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21/12/2012 | FRANCE | N°10MA02867

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 21 décembre 2012, 10MA02867


Vu la requête, enregistrée le 23 juillet 2010, présentée pour M. Joachim B, demeurant ..., par Me Hanson ; M. B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800513 du 27 mai 2010 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Nîmes à réparer l'intégralité des préjudices résultant de son hospitalisation du 25 au 28 juin 2006, après expertise ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance, de désigner un nouvel expert et de lui accorder une provision de 3 000 euros à valoi

r sur la réparation de son préjudice moral ;

3°) subsidiairement de condamner le ...

Vu la requête, enregistrée le 23 juillet 2010, présentée pour M. Joachim B, demeurant ..., par Me Hanson ; M. B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800513 du 27 mai 2010 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Nîmes à réparer l'intégralité des préjudices résultant de son hospitalisation du 25 au 28 juin 2006, après expertise ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance, de désigner un nouvel expert et de lui accorder une provision de 3 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice moral ;

3°) subsidiairement de condamner le centre hospitalier universitaire de Nîmes à lui verser la somme de 30 000 euros au titre de son préjudice moral et de la réparation de son pretium doris ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Nîmes la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 décembre 2012 :

- le rapport de Mme Menasseyre, rapporteure,

- les conclusions de Mme Fedi, rapporteure publique,

1. Considérant que M. B a été victime, le 25 juin 2009, d'un choc anaphylactique lors d'une coronarographie effectuée au centre hospitalier universitaire de Nîmes ; qu'il relève appel du jugement du 27 mai 2010 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a, après avoir ordonné par jugement avant dire droit une expertise, rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Nîmes à réparer l'intégralité des préjudices résultant de cet accident ;

Sur les conclusions principales, tendant à la réalisation d'une nouvelle expertise :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 621-7 du code de justice administrative relatif aux opérations d'expertise : " Les parties sont averties par le ou les experts des jours et heures auxquels il sera procédé à l'expertise (...) / Les observations faites par les parties, dans le cours des opérations, sont consignées dans le rapport (...) " ; qu'aux termes du second alinéa de l'article R. 621-9 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le rapport est notifié, en copie, aux parties intéressées. Elles sont invitées à fournir leurs observations dans le délai d'un mois ; une prorogation de délai peut être accordée. " ;

3. Considérant, en premier lieu, que l'expert a établi son rapport le 2 octobre 2009 ; qu'il a déposé son rapport au greffe du tribunal administratif le 7 octobre 2009 ; qu'il n'était dès lors pas tenu de consigner dans son rapport le dire du conseil de M. B en date du 7 octobre 2009, dès lors que ce dire ne peut, compte tenu de sa date, être regardé comme ayant été fait dans le cours des opérations d'expertise ; que si les parties devaient être et ont effectivement été mises à même de fournir sur le rapport d'expertise les observations prévues par l'article R. 621-9 du code de justice administrative, aucune disposition n'imposait à l'expert de répondre aux observations que lui avaient adressées les parties sur le rapport qu'il leur avait communiqué ;

qu'il résulte au demeurant de l'instruction que l'expert a, par courrier du 5 mars 2010, répondu à ces observations ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que le conseil de M. B a adressé, le 14 septembre 2009, un dire à expert soulignant l'inexactitude de la mention figurant dans le pré rapport d'expertise, selon laquelle les antécédents allergiques du patient n'avaient pas été portés à la connaissance de l'hôpital ; que l'expert n'a pas annexé ce dire à son rapport ni n'en a fait état ; qu'il a toutefois, à la suite de ce dire, modifié son pré rapport et indiqué dans son rapport définitif que " le patient avait déclaré un antécédent d'allergie à l'équipe soignante du service de cardiologie ", en indiquant de façon précise le document sur lequel il fondait cette affirmation ; que si, en s'abstenant de faire état dans son rapport définitif, du dire qui lui avait été adressé le 14 septembre 2009, l'expert a manqué aux prescriptions de l'article R. 621-7 du code de justice administrative, ce manquement n'a pas, en l'espèce, revêtu le caractère d'une irrégularité substantielle de nature à entacher d'irrégularité les opérations d'expertise dès lors, d'une part, que si l'expert n'a pas mentionné cette observation, il en a tenu compte au point de se l'approprier et, d'autre part, qu'il a clairement fait apparaître dans son rapport la nature et la teneur du document sur lequel il fondait sa nouvelle appréciation ;

