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23/10/2012 | FRANCE | N°12MA02383

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 23 octobre 2012, 12MA02383


Vu, enregistré au service de l'exécution des décisions de justice de la cour administrative d'appel de Marseille le 19 décembre 2011, le mémoire en date du 16 décembre 2011, présenté par Me Ottan, avocat, pour Mme Martine A, demeurant ... qui saisit la Cour d'une demande tendant :

1°) à obtenir l'exécution du jugement n° 0800480 rendu par le tribunal administratif de Montpellier le 7 juillet 2010 et confirmé par l'arrêt n° 10MA03227-10MA03228 de la Cour de céans en date du 18 janvier 2011 ;

2°) à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la chamb

re régionale des métiers du Languedoc-Roussillon en application de l'article L...

Vu, enregistré au service de l'exécution des décisions de justice de la cour administrative d'appel de Marseille le 19 décembre 2011, le mémoire en date du 16 décembre 2011, présenté par Me Ottan, avocat, pour Mme Martine A, demeurant ... qui saisit la Cour d'une demande tendant :

1°) à obtenir l'exécution du jugement n° 0800480 rendu par le tribunal administratif de Montpellier le 7 juillet 2010 et confirmé par l'arrêt n° 10MA03227-10MA03228 de la Cour de céans en date du 18 janvier 2011 ;

2°) à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la chambre régionale des métiers du Languedoc-Roussillon en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les décisions de justice dont l'exécution est demandée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le statut du personnel administratif des chambres des métiers ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 octobre 2012 :

- le rapport de M. Brossier, rapporteur,

- les conclusions de Mme Hogedez, rapporteur public,

- et les observations de Me Ottan pour Mme A et de Me Girard pour la chambre régionale des métiers du Languedoc-Roussillon ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : "En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. (...) Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à sa définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte." ;

Considérant que l'annulation de la radiation des cadres d'un agent illégalement évincé implique nécessairement que son employeur, tout d'abord, prenne une décision formelle de réintégration de cet agent à la date de son éviction irrégulière, ensuite, procède à la reconstitution de sa carrière pour la période séparant cette date de celle à laquelle cette carrière aurait normalement pris fin, et enfin, reconstitue ses droits sociaux auprès des organismes de sécurité sociale et de gestion de retraite auxquels il est affilié ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'après avoir été placée en congé de maladie du 10 mai 2006 au 4 octobre 2007, Mme A, assistante technique des métiers titulaire de la chambre régionale des métiers de Languedoc-Roussillon, a fait l'objet de deux visites médicales auprès du médecin du travail, au terme desquelles ce dernier a conclu le 5 octobre 2007 à une inaptitude temporaire, puis le 22 octobre 2007, à une inaptitude définitive de l'intéressée à ses fonctions d'assistante technique des métiers ; que Mme A a été radiée des cadres de la chambre consulaire à la date du 21 décembre 2007 pour abandon de poste ; que par jugement du 7 juillet 2010, le tribunal administratif de Montpellier a annulé pour excès de pouvoir cette éviction en estimant qu'en cas d'inaptitude physique temporaire ou définitive d'un agent à occuper son emploi, il appartient à l'employeur de le reclasser dans un autre emploi et, en cas d'impossibilité, de prononcer son licenciement ; que par arrêt du 18 janvier 2011, la Cour de céans a rejeté l'appel de la chambre régionale des métiers de Languedoc-Roussillon au motif qu'il était établi qu'à la date du 21 décembre 2007 à laquelle Mme B a été radiée des cadres pour abandon de poste, celle-ci n'était pas capable de reprendre son activité professionnelle en qualité d'assistante technique des métiers, et que la chambre consulaire n'était pas par suite en droit de considérer que l'intéressée avait de son propre chef rompu le lien qui l'unissait au service, alors qu'en application de l'article 41 du statut des personnels administratifs des chambres de métiers, l'intéressée devait être, de droit, mise en congé ; que dans le présent litige en exécution, Mme A demande sa réintégration rétroactive à compter du 21 décembre 2007, la reconstitution de ses droits à traitement et à pension à compter du 21 décembre 2007, et la reconstitution de sa carrière à compter du 21 décembre 2007 ;

