Vu la requête, enregistrée le 16 février 2011 sous le n° 11MA00641 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, présentée pour Mme F...E..., demeurant
..., par Me D..., de la SCP Gerbaud-D... -Canellas-Charmasson-Cotte ;
Mme E...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0805578 du 22 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à ce que le tribunal annule la décision en date du 27 mars 2008 par laquelle le président de la chambre d'agriculture G...- a prononcé son licenciement, enjoigne au président de la chambre d'agriculture G...- de reconstituer sa carrière et de lui payer les salaires non versés depuis son licenciement et condamne la chambre d'agriculture G...- à lui payer la somme de 120 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite de son licenciement ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance ;
3°) d'enjoindre à la chambre d'agriculture G...- de reconstituer sa carrière avec paiement des salaires depuis la date d'effet de la décision attaquée jusqu'à la date de l'annulation de cette décision ;
4°) de mettre à la charge de la chambre d'agriculture G...- la somme de 5 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Elle soutient que :
- faute de proposition de reclassement régulière, la procédure de licenciement est elle-même entachée d'irrégularité ;
- l'insuffisance professionnelle n'est pas établie ; d'une part, les dysfonctionnements qu'on lui reproche résultent pour l'essentiel de la désorganisation de la chambre d'agriculture G...- alors que, d'autre part, la plupart des griefs relèvent en tout état de cause du disciplinaire et qu'enfin, certains des faits sont trop anciens pour pouvoir être pris en considération ;
- le harcèlement subi dont le licenciement est l'aboutissement justifie une indemnisation à hauteur de 50 000 euros, est également justifiée l'indemnisation du licenciement abusif à hauteur de 70 000 euros ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense enregistré le 15 octobre 2012 présenté pour la chambre d'agriculture G...-, par MeA..., de la SELARL BGLM ; ladite chambre d'agriculture demande à la Cour de rejeter la requête de Mme E...et de mettre à la charge de celle-ci la somme de 7 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Elle soutient que :
- la proposition de reclassement était régulière ;
- l'inaptitude de l'intéressée aux relations humaines est telle qu'elle la rend inapte à l'emploi qu'elle occupait ;
- les conclusions indemnitaires de la requérante sont irrecevables faute de liaison préalable du contentieux et doivent en tout état de cause être rejetées ;
Vu le mémoire, enregistré le 20 décembre 2012, présenté pour Mme E...qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 3 janvier 2013, présenté pour la chambre d'agriculture G...- qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;
Vu le statut du personnel administratif des chambres d'agriculture ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 janvier 2013 :
- le rapport de M. Renouf, rapporteur,
- les conclusions de Mme Hogedez, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., de la SCP Gerbaud-D... -Canellas-Charmasson-Cotte pour MmeE..., et de MeB..., de la SELARL BGLM, pour la chambre d'agriculture G...- ;
1. Considérant que Mme E...fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation de la décision en date du 27 mars 2008 par laquelle le président de la chambre d'agriculture G...- a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle et, d'autre part, à l'indemnisation des préjudices subis ;
Sur la légalité du licenciement :
2. Considérant que la décision de licenciement pour insuffisance professionnelle attaquée repose sur les " difficultés principalement liées aux relations que (Mme E...estime) devoir entretenir avec l'ensemble du personnel consulaire ainsi qu'avec les partenaires de l'institution " sans que soit contestées les compétences techniques de l'intéressée à exercer ses fonctions dans le service comptable de l'établissement ; que, si la décision attaquée fait état de ces difficultés " depuis le début " de l'activité de l'intéressée au sein de la chambre d'agriculture G...-, il est constant que MmeE..., embauchée comme agent contractuel le 16 juin 1995 et titularisée le 1er janvier 1997 a été promue en dernier lieu chef de service le 10 juin 2003 ; que s'il ressort des pièces du dossier que Mme E...a entretenu des relations parfois difficiles avec plusieurs des agents de la trésorerie générale G...- successivement chargés des fonctions d'agent comptable de l'établissement, ces difficultés ne sont pas telles qu'elles révèleraient une inaptitude de l'intéressée à occuper son emploi dès lors que les attributions des uns et des autres seraient définies avec suffisamment de précision ou, à plus forte raison, un autre emploi au sein de la chambre d'agriculture précitée, ladite chambre conservant la possibilité de sanctionner l'intéressée au cas où elle ne respecterait pas les ordres qui lui seraient donnés ou de la muter dans l'intérêt du service ; qu'il ressort également des pièces du dossier que nombre des griefs plus précis venant illustrer l'attitude qui est reprochée à Mme E...sont postérieurs à un arrêt de maladie en janvier 2007 à l'issue duquel l'intéressée a été en large partie écartée de ses fonctions, et également postérieurs au déclenchement d'une première procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle, ces circonstances étant de nature à expliquer l'attitude " très formaliste " qui lui est reprochée, à savoir essentiellement l'envoi de nombreux courriers avec accusé de réception pour, du point de vue de l'intéressée, pointer les désaccords et donner sa version des faits ; qu'ainsi, si l'attitude de Mme E...n'est pas irréprochable et si certains des faits peuvent en outre donner lieu à sanction au cas où, dans le cadre d'une procédure disciplinaire contradictoire, ils seraient matériellement établis, ces faits isolés ainsi que l'attitude générale de l'intéressée ne peuvent être regardés comme caractérisant une insuffisance professionnelle de nature à justifier son licenciement ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, la décision attaquée est entachée d'illégalité et doit pour ce motif être annulée ;
