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21/12/2012 | FRANCE | N°11MA03656

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 21 décembre 2012, 11MA03656


Vu la requête, enregistrée le 15 septembre 2011, présentée pour la SAS Distribution Norbert Dentressangle, venant aux droits de la SAS Vendilog, dont le siège social est situé quartier des Pierrelles Beausemblant (26240), par le cabinet Autric-de-Lepinau ;

La SAS Distribution Norbert Dentressangle demande à la Cour :

1°) de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision définitive du juge judiciaire au regard de l'application des dispositions, d'une part, de l'article L. 1224-1 du code du travail relatives au transfert d'entreprise et, d'autre part, du respect de l'

employeur de l'obligation de reclassement ;

2°) d'annuler le jugement...

Vu la requête, enregistrée le 15 septembre 2011, présentée pour la SAS Distribution Norbert Dentressangle, venant aux droits de la SAS Vendilog, dont le siège social est situé quartier des Pierrelles Beausemblant (26240), par le cabinet Autric-de-Lepinau ;

La SAS Distribution Norbert Dentressangle demande à la Cour :

1°) de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision définitive du juge judiciaire au regard de l'application des dispositions, d'une part, de l'article L. 1224-1 du code du travail relatives au transfert d'entreprise et, d'autre part, du respect de l'employeur de l'obligation de reclassement ;

2°) d'annuler le jugement n° 0806289 du 12 juillet 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 11 juillet 2008 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité a autorisé le licenciement de Mme Marie-Laure A ;

3°) de rejeter la demande présentée par Mme A devant le tribunal ;

4°) de mettre à la charge de Mme A la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 décembre 2012 :

- le rapport de Mme Paix, président assesseur ;

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;

- et les observations de Me Marino-Philippe pour la SA NDT et de Me Delord, pour Mme A ;

1. Considérant que la SAS Vendilog, appartenant au groupe Norbert Dentressangle, exerçait une activité de prestation de dépôt de marchandises et de services logistiques aux entreprises lorsque, dans le cadre d'une restructuration de ses activités, elle a sollicité l'autorisation de licencier Mme A, préparatrice de commandes et salariée protégée eu égard à ses mandats de déléguée syndicale, de déléguée du personnel et de membre du comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail ; que, par décision du 6 février 2008, l'inspectrice du travail de la 2e section d'inspection des Bouches-du-Rhône a refusé d'accorder l'autorisation sollicitée ; que, saisi d'un recours hiérarchique par la SAS Vendilog, le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité a annulé la décision de l'inspectrice du travail et a autorisé le licenciement de Mme A, par une décision du 11 juillet 2008 ; que la SAS Distribution Norbert Dentressangle, venue aux droits de la SAS Vendilog, a interjeté appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité autorisant le licenciement de Mme A ; que la SA NDT vient elle-même aux droits de la SAS Distribution Norbert Dentressangle ;

Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à statuer :

2. Considérant que la SAS Distribution Norbert Dentressangle a demandé à la Cour de surseoir à statuer dans la mesure où le jugement du conseil des prud'hommes d'Arles du 28 septembre 2010 rendu relativement à d'autres salariés de l'entreprise, et qui se prononce sur l'application des dispositions de l'alinéa 2 de l'article L. 122-12 ancien du code du travail, a été frappé d'appel ; que la SA NDT reprend ces conclusions ; que, toutefois, par un arrêt du 25 mai 2012, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé le jugement du conseil des prud'hommes ; que, si cet arrêt a été lui-même frappé d'un pourvoi, les éléments de fait figurant au dossier permettent, en toute hypothèse, à la Cour, sans excéder la compétence qui est la sienne, de se prononcer sur la qualité d'employeur de la SAS Vendilog au regard des dispositions de l'article L. 122-12 ancien du code du travail, reprises à l'article L. 1224-1 du même code ; que, dans ces conditions, la demande tendant à ce qu'il soit sursis à statuer doit être rejetée ;

Sur la régularité du jugement :

3. Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, les premiers juges ne se sont fondés sur le jugement du 28 septembre 2010 du conseil des prud'hommes d'Arles qu'à titre surabondant ; que, par suite, le jugement attaqué ne peut être assimilé à un jugement par référence qui ne répondrait pas aux exigences de motivation ; qu'il en résulte que le moyen tiré par la requérante de l'irrégularité du jugement attaqué doit être rejeté ;

