Vu la requête, enregistrée le 19 mai 2009 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 09MA01780, présentée pour le centre hospitalier universitaire de Nîmes (CHU de Nîmes), représenté par son directeur et dont le siège est situé Place du professeur Robert Debré à Nîmes (30029), par Me Monceaux, et le mémoire complémentaire du 10 décembre 2012 ;
Le centre hospitalier universitaire de Nîmes demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0502834 du 26 mars 2009 par lequel le tribunal administratif de Nîmes l'a condamné à verser à la société Vallée la somme de 250 766,32 euros au titre du préjudice résultant du bouleversement du marché, et une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société Vallée devant le tribunal administratif de Nîmes ;
3°) à titre subsidiaire de condamner solidairement les sociétés Scau Zublena, Thales développement et coordination, Copibat et GFC construction à le garantir des éventuelles condamnations prononcées à son encontre ;
4°) à titre subsidiaire d'ordonner une expertise pour déterminer l'origine des retards pris et déterminer l'imputabilité de ces retards ;
5°) de condamner tout défaillant à lui verser une somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 décembre 2012 :
- le rapport de M. Marcovici, président assesseur,
- les conclusions de Mme Markarian, rapporteur public,
- et les observations de Me Monceaux représentant le CHU de Nîmes, de Me Garnier représentant la société Vallée, de Me Roger représentant la société Thales développement et coopération, de Me Griffiths représentant la société GFC construction et de Me Escudié représentant la société Iosis management ;
1. Considérant que par un marché conclu par acte d'engagement du 15 décembre 1996 le centre hospitalier universitaire de Nîmes a confié à la société Vallée le lot n° 8 " faux plafonds " concernant la construction de l'hôpital Caremeau 2 et la rénovation de la partie existante de l'hôpital, pour un montant total, avec les avenants 1 à 9, selon le décompte général, de 2 363 668,38 euros HT ; que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a condamné le centre hospitalier universitaire à verser à la société Vallée 250 766,32 euros TTC au titre de l'allongement de la durée du chantier ; que le centre hospitalier universitaire de Nîmes demande l'annulation du jugement ;
Sur la recevabilité de l'appel :
2. Considérant, en tout état de cause, que le centre hospitalier universitaire de Nîmes ne s'est pas borné, dans sa requête d'appel, à reproduire intégralement et exclusivement le texte du mémoire en défense qu'il a produit en première instance ; que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la requête d'appel serait irrecevable, faute d'être suffisamment motivée ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
3. Considérant qu'aux termes des clauses du cahier des clauses administratives générales travaux : 13.44. (...) Si la signature du décompte général est refusée ou donnée sans réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par l'entrepreneur dans un mémoire de réclamation qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires en reprenant sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif ; ce mémoire doit être remis au maître d'oeuvre dans le délai Indiqué au premier alinéa du présent article, Le règlement du différend intervient alors suivant les modalités indiquées à l'article 50. Si les réserves sont partielles l'entrepreneur est lié par son acceptation implicite des éléments du décompte sur lesquels ces réserves ne portent pas. (...). 50.3. Procédure contentieuse : 50.31. Si, dans le délai de trois mois à partir de la date de réception, par la personne responsable du marché, de la lettre ou du mémoire de l'entrepreneur mentionné aux 21 et 22 du présent article, aucune décision n'a été notifiée à l'entrepreneur ou si celui ci n'accepte pas la décision qui lui a été notifiée, l'entrepreneur peut saisir le tribunal administratif compétent. Il ne peut porter devant cette juridiction que les chefs et motifs de réclamation énoncés dans la lettre ou le mémoire remis à la personne responsable du marché. 50.32. Si, dans le délai de six mois à partir de la notification à l'entrepreneur de la décision prise conformément au 23 du présent article sur les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, l'entrepreneur n'a pas porté ses réclamations devant le tribunal administratif compétent, il est considéré comme ayant accepté ladite décision et toute réclamation est irrecevable. Toutefois, le délai de six mois est suspendu en cas de saisine du comité consultatif de règlement amiable dans les conditions du 4 du présent article ;
4. Considérant qu'il résulte de ces clauses que le silence gardé sur le mémoire adressé par le titulaire du marché contestant le décompte général fait naître une décision implicite de rejet qui peut faire l'objet d'un recours devant la juridiction administrative sans condition de délai ; qu'en l'espèce, la société Vallée a, par un mémoire de réclamation notifié le 1er septembre 2004 au centre hospitalier universitaire de Nîmes, contesté le décompte général qui lui avait été notifié le 19 juillet 2004 ; que le silence gardé par le centre hospitalier a fait naître une décision implicite de rejet de la réclamation ; que la requête enregistrée le 25 mai 2005 n'étant pas tardive, la fin de non recevoir opposée par le centre hospitalier universitaire de Nîmes ne peut qu'être écartée ;
Sur le fond :
5. Considérant que les difficultés exceptionnelles et imprévisibles rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à une indemnité au profit des entrepreneurs que dans la mesure où ceux-ci justifient soit que ces difficultés ont eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à un fait de l'administration ;
Sur l'appel principal :