Sur les conclusions indemnitaires :
3. Considérant que si Mme E...demande en appel comme en première instance d'ordonner à la chambre d'agriculture G...- de reconstituer sa carrière, de lui payer les salaires non versés depuis son licenciement et de condamner la chambre d'agriculture G...- à lui payer la somme de 70 000 euros pour licenciement abusif et 50 000 euros pour licenciement vexatoire avec harcèlement, elle doit être regardée comme demandant ainsi, outre l'injonction relative à la reconstitution administrative de sa carrière, la condamnation de son employeur à l'indemniser, à hauteur de 70 000 euros, du préjudice économique subi, ainsi que la condamnation dudit employeur à lui verser la somme de 50 000 euros au titre du préjudice moral subi de fait du licenciement et du harcèlement dans lequel s'est inscrite, selon la requérante, la décision de la licencier ; que cette demande ne présente pas, contrairement à ce que soutient le défendeur, un caractère forfaitaire de nature à la rendre irrecevable ; que si, lors du recours gracieux dirigé contre le licenciement, la demande indemnitaire a été présentée pour le cas où la chambre d'agriculture G...- ne retirerait pas sa décision, il est constant que ladite chambre d'agriculture n'a pas retiré sa décision ; qu'ainsi, les irrecevabilités opposées en première instance doivent être écartées ;
4. Considérant, d'une part, le licenciement de Mme E...étant annulé sur le fond, que la chambre d'agriculture G...- doit être condamnée, dans la limite
de 70 000 euros, à verser à MmeE..., au titre du préjudice économique subi, une indemnité représentative de la différence entre la rémunération que l'intéressée eût perçue si elle était demeurée en fonctions de la date de son éviction jusqu'à la date du présent arrêt et, les revenus d'activité ou de remplacement que l'intéressée a éventuellement perçus pendant cette même période ; que l'état de l'instruction ne permettant pas de déterminer exactement le montant de cette indemnité, il y a lieu de renvoyer l'intéressée devant la chambre d'agriculture G...- pour qu'il soit procédé à son calcul ;
5. Considérant, d'autre part, que si le harcèlement invoqué par la requérante n'est pas suffisamment établi pour justifier la condamnation de la chambre d'agriculture G...- à indemniser Mme E...à ce titre, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par l'intéressée du fait de son licenciement pour insuffisance professionnelle injustifié en condamnant ladite chambre d'agriculture à lui verser la somme de 10 000 euros à ce titre ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que Mme E...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Considérant que le présent arrêt implique nécessairement que la chambre d'agriculture G...- procède à la reconstitution administrative de la carrière de Mme E... depuis la date d'effet de son éviction ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre à ladite chambre de procéder à cette reconstitution de carrière ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeE..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la chambre d'agriculture G...- demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article susvisé, de mettre à la charge de la chambre d'agriculture G...- la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme E...et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 décembre 2010 et la décision du président de la chambre d'agriculture G...- du 27 mars 2008 sont annulés.
Article 2 : La chambre d'agriculture G...- est condamnée à verser à
Mme E...la somme de 10 000 (dix mille) euros au titre de son préjudice moral.
Article 3 : Mme E...est renvoyée devant la chambre d'agriculture G...- aux fins de liquidation, sur les bases indiquées dans le présent arrêt, de l'indemnité relative à son préjudice économique.
Article 4 : Il est enjoint à la chambre d'agriculture G...- de procéder à la reconstitution administrative de la carrière de MmeE....
Article 5 : La chambre d'agriculture G...- versera à Mme E...la somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Les conclusions de la chambre d'agriculture G...- tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...E..., à la chambre d'agriculture G...- et au préfet G...-.
Copie en sera adressée au trésorier payeur généralG....
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2013, à laquelle siégeaient :
- M. Gonzales, président de chambre,
- M. Renouf, président assesseur,
- M. Angéniol, premier conseiller.
Le rapporteur,
P. RENOUFLe président,
S. GONZALESLe greffier,
C. LAUDIGEOISLa République mande et ordonne au préfet G...- en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
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