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions qu'il exerce normalement ni avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement ; que l'administration, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, doit vérifier que cette demande est présentée par l'employeur de ce salarié ou par une personne ayant qualité pour agir en son nom ;

5. Considérant qu'en vertu des dispositions du second alinéa de l'article L. 122-12 du code du travail reprises à compter du 1er mai 2008 à l'article L. 1224-1 du même code : " S'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous contrats de travail en cours, au jour de la modification, subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise " ; que ces dispositions trouvent à s'appliquer en cas de transfert par un employeur à un autre employeur d'une entité économique autonome, conservant son identité, et dont l'activité est poursuivie et reprise par le nouvel employeur ; que constitue une entité économique un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels et incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par convention en date du 30 avril 2004, la SNC Kiabi Logistique et la SAS Vendilog ont décidé de procéder, d'une part, à la cession du fonds de commerce comprenant l'unité d'activité du site d'Arles, et d'autre part, à la conclusion d'un contrat de dépôt et de prestations de services, pour une durée de trois ans ; que l'article 3.4 de cette convention prévoyait que la SAS Vendilog réaliserait les prestations prévues au contrat avec le concours de l'ensemble des salariés transférés par application de l'article L. 122-12 du code du travail ; que le tribunal a fait droit à la demande de Mme A au motif que, nonobstant les stipulations de l'article 3.4 de la convention, la SAS Vendilog ne pouvait être regardée comme l'employeur de l'intéressée et n'avait pas qualité pour solliciter auprès de l'administration l'autorisation de la licencier ;

7. Considérant, en premier lieu, que pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 122-12, reprises à l'article L. 1224-1, du code du travail, la seule exécution d'une convention de prestations de services n'implique pas, en l'absence de transfert d'éléments corporels et incorporels autres que cette convention, l'existence d'un transfert d'une entité économique autonome ; que Mme A affirme sans être contredite que la cession du fonds de commerce initialement envisagée par la convention n'a jamais été réalisée ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que des éléments corporels ou incorporels, autres que la convention du 30 avril 2004, aient été transférés entre la SNC Kiabi Logistique et la SAS Vendilog, ou que soit intervenue, sous une autre forme, une quelconque modification dans la situation juridique de l'employeur caractérisant le transfert de la SNC Kiabi Logistique à la SAS Vendilog d'une entité économique autonome et impliquant que cette dernière société soit devenue le nouvel employeur de Mme A ;

8. Considérant, en second lieu, que le transfert d'un salarié d'une société à une autre constitue une modification du contrat de travail qui ne peut intervenir sans l'accord du salarié ; qu'il n'est pas contesté que Mme A n'a jamais consenti au transfert de son contrat de travail ;

9. Considérant que, dans ces conditions, le transfert du contrat de travail de Mme A de la SNC Kiabi Logistique à la SAS Vendilog ne peut être regardé comme étant légalement intervenu ; qu'en outre, le moyen selon lequel la SAS Vendilog aurait formulé de bonne foi la demande d'autorisation de licenciement dans la mesure où elle estimait être l'employeur de Mme A et où elle en aurait eu l'apparence ne peut qu'être écarté dès lors que cette appréciation erronée portée par la SAS Vendilog sur sa situation ne pouvait faire échec à l'application de la législation du travail ; que, par suite, la SAS Vendilog, qui n'était pas l'employeur de Mme A, n'avait pas qualité pour demander au ministre du travail l'autorisation de licencier cette dernière ; qu'il en résulte que le ministre ne pouvait autoriser le licenciement sollicité par la société ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA NDT, venant aux droits de la SAS Distribution Norbert Dentressangle, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité autorisant le licenciement de Mme A ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

12. Considérant que les dispositions de cet article s'opposent à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de Mme A, qui n'est pas la partie perdante ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SA NDT, venant aux droits de la SAS Distribution Norbert Dentressangle, le versement à Mme A de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Distribution Norbert Dentressangle, aux droits de laquelle vient la SA NDT, est rejetée.

Article 2 : La SA NDT, venant aux droits de la SAS Distribution Norbert Dentressangle versera à Mme A la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SA NDT, venant aux droits de la SAS Distribution Norbert Dentressangle, à Mme Marie-Laure A et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

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N° 11MA003656

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11MA03656
Date de la décision : 21/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-07-01-04 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation.


Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: Mme Evelyne PAIX
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : CABINET AUTRIC - DE LEPINAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-12-21;11ma03656 ?
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