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17/12/2012 | FRANCE | N°11MA00354

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 17 décembre 2012, 11MA00354


Vu la requête, enregistrée le 27 janvier 2011, présentée pour M. Karen B demeurant ..., par la SCP d'avocats Tarlier-Reche ; M. Karen B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004187 en date du 21 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 août 2010 du préfet de l'Aude lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant l'Arménie comme pays de destination ;

2°) d'annuler ledit arrêté ; >
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aude de lui délivrer un titre de séjour temporaire ;...

Vu la requête, enregistrée le 27 janvier 2011, présentée pour M. Karen B demeurant ..., par la SCP d'avocats Tarlier-Reche ; M. Karen B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004187 en date du 21 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 août 2010 du préfet de l'Aude lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant l'Arménie comme pays de destination ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aude de lui délivrer un titre de séjour temporaire ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Vu la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 novembre 2012,

- le rapport de Mme Massé-Degois, rapporteure,

1. Considérant que M. Karen B relève appel du jugement du 21 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 août 2010 du préfet de l'Aude lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant l'Arménie comme pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe de la décision :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : "Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision" ; qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " I - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation " ; qu'enfin, selon l'article L. 513-2 du même code : " L'étranger qui est obligé de quitter le territoire français ou qui doit être reconduit à la frontière est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité (...) ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;

3. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté litigieux en tant qu'il porte refus de titre de séjour mentionne, outre la date d'arrivée irrégulière en France de M.Karen B, sa nationalité ainsi que le fondement de la présentation de sa demande d'admission au séjour, en l'occurrence, les articles L. 741-1 à L. 741-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'arrêté litigieux précise, par ailleurs, que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la commission des recours lui ont refusé la qualité de réfugié par décisions en date des 2 octobre 2009 et 13 juillet 2010 ; qu'enfin, l'arrêté indique, après avoir visé la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et notamment ses articles 3 et 8, que l'intéressé, après examen attentif de sa situation, n'entrait dans aucun autre cas d'attribution d'un titre de séjour en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que le refus de sa demande ne contrevenait pas aux stipulations des articles 3 et 8 précités ; que, dans ces conditions, l'arrêté attaqué, en tant qu'il porte refus de titre de séjour, comporte un énoncé suffisamment précis des éléments de fait et de droit qui en constituent le fondement et est donc suffisamment motivé au regard des exigences de la loi susvisée du 11 juillet 1979 ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable au présent litige que la décision préfectorale contestée, en tant qu'elle porte obligation de quitter le territoire français, n'avait pas à faire l'objet d'une motivation ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée est inopérant ;

5. Considérant, en troisième lieu, que la décision par laquelle le préfet fixe le pays de destination auprès duquel sera reconduit l'étranger s'il ne satisfait pas à l'obligation de quitter le territoire français constitue une mesure de police qui doit, en principe, être motivée en fait comme en droit en vertu des dispositions sus-rappelées de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; que, d'une part, si la motivation de fait de la décision fixant le pays de destination ne se confond pas nécessairement avec celle obligeant l'étranger à quitter le territoire, la motivation en droit de ces deux décisions est identique et résulte des termes mêmes de l'article L. 511-1 précité ; que le législateur ayant décidé par l'article 41 de la loi du 20 novembre 2007 de dispenser l'administration de viser la disposition législative qui fonde l'obligation de quitter le territoire, cette dispense s'attache, dans la même mesure, à la décision fixant le pays de destination fondée sur la même disposition législative ; qu'ainsi, l'arrêté attaqué visant l'article L. 511-1-I précité, M. B n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination n'est pas suffisamment motivée en droit ; que, d'autre part, la décision litigieuse en tant qu'elle fixe l'Arménie comme pays de destination comporte les éléments de fait sur lesquels elle se fonde ; qu'ainsi, après avoir rappelé que M. Karen B, de nationalité arménienne, avait sollicité son admission au séjour au titre de l'asile et fait référence à la décision de l'Office français de protection de réfugiés apatrides ainsi qu'à celle de la Commission des recours qui lui ont refusé la qualité de réfugié, la décision en litige a précisé que le refus ne méconnaissait pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, elle est suffisamment motivée en fait ;

Sur la légalité interne de la décision :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ; que ces dispositions font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

7. Considérant que M. Karen B, dont la demande d'asile a été rejetée par une décision du 2 octobre 2009 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides confirmée le 13 juillet 2010 par la cour nationale du droit d'asile, soutient être exposé à un danger en cas de retour dans son pays d'origine au motif que sa famille est originaire d'un village composé à 80 % d'Azéries et que les relations entre les communautés d'origine azerbaïdjanaise et celles d'origine arménienne étant extrêmement difficiles, les représailles peuvent être sanglantes ; qu'il invoque, par ailleurs, le contexte géopolitique particulièrement complexe et tendu de cette région ; que, toutefois, les éléments produits par le requérant, notamment le récit écrit et traduit en langue française qu'il a fait de sa vie en Arménie et le déroulement de l'entretien devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ainsi qu'une copie d'une notification datée du 7 avril 2009 du directeur du service des passeports et visas du bureau des affaires intérieures de Boudennovsk en Russie lui faisant injonction de quitter le territoire russe ne permettent pas d'établir la réalité des risques qu'il allègue personnellement encourir dans son pays ; que, par ailleurs, ni " les différents rapports d'Amnesty international établis à une date récente" invoqués par M. Karen B, au demeurant non versés à l'instance, ni les circonstances alléguées du décès accidentel de sa soeur à l'âge de six ans en Arménie lors de la visite de policiers au domicile familial ne permettent également d'établir la réalité et le caractère personnel des risques encourus en cas de retour en Arménie ; que, par suite, la décision fixant le pays de destination n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;

8. Considérant, enfin, que si M. B soutient que la décision en tant qu'elle fixe l'Arménie comme pays de destination porte atteinte à sa vie privée et familiale, il n'apporte à l'appui de cette allégation aucun élément de nature à l'établir ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;

10. Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de M. B, tendant à ce que la Cour enjoigne au préfet de l'Aude de lui délivrer un titre de séjour ne peuvent qu'être rejetées ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Karen B et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aude.

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N° 11MA00354


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11MA00354
Date de la décision : 17/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: Mme FEDI
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS TARLIER - RECHE - GUILLE MEGHABBAR

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-12-17;11ma00354 ?
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