En ce qui concerne la réintégration juridique rétroactive :

S'agissant de l'arrêté de réintégration rétroactive :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la chambre intimée, qui a tout d'abord décidé le 22 juillet 2011 la réintégration de Mme A dans ses cadres à compter du 2 août 2011 seulement, a finalement pris le 27 juin 2012 une décision formelle de réintégration à compter du 21 décembre 2007, date de l'éviction annulée ; que la chambre intimée a ainsi, sur ce point, respecté ses obligations découlant des décisions de justice susvisées dont l'exécution est demandée ;

S'agissant de la reconstitution rétroactive de carrière :

Considérant qu'il appartient à la chambre intimée de reconstituer rétroactivement la carrière de Mme A à compter du 21 décembre 2007, en la plaçant en position d'activité à cette date et en prenant en compte son droit à l'avancement tel que prévu par les dispositions statutaires relatives à son grade ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la chambre intimée aurait pris jusqu'à présent, par une décision expresse, la moindre mesure de reconstitution de carrière de l'intéressée dans le respect des principes définis ci-dessus ; qu'elle n'a pas, sur ce point, respecté ses obligations découlant des décisions de justice susvisées dont l'exécution est demandée ;

S'agissant de la reconstitution rétroactive des droits à pension :

Considérant qu'il incombe à la chambre intimée de reconstituer les droits sociaux de Mme A à compter du 21 décembre 2007 ; que la période d'éviction du service de l'intéressée devant être assimilée à une période de services effectifs, cette obligation implique nécessairement que la chambre intimée verse de sa propre initiative aux organismes de sécurité sociale et de retraite auxquels l'intéressée était affiliée, les cotisations patronales et salariales liées à la rémunération qui aurait dû lui être normalement versée ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la chambre intimée ait entrepris les démarches destinées à la validation des trimestres postérieurs à l'éviction de l'intéressée ;

S'agissant de la reconstitution rétroactive des droits à traitement :

Considérant en revanche, qu'en l'absence de service fait durant la période d'éviction, l'exécution des décisions de justice susvisées n'implique pas nécessairement la délivrance à Mme A de bulletins de paie au titre de cette période avec versement de son traitement ; que les conclusions de la requérante sur ce point, qui doivent être regardées comme présentant en réalité un caractère indemnitaire, sont irrecevables dans le présent litige en exécution ;

En ce qui concerne la réintégration physique :

Considérant qu'il ressort des écritures mêmes de Mme A que celle-ci doit être regardée comme ne demandant pas l'exécution des décision de justice en litige aux fins d'être réintégrée physiquement et que la Cour enjoigne à cet égard une telle réintégration physique dans un délai à fixer à compter de la date de notification du présent arrêt ;

Considérant qu'il s'ensuit que si la chambre intimée soutient qu'elle est dans l'impossibilité de réintégrer physiquement Mme A du fait que celle-ci refuse de donner suite aux propositions de reclassement qui lui ont été communiquées et qu'au surplus l'intéressée s'est lancée illégalement et sans son autorisation préalable dans une activité privée indépendante en créant, le 6 juin 2012, sa propre entreprise, de telles circonstances sont invoquées vainement pour contester des conclusions à fin de réintégration physique qui n'ont pas été formulées ;

