, l'a débouté de sa demande tendant au prononcé de la résiliation du bail d'un des locataires et de la condamnation de ce dernier à lui verser les loyers impayés ;
- c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la responsabilité sans faute de la commune maître d'ouvrage était engagée sur le fondement du principe de l'égalité devant les charges publiques à l'égard des tiers du fait de l'anormalité de son préjudice ;
- cette responsabilité pourrait aussi être engagée sur la responsabilité sans faute pour les dommages causés à un tiers du fait de l'ouvrage public, en l'espèce le talus communal ;
- en revanche, les premiers juges ont écarté à tort la réparation du préjudice résultant de la dégradation, pendant 6 ans, de son immeuble résultant essentiellement d'actes de vandalisme ;
- le lien de causalité entre la détérioration de son immeuble désaffecté, auquel il ne pouvait lui-même plus accéder, et l'arrêté municipal du 12 mars 2004 portant interdiction d'y habiter est établi ;
- et ce d'autant plus que c'est la commune qui avait la garde de son immeuble puisqu'il avait dû lui remettre les clefs de l'immeuble après l'édiction de cet arrêté ;
- ce préjudice matériel est estimé à la somme de 40 000 euros ;
- s'agissant le la perte des loyers, le tribunal a à tort limité l'indemnisation de ce préjudice à la période antérieure au mois de février 2009, date à laquelle l'interdiction d'habiter a été levée, au motif erroné que les travaux de remise en état de l'immeuble avaient principalement pour objet de réparer les conséquences d'actes de vandalisme, et n'avaient pas de ce fait de lien direct avec le dommage, dès lors qu'il ne pouvait plus accéder à son bien ;
- ce préjudice doit être réparé, pour la période du 1er mars 2009 au 31 mars 2010, pendant laquelle il n'a pas perçu de loyers, à la somme totale, pour les trois appartements, de 50 328,24 euros ;
- les frais de constats d'huissier, d'avocats et les dépens engagés devant la cour d'appel de Montpellier devront être indemnisés pour la somme totale de 6 975,55 euros ;
- les premiers juges ont rejeté à tort le préjudice subi du fait de la privation d'une partie de son terrain, à savoir un jardin d'une surface de 200 m², eu égard aux travaux de confortement du talus litigieux préconisés par l'expert ;
- ce préjudice est estimé à la somme de 63 000 euros ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré le 9 septembre 2010, le mémoire en communication de pièce présenté pour M. C...par la SELARL d'avocats Gil-Cros ;
Vu, enregistré le 16 mai 2012, le mémoire présenté pour la commune de Béziers, représentée par son maire en exercice, par le cabinet d'avocat Maillot et associés, qui demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement en tant qu'il l'a condamnée à indemniser le requérant et le rejet de la requête et la condamnation de M. C...à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La commune fait valoir que :
- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont retenu comme fondement de responsabilité celle pour rupture d'égalité devant les charges publiques sans en avoir auparavant avisé les parties en méconnaissance de l'article R. 611-7 alinéa 1 du code de justice administrative ;
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, sa responsabilité ne pouvait être engagée du fait de l'absence de préjudice anormal et spécial en lien direct avec l'arrêté municipal du 12 mars 2004 ;
- en effet, le préjudice tiré de la perte de loyers n'est pas établi par le requérant ;
- le non-paiement des loyers par les locataires de l'immeuble est un litige de droit privé ;
- le non-paiement des loyers ne constitue pas un préjudice spécial et anormal ;
- ce non-paiement est la conséquence directe du péril qui menaçait la sécurité des habitants ;
- d'ailleurs, le non-paiement des loyers est intervenu bien après l'intervention de l'arrêté litigieux du 12 mars 2004 ;
- aucune indemnité ne devra être allouée au requérant pour ce chef de préjudice ;
- à titre subsidiaire, le préjudice tiré de la perte des loyers ne devrait donner lieu qu'à la somme maximale de 45 661,43 euros ;
- le préjudice moral du requérant, qui a donné lieu, à tort, à l'allocation d'une indemnité de 2 000 euros par le tribunal, n'est pas établi ;
- la faute de la victime, qui a loué son bien en 1998 en connaissance des risques de glissement de terrain, exonère la commune de toute responsabilité ;
- la responsabilité sans faute de la commune du fait de l'ouvrage public ne peut être engagée dès lors que ce talus est naturel ;
- la qualité de tiers de M. C...vis-à-vis de ce talus, qui délimite sa propriété, n'est pas non plus établie ;
- il n'existe pas de lien de causalité direct entre la dégradation de son bien et l'arrêté municipal litigieux ;
- les travaux de réparation de l'immeuble avaient pour objet de réparer les conséquences des actes de vandalisme ;
