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22/10/2012 | FRANCE | N°11MA03039

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 22 octobre 2012, 11MA03039


Vu la requête, enregistrée le 29 juillet 2011, présentée pour la SAEM Treize développement, dont le siège est Hôtel de Département 52 avenue Saint Just à Marseille Cedex 20 (13256), par Me Brin ; la SAEM Treize développement demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000938 du 28 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'ordonnance n° 0901322 en date du 10 janvier 2010, par laquelle le président du Tribunal a liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expert à la somme de 8 908,86 euros et les

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Vu la requête, enregistrée le 29 juillet 2011, présentée pour la SAEM Treize développement, dont le siège est Hôtel de Département 52 avenue Saint Just à Marseille Cedex 20 (13256), par Me Brin ; la SAEM Treize développement demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000938 du 28 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'ordonnance n° 0901322 en date du 10 janvier 2010, par laquelle le président du Tribunal a liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expert à la somme de 8 908,86 euros et les a mis à sa charge, et à ce que les frais et honoraires de l'expert soient réduits à de plus justes proportions ;

2°) à titre principal de renvoyer le dossier au tribunal administratif de Bastia ;

3°) à titre subsidiaire de réduire, sur justificatifs, à de plus justes proportions les frais et honoraires correspondant à l'exécution de la mission confiée à M. A ;

4°) de mettre à la charge de tout contestant une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu le jugement attaqué ;

............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 2010-164 du 22 février 2010 relatif aux compétences et au fonctionnement des juridictions administratives

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er octobre 2012 :

- le rapport de Mme Menasseyre, rapporteure,

- les conclusions de Mme Fedi, rapporteure publique,

- et les observations de Me Le Roux pour la société Treize développement, et de Me Nicolini-Roussel représentant la SEL BNR Conseil pour M. A ;

1. Considérant que, par ordonnance en date du 27 février 2009, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, saisi par la SAEM Treize développement, a désigné M. A pour constater l'état des voies publiques au voisinage du chantier de réhabilitation et d'extension du collège Anatole France ; que M. A a déposé son rapport d'expertise le 28 décembre 2009 et demandé au titre de ses frais et honoraires la somme de 7 448,88 euros hors taxe, soit 8 909,05 euros toutes taxes comprises ; que, par ordonnance de taxation en date du 11 janvier 2010, le président du tribunal administratif de Marseille a liquidé ses frais et honoraires à la somme de 8 908,86 euros toutes taxes comprises ; que la SAEM Treize développement relève appel du jugement du 28 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions tendant à la réformation de cette ordonnance ;

Sur les conclusions principales tendant au renvoi du dossier devant le tribunal administratif de Bastia :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-5 du code de justice administrative, dans sa rédaction en vigueur à la date d'introduction de la requête de la société Treize développement devant le tribunal administratif de Marseille, le 12 février 2010 : " Les parties, ainsi que, le cas échéant, les experts intéressés, peuvent contester l'ordonnance mentionnée à l'article R. 761-4 liquidant les dépens devant la juridiction à laquelle appartient son auteur. Celle-ci statue en formation de jugement. " ; que si, depuis l'entrée en vigueur du décret du 22 février 2010 relatif aux compétences et au fonctionnement des juridictions administratives, une telle requête est désormais transmise sans délai par le président de la juridiction à un tribunal administratif conformément à un tableau d'attribution arrêté par le président de la section du contentieux, ces dispositions ne s'appliquent qu'aux requêtes enregistrées à compter du 1er avril 2010, ainsi que l'admet d'ailleurs la société appelante ; qu'il en résulte que, compte tenu de la date d'introduction de la demande dont il était saisi, le tribunal a pu valablement considérer que les dispositions du code de justice administrative ne lui imposaient pas de transmettre la requête au tribunal administratif de Bastia ; que les considérations qui ont pu présider à l'adoption du décret du 1er avril 2010, telles qu'invoquées par la société, sont par ailleurs sans influence sur la compétence du tribunal pour trancher ce litige ;

3. Considérant que la société fait également valoir que des considérations liées à la bonne administration de la justice auraient dû conduire les premiers juges à mettre en oeuvre les dispositions de l'article R. 342-2 du code de justice administrative, applicables en cas de saisine simultanée de deux tribunaux administratifs, de demandes distinctes mais connexes dès lors que, postérieurement à l'introduction de sa requête, le tribunal administratif de Bastia s'est trouvé saisi de deux contestations portant sur la taxation des frais et honoraires de M. A à la suite d'autres expertises également réalisées dans la perspective du chantier de réhabilitation et d'extension du collège Anatole France ;