5. Considérant, en troisième lieu, que s'il est également reproché à l'expert de ne pas avoir complètement rempli sa mission faute d'avoir chiffré les préjudices de la victime, il résulte des termes même du jugement avant dire droit définissant la mission de l'expert qu'il ne lui appartenait de procéder à un tel chiffrage que " le cas échéant " ; que, dès lors que l'expert estimait que les préjudices de la victime étaient sans lien avec l'accident, il a pu valablement s'abstenir de se prononcer sur cette partie de sa mission ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que si le rapport d'expertise comporte des erreurs sur la taille et le poids du patient, son tabagisme et mentionne à tort des antécédents de coliques néphrétiques, ces erreurs, si fâcheuses soient-elles, ne portent pas sur le coeur de la mission de l'expert, auquel il était principalement demandé de se prononcer sur les conséquences sur l'état de santé de M. B du choc anaphylactique survenu le 25 juin 2006 ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces erreurs, regrettables, aient affecté le sens de ses conclusions ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B n'est pas fondé à demander la réalisation d'une nouvelle expertise ;

Sur les conclusions subsidiaires, tendant à la réparation des préjudices de M. B :

En ce qui concerne l'existence d'une faute :

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment de la mention sur les fiches de transmission ciblées remplies par les infirmières du service de cardiologie que M. B avait signalé auprès de l'équipe soignante ses antécédents d'allergie aux produits de contraste iodés ; qu'il résulte également de l'instruction, ainsi que le souligne le centre hospitalier, que l'état de santé de l'intéressé n'était pas bon depuis des années et qu'il souffrait, notamment, de diabète et d'une insuffisance coronarienne, qui induisaient l'administration de nombreux médicaments, ainsi qu'en atteste la fiche de prescription de l'hôpital versée aux débats et faisant apparaître la prescription de onze produits différents ; qu'il résulte également de la fiche d'observation médicale qui figure au dossier que c'est seulement après la survenue du choc anaphylactique, qu'il a été envisagé de prendre l'avis d'un allergologue et de prendre connaissance des compte-rendus des précédents examens effectués au centre hospitalier d'Avignon ; qu'il résulte enfin de l'instruction que, postérieurement, et moyennant une prise en charge adaptée, qui s'est étalée sur plusieurs jours, M. B a pu subir dans de bonnes conditions une coronarographie sans complication allergique ; que, dans ce contexte et alors même que l'hôpital avait réalisé une prémédication antiallergique, par Atarax et Medrol, il ne résulte pas de l'instruction que cette seule prémédication ait correspondu, en l'absence d'urgence, à une prise en charge adaptée d'un patient fragile, qui avait signalé ses antécédents et auquel une réponse mieux adaptée pouvait être dispensée ; que, dans ces conditions, la sous estimation lors de la prescription et de la réalisation de l'examen radiologique en cause, des risques que faisait courir à l'appelant l'utilisation de produits de contraste iodés constitue une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier ;

9. Considérant que, à supposer même que les séquelles organiques dont se plaint M. B aient été sans lien avec cette faute, l'intéressé a demandé, devant les premiers juges, la réparation du traumatisme qu'il a subi à l'occasion de ce choc anaphylactique et de l'angoisse de mort imminente qui l'a accompagné ; que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que cette angoisse, qu'ils ont qualifiée de légitime, n'était pas de nature à ouvrir doit à réparation ;

10. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif, d'examiner les moyens soulevés par l'appelant tant devant elle que devant les premiers juges ; qu'il lui appartient également, avant de faire droit à ses conclusions, de répondre à tous les moyens opérants présentés devant les premiers juges par le centre hospitalier universitaire de Nîmes, qui n'en a expressément abandonné aucun et ce alors même que ces moyens ont été expressément écartés par le jugement attaqué et ne sont pas repris en appel par l'intimé ;

En ce qui concerne les fins de non recevoir opposées par le centre hospitalier universitaire de Nîmes :

11. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'examen des pièces du dossier de première instance que, dans le dernier état de ses écritures, M. B, qui, à titre principal, se réservait de chiffrer son préjudice au vu des conclusions de l'expertise qu'il demandait au tribunal administratif d'ordonner, a néanmoins chiffré les conclusions indemnitaires qu'il présentait à titre subsidiaire ; qu'il en résulte que la fin de non-recevoir tirée du défaut de chiffrage de ces conclusions ne saurait être accueillie ;

12. Considérant, en second lieu, que le moyen selon lequel M. B se serait abstenu de mentionner sa qualité d'assuré social, circonstance qui est d'ailleurs sans influence sur la recevabilité de sa requête de première instance, manque, en tout état de cause, en fait, dès lors qu'il résulte de l'examen des pièces du dossier que M. B a clairement mentionné son rattachement à la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse, en précisant son numéro d'affiliation ;

En ce qui concerne les préjudices :

S'agissant des préjudices à caractère patrimonial :

13. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B est affilié à la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse ; que la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes, agissant pour le compte de cette dernière, se borne à indiquer qu'elle produira un

décompte ultérieurement ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, au vu de ces seuls éléments, que l'incident survenu le 25 juin 2009 soit à l'origine d'un préjudice à caractère patrimonial ;

S'agissant des préjudices à caractère personnel :

14. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le choc anaphylactique subi par M. B a été correctement pris en charge par le centre hospitalier et que les séquelles fonctionnelles dont il se plaint, correspondant à une baisse de son acuité visuelle et auditive et à des difficultés respiratoires sont sans lien avec les conséquences de cet incident ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que la corticothérapie rendue nécessaire dans les suites immédiates de l'incident a été à l'origine d'un déséquilibre transitoire de son diabète ; que M. B a, en outre, éprouvé, sur le moment et par la suite un vif et légitime sentiment d'angoisse ; qu'il sera fait une juste appréciation des troubles subis par l'appelant en condamnant le centre hospitalier à lui verser la somme de 1 500 euros ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ;

Sur les frais d'expertise :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les moyens de la requête ;

16. Considérant que le tribunal ne s'est pas prononcé sur la dévolution des frais de l'expertise qu'il avait ordonnée et a ainsi méconnu la règle applicable même sans texte à toute juridiction administrative, qui lui impartit, sauf dans le cas où un incident de procédure y ferait obstacle, d'épuiser son pouvoir juridictionnel ; que, par suite, il y a lieu d'annuler dans cette mesure le jugement attaqué, d'évoquer sur ce point et de statuer sur la charge des frais d'expertise ;

17. Considérant que dans les circonstances particulières de l'espèce il y a lieu de mettre ces frais, liquidés et taxés à la somme de 450 euros TTC par ordonnance du président du tribunal administratif de Nîmes en date du 12 octobre 2009 à la charge du centre hospitalier universitaire de Nîmes ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Nîmes, tenu aux dépens, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 27 mai 2010 est annulé.

Article 2 : Le centre hospitalier de Nîmes est condamné à verser à M. B une somme de 1 500 euros au titre de la réparation des conséquences dommageables du choc anaphylactique survenu le 25 juin 2009.

Article 3 : Le centre hospitalier universitaire de Nîmes versera à M. B une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les frais de l'expertise ordonnée en première instance, liquidés et taxés à la somme de 450 euros TTC sont mis à la charge du centre hospitalier universitaire de Nîmes.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B et les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes pour le compte de la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse sont rejetés.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Joachim B, au centre hospitalier de Nîmes, à la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse et à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes Alpes.

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