- le préjudice allégué lié à la résiliation des baux de deux des colocataires n'est pas précisé ;
- les frais de justice demandés n'ont pas de lien avec la présente procédure ;
la perte de jouissance du jardin n'est pas établie, dès lors que cette partie du terrain était louée et en tout état de cause, le chiffrage de ce préjudice est exagéré ;
- la demande indemnitaire du requérant en appel devra donc être rejetée ;
- le maire n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité, contrairement à ce que soutenait le requérant en première instance ;
- la commune n'avait pas d'obligation de faire respecter par les locataires leur obligation de continuer à payer leur loyer à M.C... ;
- le danger d'éboulement du talus étant imprévisible, la commune ne pouvait pas faire évacuer les logements après les premiers glissements de terrain de 1996 ;
- elle n'a pas commis de faute pour défaut d'entretien de l'ouvrage ;
Vu, enregistré le 26 octobre 2012, le mémoire présenté pour M. C...par la SELARL d'avocats Gil-Cros, qui persiste dans ses précédentes écritures et demande désormais la condamnation de la commune à lui verser la somme totale de 94 830,62 euros et celle de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et soutient en outre que :
- le jugement n'est pas irrégulier ;
- le préjudice tiré de la perte de loyers est établi ;
- la perte des loyers s'étend durant toute la période des travaux de rénovation des logements, soit de mars 2004 à mars 2010 inclus ;
Vu, enregistré le 28 décembre 2012, le mémoire présenté pour la commune de Béziers, représentée par son maire en exercice, par le cabinet d'avocat Maillot et associés, qui persiste dans ses précédentes écritures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 janvier 2013 :
- le rapport de MmeF..., rapporteure ;
- les conclusions de MmeA..., rapporteure publique ;
- et les observations de Me G... de la Selarl Gil-Fourrier et Cros pour M. C...et de Me B...du cabinet Maillot pour la commune de Béziers ;
Vu, enregistrée le 22 janvier 2013, la note en délibéré présentée pour M.C... ;
1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. C...est propriétaire d'un immeuble divisé en trois appartements sis 34 rue Valentin Duc à Béziers, qu'il loue à trois familles ; que cet immeuble est situé sur un terrain en dénivelé entre la Rampe des Moulins et l'avenue Valentin Duc, entre deux talus de grande hauteur qui constituent des murs de soutènement d'un chemin piétonnier, appartenant à la commune ; que ces talus étant menacés par des glissements de terrain, le maire a pris, sur le fondement des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, un arrêté le 12 mars 2004 portant interdiction provisoire d'habiter et d'utiliser cet immeuble à compter de la notification de cet arrêté ; que la commune avait indiqué à M. C...qu'elle relogerait gratuitement, pendant le temps nécessaire pour réaliser les travaux de sécurisation du talus, les trois familles de locataires, à charge pour eux de continuer à s'acquitter de leur loyer directement auprès de leur propriétaire, ce qu'ils n'ont pas fait ; que M. C... relève appel du jugement du 21 mai 2010 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a limité à la somme de 49 149,36 euros, assortie des intérêts légaux capitalisés, la condamnation de la commune de Béziers au titre du préjudice subi du fait de l'interdiction d'occupation susmentionnée du maire de la commune de Béziers de cet immeuble lui appartenant qu'il louait, sis au 34 avenue Valentin Duc à Béziers ; que, par la voie de l'appel incident, la commune de Béziers demande l'annulation du jugement qui l'a condamnée à indemniser le préjudice subi par M. C...en retenant sa responsabilité sur le fondement du principe d'égalité devant les charges publiques ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : "Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement (...) en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué. (...). " ;
3. Considérant que, devant les premiers juges, M. C...fondait l'engagement de la responsabilité sur la faute de la commune pour, notamment, négligence du maire d'avoir laissé le talus qui borde son immeuble se dégrader, alors que plusieurs signes annonciateurs l'auraient laissé présager depuis 1996 ; que, par courrier du 15 décembre 2009, le tribunal a informé les parties que la décision à intervenir était susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office tiré de ce que " le dommage trouve son origine dans un talus, accessoire de la voie publique ; la responsabilité de la commune est susceptible d'être engagée sans faute à l'égard de M.C..., tiers par rapport à cet ouvrage. " ; que cette formulation laissait entendre l'éventualité d'un engagement de la responsabilité sans faute de la commune pour dommages de travaux publics causé à un tiers du fait de la présence d'un ouvrage public ; que, toutefois, les premiers juges ont finalement retenu la responsabilité sans faute de la commune sur le fondement du principe de l'égalité devant les charges publiques du fait de l'application, dans l'intérêt général, de l'arrêté municipal susmentionné du 12 mars 2004 ; que, dans ces conditions, les premiers juges n'ont pas mis les parties à même de discuter utilement de l'engagement de la responsabilité sans faute de la commune sur cet autre fondement ; que, par suite, la commune de Béziers est fondée à soutenir que le jugement attaqué a été rendu au terme d'une procédure irrégulière et à en demander l'annulation ;