4. Considérant, toutefois, que le refus par une juridiction de faire droit à l'invitation, adressée par une partie, de mettre en oeuvre les dispositions de l'article R. 342-2 constitue une mesure qui, à l'instar des décisions de mise en oeuvre de ces dispositions, n'est pas susceptible de recours ; que des conclusions tendant à l'annulation d'une décision refusant de reconnaître la connexité avec une autre affaire présentée devant un autre tribunal administratif ne sont pas recevables ; qu'il s'ensuit qu'une décision de justice ne saurait non plus être arguée d'incompétence au seul motif que la juridiction, compétemment saisie, n'aurait pas mis en oeuvre les dispositions précitées relatives à la connexité ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Treize développement n'est pas fondée à critiquer le refus par les premiers juges de faire droit à sa demande de renvoi de l'affaire devant le tribunal administratif de Bastia ; qu'elle n'est pas davantage fondée à demander un tel renvoi au stade de l'appel ; qu'il en résulte que ses conclusions principales doivent être rejetées ;

Sur les conclusions subsidiaires, tendant à la réformation de l'ordonnance du 10 janvier 2010 :

6. Considérant qu'aux termes de l'article R. 621-11 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable à la date de l'ordonnance attaquée : " Les experts (...) ont droit à des honoraires, sans préjudice du remboursement des frais et débours. / Ils joignent à leur rapport un état de leurs vacations, frais et débours. /Dans les honoraires sont comprises toutes sommes allouées pour étude du dossier, frais de mise au net du rapport, dépôt du rapport et, d'une manière générale, tout travail personnellement fourni par l'expert ou le sapiteur et toute démarche faite par lui en vue de l'accomplissement de sa mission. / Le président de la juridiction, après consultation du président de la formation de jugement, (...) fixe par ordonnance, conformément aux dispositions de l'article R. 761-4, les honoraires en tenant compte des difficultés des opérations, de l'importance, de l'utilité et de la nature du travail fourni par l'expert ou le sapiteur. Il arrête sur justificatifs le montant des frais et débours qui seront remboursés à l'expert. " ;

7. Considérant que ces dispositions distinguent les honoraires, qui rétribuent notamment le travail de l'expert, des frais et débours, qui donnent lieu à un simple remboursement ;

En ce qui concerne les frais et débours :

8. Considérant que, si les dispositions précitées prévoient la production, par l'expert, d'un état de ses vacations, frais et débours, un tel état ne saurait, à lui seul, tenir lieu de justificatif du montant des frais et débours devant donner lieu à remboursement, lesquels doivent, en vertu de ces mêmes dispositions, être appuyés par des pièces justificatives distinctes, normalement spontanément produites par l'expert à l'appui de sa demande de taxation ; qu'il appartient, en l'absence de tels justificatifs, au magistrat taxateur de solliciter leur production avant d'arrêter sa décision ; qu'il est toutefois loisible à l'expert, en cas de contestation contentieuse, de produire à ce stade les justificatifs nécessaires au remboursement des frais qu'il a pu exposer ;

9. Considérant qu'à l'appui de sa contestation, la SAEM Treize développement fait valoir l'absence de pièces justificatives concernant les postes " base de données ", " assistance technique ", " frais de dactylographie ", " frais de photographies et reproduction ", " frais de photocopies et reproduction " qui figurent sur le document intitulé " note de frais et honoraires de l'expert " ; qu'aucune pièce justificative de ces différents postes n'a été versée aux débats, M. A se bornant à invoquer le respect de sa mission et l'utilité du travail fourni ; que ces considérations sont étrangères au caractère remboursable de frais qui ne sont assortis d'aucune justification ; que ne saurait tenir lieu de justificatif l'annexe à l'état produit, intitulé " tableau tarifaire pour l'ensemble de la mission collège Anatole France ", qui, s'il indique par exemple les modalités de calcul du poste intitulé " base de donnée ", ne permet pas de justifier des coûts facturés pour un montant de 212,76 euros hors taxe, notamment s'agissant du tarif horaire du technicien auquel a eu recours M. A ; qu'il n'est pas davantage justifié des frais d'assistance technique facturés pour un montant de 2 071,54 euros hors taxe ; qu'il n'est produit aucun justificatif des frais de dactylographie réclamés pour un montant de 216 euros hors taxe et notamment du prix unitaire retenu, pas plus que des frais de photographies d'un montant de 60,42 euros hors taxe, lesquels ne sauraient d'ailleurs être retenus au titre des débours prévus par l'article R 621-11 du code de justice administrative, s'agissant des frais d'amortissement du matériel correspondant à des coûts fixes de fonctionnement ; que les frais de photocopie dont il est fait état, de 399,20 euros hors taxe, ne sont pas davantage justifiés, étant observé que 151 photocopies en noir et blanc et 342 photocopies en couleur ont été facturées, alors que le rapport dupliqué en 9 exemplaires comprend 14 pages et noir et blanc et 37 pages en couleur ; que, dans ces conditions, la société appelante est fondée à soutenir que c'est à tort que les frais et débours correspondant aux postes sus évoqués ont été retenus, pour un montant total de 2 959,92 euros ;

En ce qui concerne les honoraires :