6. Considérant, comme l'a jugé le tribunal administratif de Nîmes, que la société Vallée devait initialement intervenir sur le chantier de janvier 1999 à juillet 1999 puis de septembre 1999 à mai 2000 puis de septembre 2000 à janvier 2001, alors qu'elle a dû intervenir en continu de janvier 1999 à mai 2002 puis d'octobre 2002 à avril 2003 ; que de telles modifications dans le calendrier d'intervention constituent, pour la société Vallée, chargée des faux plafonds, des difficultés exceptionnelles et imprévisibles ; qu'il ressort du rapport d'expertise que si le dépassement global du délai contractuel a été de 33,5 mois, les modifications du projet demandées par le centre hospitalier auraient occasionné un retard de 13 mois, alors que, selon l'expert, dont les conclusions ne sont pas discutées, l'allongement du délai contractuel non imputable au centre hospitalier et pouvant être mis à la charge des autres intervenants dans l'acte de construire est de 20,5 mois, arrondi à 20 mois ; qu'il résulte de l'instruction qu'eu égard à ses conséquences financières, le retard a eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat ; que, dès lors, la société Vallée est fondée à mettre en cause la responsabilité du centre hospitalier pour le préjudice résultant pour elle du retard d'exécution de son marché ;
7. Considérant, comme l'a jugé le tribunal administratif de Nîmes, que le montant définitif du marché est de 2 363 668,38 euros HT ; que le préjudice, dont il n'est pas allégué que le tribunal administratif de Nîmes aurait fait une appréciation excessive, de 209 670 84 euros HT, résultant de l'allongement de la durée du chantier représente une augmentation du coût du marché, qui, rapproché du montant dudit marché, constitue un bouleversement de son économie ;
8. Considérant que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve et qu'elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage ; que si elle interdit, par conséquent, au maître de l'ouvrage d'invoquer, après qu'elle a été prononcée, et sous réserve de la garantie de parfait achèvement, des désordres apparents causés à l'ouvrage ou des désordres causés aux tiers, dont il est alors réputé avoir renoncé à demander la réparation, elle ne met fin aux obligations contractuelles des constructeurs que dans cette seule mesure ; qu'ainsi la réception demeure, par elle-même, sans effet sur les droits et obligations financiers nés de l'exécution du marché, à raison notamment de retards ou de travaux supplémentaires, dont la détermination intervient définitivement lors de l'établissement du solde du décompte définitif ; que seule l'intervention du décompte général et définitif du marché a pour conséquence d'interdire au maître de l'ouvrage toute réclamation à cet égard ; que le maître de l'ouvrage peut cependant rechercher la responsabilité du maître d'oeuvre au titre des fautes que ce dernier a commises lors de l'établissement du décompte général et définitif du marché de travaux ; que, dès lors, la fin de non recevoir opposée par la société Thales développement et coopération et tirée de ce que le maître de l'ouvrage serait irrecevable, du fait de l'intervention du décompte du marché de maîtrise d'oeuvre, à appeler le maître d'oeuvre en garantie dans le cadre d'un litige contractuel opposant le maître de l'ouvrage à l'entrepreneur et relatif à l'établissement, après réception sans réserve de l'ouvrage, du décompte général et définitif doit être écartée ; que la fin de non recevoir opposée par la société GFC construction doit également être écartée ;
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert nommé par les premiers juges, que les retards de 20 mois dans les travaux de la société requérante sont dus pour environ 2 mois aux faits de la société GFC construction et de la maîtrise d'oeuvre ; qu'en conséquence ces dernières devront garantir solidairement le centre hospitalier universitaire à hauteur de 10 % de la condamnation d'un montant de 250 766,32 euros TTC prononcée à son encontre, soit 25 076,63 euros TTC, les 90 % restant résultant des difficultés propres au chantier et devant donc demeurer à la charge du centre hospitalier ; qu'en revanche la société Copibat n'ayant commis aucune faute, il y a lieu de rejeter la demande tendant à ce qu'elle garantisse le centre hospitalier universitaire des condamnations qu'il encourt ;
10. Considérant que la société GFC construction demande à se voir garantie par le groupement SCAU Zublena et SNC Sogelerg ingénierie aujourd'hui société Thales développement et coopération et que le groupement demande à se voir garanti par la société GFC construction ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert nommé par les premiers juges, que le retard de 2 mois est imputable pour 60 % à la société GFC construction et pour 40 % au groupement SCAU Zublena et SNC Sogelerg ingénierie aujourd'hui société Thales développement et coopération ; qu'il en résulte que la part de responsabilité de 10 % devra être supportée à hauteur de, respectivement, 60 % par la société GFC construction, soit 15 045,97 euros TTC et 40 % par la maîtrise d'oeuvre, à savoir le groupement SCAU Zublena et SNC Sogelerg ingénierie aujourd'hui société Thales développement et coopération, soit 10 030,65 euros TTC ; qu'il y a lieu de réformer le jugement attaqué dans cette mesure ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant qu'il n'y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit à aucune des conclusions fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : La société GFC construction, la SCAU Zublena et la société Thales développement et coopération sont solidairement condamnées à garantir le centre hospitalier universitaire de Nîmes à hauteur de 10 % de la condamnation d'un montant de 250 766,32 euros TTC (deux cent cinquante mille sept cent soixante-six euros et trente-deux centimes) prononcée à son encontre.
Article 2 : La société GFC construction garantira le centre hospitalier universitaire de Nîmes à hauteur de 60 % de la part de 10 % mentionnée à l'article 1er du présent arrêt, soit une somme de 15 045,97 euros TTC (quinze mille quarante-cinq euros et quatre-vingt-dix-sept centimes), et la SCAU Zublena et la société Thales développement et coopération à hauteur de 40 % de la part de 10%, soit 10 030,65 euros TTC (dix mille trente euros et soixante-cinq centimes).
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 26 mars 2009 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête du centre hospitalier universitaire de Nîmes est rejeté.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la société Thales développement et coopération et de la société GFC construction est rejeté.
Article 6 : Les conclusions des parties fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire de Nîmes, à la société Vallée, à la société Thales développement et coopération, à la société GFC construction, à la SCAU Zublena et à la société Iosis management.
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