4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer sur la demande de M.C... ;
Sur la recevabilité de la demande de M.C... :
5. Considérant que M. C...a régularisé l'absence de demande préalable en adressant le 17 novembre 2008, après l'enregistrement de sa demande, une demande indemnitaire au maire de la commune de Béziers, qui en a accusé réception le 21 novembre 2008 ; que, par suite, la demande de M. C...était recevable ;
Sur la responsabilité sans faute de la commune :
6. Considérant que les mesures légalement prises, dans l'intérêt général, par les autorités de police peuvent ouvrir droit à réparation sur le fondement du principe de l'égalité devant les charges publiques au profit des personnes qui, du fait de leur application, subissent un préjudice anormal, grave et spécial ;
7. Considérant que M. C...soutient que la responsabilité sans faute de la commune de Béziers est engagée sur le fondement du principe d'égalité devant les charges publiques du fait de l'arrêté municipal susmentionné du 12 mars 2004, pris dans l'intérêt général, dont la légalité n'est pas contestée, interdisant aux locataires de l'immeuble situé 34 avenue Valentin Duc l'accès pour habitation ou pour utilisation de cet immeuble et qu'il subit, en tant que propriétaire de cet immeuble, un préjudice anormal, grave et spécial du fait de l'application de cette interdiction, ouvrant droit à réparation ;
Sur le lien de causalité :
8. Considérant, en premier lieu, que la commune de Béziers soutient que la perte des loyers subis par M. C...n'est pas la conséquence nécessaire et prévisible de l'arrêté litigieux d'interdiction d'habiter, mais résulte du danger d'éboulement d'un talus sur l'immeuble qui résulte de la situation naturelle des lieux, dont la commune ne porte pas la responsabilité ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier que le mur de séparation entre le chemin piéton et la propriété de M.C..., qui soutient les terres vis à vis de l'escalier et, en même temps, protège cette propriété des éboulis, est un ouvrage en pierres maçonnées et que le risque d'éboulement est dû, outre une forte pente et une érosion agressive des terrains marneux et gréseux, à une mauvaise gestion des eaux de ruissellement et à l'absence de butée en pied de talus susceptible de retenir les blocs ; que par suite, la commune ne peut utilement soutenir que l'intervention de l'arrêté litigieux a été rendue nécessaire par la situation naturelle des lieux ; qu'en revanche, il résulte de l'instruction que le propriétaire de l'immeuble, M.C..., avait passé un contrat de bail depuis plusieurs années avec trois familles de locataires, soit depuis le 1er juin 1998 avec M.H..., le 1er juillet 2000 avec M. D...et le 1er juillet 2002 avec MmeE... ; que le requérant justifie par les relevés bancaires produits à l'instance avoir perçu les loyers y afférant, lesquels ont été régulièrement révisés ; que, dès le mois de mars 2004, M. H...a cessé de payer son loyer ; que Mme D...a cessé de s'acquitter de ses loyers à compter d'octobre 2007 ; que Mme E...n'a plus versé son complément de loyer à compter de novembre 2007 ; que les locataires ont ensuite résilié leur bail pour perte de jouissance des lieux ; qu'ainsi, la commune n'est pas fondée à soutenir que la mesure de police litigieuse n'a pas de lien direct avec la perte des loyers invoquée par le requérant ; que l'interdiction d'occuper les lieux a duré 6 ans, jusqu'à sa levée par arrêté municipal de février 2009 ; que le préjudice tiré de la perte des loyers, qui n'est pas un risque inhérent à tout propriétaire dès lors qu'il provient en l'espèce d'une interdiction administrative d'utiliser les lieux, est, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, anormal, grave et spécial, dès lors qu'il n'a concerné qu'un petit nombre de riverains du talus susmentionné, et ne saurait dès lors être regardé comme une charge incombant normalement à M.C... en sa qualité de propriétaire ;