10. Considérant qu'il résulte également des dispositions susmentionnées de l'article R. 621-11 du code de justice administrative que les honoraires de l'expert ont vocation à rétribuer non seulement le temps passé par l'intéressé à l'étude du dossier et les démarches et travaux personnellement accomplis par lui en vue de l'accomplissement de sa mission mais également les frais de mise au net et de dépôt du rapport ; que ces éléments déterminent le taux horaire de la vacation et, par voie de conséquence, les honoraires de l'expert ; qu'il appartient au magistrat taxateur, dans l'hypothèse où les sommes réclamées à ce titre apparaîtraient comme excessives au regard de l'importance ou de la complexité du travail effectué par l'expert, de recueillir auprès de l'intéressé les éléments propres à éclairer son appréciation, l'expert conservant la possibilité d'apporter tous éléments utiles au stade contentieux ;

11. Considérant que la société invoque le caractère excessif des honoraires de l'expert et du nombre de vacations qu'il a fait apparaître sur l'état prévu par l'article R. 621-11 du code de justice administrative ;

12. Considérant, en premier lieu, qu'à supposer que le poste " base de données ", pour le calcul duquel l'état présenté fait apparaître qu'ont été prises en compte 4 heures passées par l'expert puisse être regardé comme représentant non des frais et débours mais des honoraires, il ne résulte pas de l'instruction que la réalisation de cette base de données sur laquelle l'expert n'a apporté aucune précision ait présenté une utilité quelconque pour la réalisation de sa mission ;

13. Considérant, en deuxième lieu, que M. A a été désigné, sur le fondement des dispositions de l'article R. 531-1 du code de justice administrative, applicables lorsqu'il n'est rien demandé de plus que la constatation de faits, et avait pour seule mission de constater l'état des voies publiques au voisinage du chantier de réhabilitation et d'extension du collège Anatole France ; que l'état de frais produit par l'expert mentionne 6,33 vacations au titre de la coordination des visites et des convocations et des " relations requérant/défendeurs/tribunal administratif ", 8 vacations au titre du constat d'état des lieux et des prises de photos du 15 avril 2009, une vacation au titre de l'exploitation et du développement des rapports de visite, une vacation au titre de l'analyse et du classement des photos et documents, 31 vacations au titre de l'établissement des rapports et deux vacations au titre des courriers et autres écrits ; que le rapport d'expertise est composé de 14 pages dactylographiées, de trois pages reproduisant un plan internet du quartier et de 34 pages de planches photographiques, contenant au total 318 clichés ; que, compte tenu de la difficulté des opérations, de l'importance, de l'utilité et de la nature du travail fourni par l'expert, il y a lieu de ramener de 31 à 15,5 le nombre de vacations demandées au titre de la rédaction du rapport, soit 1 395 euros, et de diminuer de moitié, en la ramenant à 285 euros, la somme demandée au titre du contrôle et de la coordination : que la somme hors taxe demandée au titre des honoraires de l'expert doit, ainsi, être ramenée de 4 440 euros hors taxes à 2 760 euros hors taxes, soit 3 300,96 euros TTC ;

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

14. Considérant enfin qu'il résulte des dispositions de l'article L. 621-11 du code de justice administrative que les experts ont droit, d'une part, à des honoraires et, d'autre part, au remboursement de leurs frais et débours ; qu'il n'y a pas lieu d'assujettir à la taxe sur la valeur ajoutée des sommes perçues à titre de remboursement de frais et débours lorsqu'aucun justificatif ne permet de s'assurer que ces sommes correspondraient à des montants hors taxes ; qu'il ressort de la lecture de la note de frais et honoraires versée aux débats que M. A a inclus dans l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée facturée sur ce document les frais d'affranchissement d'un montant non contesté de 48,96 euros qu'il a demandés au titre de ses frais et débours ; que, par suite, c'est également à tort que le président du tribunal administratif de Marseille a compris dans le montant de la rémunération qu'il a arrêtée, une somme de 9,60 euros correspondant à l'assujettissement de ces frais d'affranchissement à la taxe sur la valeur ajoutée ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Treize développement est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande, et à demander que le montant total des frais et honoraires dus à M. A soit fixé à 3 349,92 euros toutes taxes comprises dont 540,96 euros au titre de la taxe à la valeur ajoutée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SAEM Treize développement et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 28 juin 2011 est annulé.

Article 2 : Le montant des frais et honoraires d'expertise taxés par l'ordonnance n° 0901322 en date du 10 janvier 2010 du président du tribunal administratif de Marseille est fixé à 3 349,92 euros (trois mille trois cent quarante neuf euros et quatre vingt douze centimes) toutes taxes comprises dont 540,96 euros (cinq cent quarante euros et quatre vingt seize centimes) de taxe à la valeur ajoutée.

Article 3 : L'Etat versera à la SAEM Treize développement une somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAEM Treize développement est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAEM Treize développement, à M. Michel A et au Garde des sceaux, ministre de la justice.

Copie en sera adressée au président du tribunal administratif de Marseille.

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N° 11MA03039


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11MA03039
Date de la décision : 22/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-04-02-02-02 Procédure. Instruction. Moyens d'investigation. Expertise. Honoraires des experts.


Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: Mme FEDI
Avocat(s) : SEL LE ROUX BRIN MORAINE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-10-22;11ma03039 ?
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