Considérant en revanche, dans le cadre de la réintégration juridique rétroactive susmentionnée, et s'agissant de la reconstitution tant de la carrière que des droits sociaux de l'intéressée, qu'une date doit être fixée pour délimiter la période, qui court à compter du 21 décembre 2007, sur laquelle de telles reconstitutions rétroactives doivent être opérées ; qu'à cet égard, l'organisme consulaire intimé doit être regardé comme soutenant qu'il ne pourrait reconstituer rétroactivement la carrière et les droits sociaux de l'intéressée à partir de la date à laquelle cette dernière aurait refusé, à tort et sans motif valable, les propositions de reclassement qui lui ont été faites ; qu'il doit également être regardé comme soutenant qu'il ne pourrait, en tout état de cause, reconstituer rétroactivement la carrière et les droits sociaux de Mme A à partir de la date à laquelle cette dernière a décidé de créer son entreprise le 6 juin 2012 ;

Considérant, en premier lieu, qu'à la suite de l'annulation par le juge de l'excès de pouvoir de la décision radiant Mme A des cadres, il appartenait à la chambre régionale des métiers de lui rechercher des possibilités de reclassement dans d'autres fonctions ; qu'aucune nouvelle mesure d'éviction n'a été prise au motif que l'intéressée aurait refusé à tort les propositions de reclassement qui lui ont été faites ; qu'en outre, une administration ne peut, à la suite de l'annulation juridictionnelle d'une mesure d'éviction, prendre une nouvelle mesure d'éviction à caractère rétroactif, même si l'éviction résulte d'une invalidité, sauf le cas particulier où l'agent en invalidité définitive et absolue à toute fonction a épuisé la totalité de ses droits statutaires à maladie et à mise en disponibilité d'office pour maladie ; qu'au surplus, la question de savoir à quelle date l'intéressée aurait pu éventuellement être radiée des cadres, compte tenu de son refus d'être reclassée sur les postes qui lui ont été proposés, concerne un litige distinct qu'il n'appartient pas au juge de l'exécution de trancher dans la présente instance ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte des pièces versées au dossier, éclairées par les propos explicites tenus à l'audience du 2 octobre 2012, que Mme A a décidé d'exercer à titre principal et à plein temps une activité privée à compter du 6 juin 2012, avec un statut juridique d'auto-entrepreneur ; que dans ces conditions, pour une bonne administration de la justice et bien qu'aucun élément du dossier ne fasse état d'une démission non équivoque acceptée par son employeur, il y a lieu de fixer au 6 juin 2012 la date à laquelle doit prendre fin la reconstitution de la carrière et des droits sociaux de l'intéressée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu pour la Cour d'enjoindre à la chambre intimée de reconstituer rétroactivement la carrière et les droits sociaux de Mme A, sur la période courant du 21 décembre 2007 au 6 juin 2012 ; qu'il a lieu à cet égard d'accorder à la chambre intimée un délai de 2 mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il y a lieu en outre, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte financière de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration de ce délai ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la chambre régionale des métiers du Languedoc-Roussillon la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Il est enjoint à la chambre régionale des métiers de Languedoc-Roussillon de reconstituer rétroactivement la carrière de Mme A sur la période courant du 21 décembre 2007 au 6 juin 2012 et de reconstituer ses droits sociaux sur la même période courant du 21 décembre 2007 au 6 juin 2012, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 2 : Une astreinte de 100 euros (cent euros) par jour de retard est prononcée à l'encontre de la chambre régionale des métiers de Languedoc-Roussillon si elle ne justifie pas avoir exécuté l'article 1er susmentionné dans le délai imparti.

Article 3 : La chambre régionale des métiers de Languedoc-Roussillon versera à Mme A la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête n° 12MA02383 de Mme A est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de la chambre régionale des métiers de Languedoc-Roussillon tendant au remboursement de ses frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 6: Le présent arrêt sera notifié à Mme Martine A et à la chambre régionale des métiers de Languedoc-Roussillon.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA02383
Date de la décision : 23/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exécution décision justice adm

Analyses

54-06-07-005 Procédure. Jugements. Exécution des jugements. Effets d'une annulation.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste BROSSIER
Rapporteur public ?: Mme HOGEDEZ
Avocat(s) : OTTAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-10-23;12ma02383 ?
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