9. Considérant, en deuxième lieu, que M. C...soutient que l'interdiction d'accès à son immeuble a entrainé la dégradation de ce dernier, qui a été laissé à l'abandon par la commune pendant la période d'inoccupation et qui a fait l'objet de vandalisme et que la commune, qui lui avait demandé de restituer ses clefs, ce qui lui interdisait de pénétrer dans son immeuble, avait la garde de cet immeuble et en était responsable pendant la période temporaire d'interdiction d'accès ; que la dégradation de son immeuble par des tiers et les frais de sa mise en état avant re-location ne se serait pas produit si les locataires avaient continué à occuper les lieux ; que, par suite, le chef de préjudice tiré de la dégradation de son immeuble présente un lien de causalité direct et certain avec l'arrêté municipal du 12 mars 2004 ;
10. Considérant, en troisième lieu, que la commune, pour s'exonérer de toute responsabilité, soutient que le requérant ne pouvait ignorer les risques de glissements de terrain lorsqu'il a loué son bien en 1998, dès lors qu'un tel glissement avait provoqué dès 1996 des dégâts sur les parcelles voisines et que le chemin piétonnier surplombant sa propriété avait été fermé en 1998 du fait du mouvement de ce talus ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que M. C... a acquis son bien le 10 avril 1997 ; que l'acte de vente n'indique pas que l'immeuble acquis était situé dans une zone d'éboulement ou qu'il était susceptible d'être frappé d'une interdiction d'accès en raison du danger présenté pour ses occupants ; que, par suite, la commune ne peut utilement soutenir que le préjudice subi par M.C..., qui ne s'est pas sciemment exposé à un risque, ne lui ouvre pas droit à réparation ; qu'en outre, il résulte de l'instruction que M. C... ne pouvait réaliser les travaux, de nature à mettre fin au péril, sur le mur séparant le chemin piéton de son immeuble, et qui retient les terres susceptibles de s'ébouler, dès lors que les travaux sur ce mur, qui appartient au domaine public de la commune, relèvent de la seule compétence communale ;
11. Considérant qu'il en résulte que l'arrêté municipal susmentionné du 12 mars 2004, présente un lien direct avec le préjudice subi par M.C..., et que le dommage n'a pas pour origine une faute commise par le requérant ; que M. C...est donc fondé à rechercher la responsabilité sans faute de la commune, sans qu'elle puisse se prévaloir d'une exonération, même partielle, de sa responsabilité ; que ce préjudice anormal, grave et spécial est de nature à ouvrir droit à réparation ;
Sur l'évaluation du préjudice :
12. Considérant que lorsque le préjudice subi par le propriétaire revêt un caractère grave et spécial et qu'il ne saurait, dès lors, être regardé comme une charge incombant normalement à l'intéressé, l'indemnisation est seulement due pour la part du préjudice excédant les troubles subis par M. C...en raison des travaux excédant ceux qu'il devait normalement supporter sans indemnisation ;
En ce qui concerne les pertes de loyers :
13. Considérant que la commune ne saurait utilement soutenir qu'elle aurait évité au requérant toute conséquence dommageable de l'arrêté d'éviction temporaire litigieux en relogeant gratuitement les locataires le temps des travaux à réaliser, à charge pour ces derniers de continuer à payer directement leurs loyers à M. C...et qu'elle aurait ainsi déjà indemnisé le propriétaire au titre du relogement de ces derniers, dès lors que ce relogement gratuit, s'il répare en partie les préjudices subis par les locataires, ne répare pas celui subi par le propriétaire, qui a cessé de percevoir les loyers des locataires ; que d'ailleurs, le tribunal d'instance de Béziers, par jugement du 23 juin 2006, confirmé par la cour d'appel de Montpellier le 24 avril 2007, a débouté M. C...de sa demande tendant au prononcé de la résiliation du bail d'un des locataires et à la condamnation de ce dernier à lui verser les loyers impayés, au motif qu'il n'était pas établi que ce locataire se serait engagé à continuer à payer un loyer pour un logement dont il n'avait plus la disposition et qu'il n'y avait pas lieu à résilier le bail, dès lors que la chose louée était provisoirement inutilisable et non détruite ;
14. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'immeuble litigieux a fait l'objet d'une interdiction d'occupation à compter du 12 mars 2004 et que le maire de Béziers a abrogé son arrêté d'interdiction d'habiter à compter de la fin du mois de février 2009 ; que les trois locataires de cet immeuble ont quitté les locaux à compter du 12 mars 2004 ; que les locataires de M.C..., relogés par la commune, ont cessé de s'acquitter de leurs loyers en 2004 s'agissant de M. et MmeH..., et en 2007 s'agissant de Mmes E...et D...; que Mme E... a donné son congé le 18 octobre 2008 et que Mme D...a résilié son bail le 10 octobre 2008 ; que M. C...justifie, après prise en compte de l'indexation du montant des loyers et d'une interruption en 2008 du versement des allocations servies par la caisse d'allocations familiales s'agissant de Mmes E...etD..., et compte tenu des trois mois de préavis suivant la date de ces résiliations, d'une perte de loyers de 37 372,44 euros s'agissant du logement de M. et MmeH..., de 2 794,31 euros pour celui de MmeE..., et de 5 494,68 euros pour celui de Mme D...; que le requérant est donc fondé à demander la condamnation de la commune de Béziers à lui payer la somme de 45 661,43 euros au titre de sa perte de loyers pour la période antérieure à l'arrêté abrogeant l'interdiction d'habiter ;
15. Considérant qu'après la levée d'interdiction d'habiter à la fin du mois de février 2009, les appartements de M. C...sont restés inoccupés jusqu'en mars 2010 ; que si M. C...soutient que cette période de 10 mois correspond à la période nécessaire à la remise en état des logements suite aux actes de vandalisme susmentionnés pendant l'inoccupation de l'immeuble, il résulte de l'instruction que la commune lui avait rendu les clefs de son bien dès le 18 février 2009 et que M. C...n'a fait établir les devis de travaux de rénovation de ses appartements qu'en juillet 2009 ; que, eu égard au retard du propriétaire pour entamer les travaux nécessaires pour relouer son bien, il sera fait une juste appréciation en étendant la période d'indemnisation des pertes de loyers à quatre mois supplémentaires, soit jusqu'à la fin juin 2009 ; que, compte tenu du loyer indexé, il y a lieu d'allouer à M. C...la somme de 2 886,40 euros s'agissant du logement de M. et MmeH..., la somme de 2 037,80 euros pour le logement de Mme D... et la somme de 2 011,48 euros pour l'appartement de MmeE... ; que la commune de Béziers doit ainsi être condamnée à verser la somme de 6 935,68 euros au titre des pertes de loyers après l'abrogation de l'arrêté interdisant d'habiter ;
16. Considérant que le préjudice lié à la perte des loyers s'élève dès lors à la somme totale de 52 597,11 euros ;
En ce qui concerne les frais de remise en état de l'immeuble :
17. Considérant qu'il sera fait une exacte appréciation du préjudice subi à ce titre, eu égard aux devis de travaux produits par le requérant, en allouant la somme de 35 000 euros pour ce chef de préjudice ;
En ce qui concerne la perte de jouissance d'une partie du terrain :
18. Considérant que M. C...n'habite pas dans l'immeuble, qu'il loue ; qu'en outre, il résulte du rapport de l'expert qu'en augmentant la hauteur du mur de soutènement, le terrain sera moins pentu et que la réalisation d'une paroi clouée en fond de parcelle au niveau de la conduite améliorera la partie arrière du terrain ; qu'ainsi, la perte de jouissance alléguée par le requérant de 200 m2 de jardin pour réaliser les travaux de confortement du talus, préconisés par l'expert, n'est pas établie ; que ce chef de préjudice doit ainsi être écarté ;
En ce qui concerne le préjudice moral :
19. Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral, distinct de la perte des loyers subie, subi par le requérant en lui allouant à ce titre la somme de 2 000 euros ;
En ce qui concerne le coût des constats d'huissier et des frais d'avocats et de procédure :
20. Considérant que M.C..., qui n'était pas tenu d'engager une procédure, laquelle n'a d'ailleurs pas abouti, devant le juge civil à l'encontre de ses locataires pour recouvrer les loyers impayés, n'est pas fondé à soutenir que ces frais sont en lien direct avec l'interdiction d'occuper son immeuble ;
21. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Béziers doit être condamnée à verser à M. C...la somme totale de 89 597,11 euros en réparation de son préjudice ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
22. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que M.C..., qui n'est pas la partie perdante à l'instance, soit condamné à verser quelque somme que ce soit au titre des frais d'instance non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la commune de Béziers à verser à M. C...la somme de 2 000 euros au titre de ces dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 21 mai 2010 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : La commune de Béziers versera la somme de 89 597,11 (quatre vingt neuf mille cinq cent quatre vingt dix sept euros et onze centimes) à M. C...en réparation de son préjudice.
Article 3 : La commune de Béziers versera la somme de 2 000 (deux mille) euros à M. C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...et à la commune de Béziers.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2013, où siégeaient :
- M. Duchon Doris, président de chambre,
- MmeI..., première conseillère,
- MmeF..., première conseillère.
Lu en audience publique le 11 février 2013.
La rapporteure,
M.C. F...
Le président,
J.C. DUCHON DORIS
Le greffier,
P. AGRY
La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
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N° 10MA025422
MD