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08/10/2012 | FRANCE | N°12MA01368

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 08 octobre 2012, 12MA01368


Vu I) la requête et un mémoire, enregistrés le 6 avril 2012, sous le numéro 12MA01368, présentés pour la commune de La Cadière d'Azur, représentée par son maire en exercice, sis en cette qualité hôtel de ville à La Cadière d'Azur (83740) par Me Blein, avocat ; la commune de La Cadière d'Azur demande à la cour :

1°) d'annuler les jugements n° 0900870 par lesquels le tribunal administratif de Toulon, saisi par une demande des époux A, a, d'une part, le 4 février 2011, décidé que la responsabilité sans faute de la commune était engagée du fait des désordres affecta

nt le mur de soutènement d'un terrain leur appartenant et a, avant de statuer ...

Vu I) la requête et un mémoire, enregistrés le 6 avril 2012, sous le numéro 12MA01368, présentés pour la commune de La Cadière d'Azur, représentée par son maire en exercice, sis en cette qualité hôtel de ville à La Cadière d'Azur (83740) par Me Blein, avocat ; la commune de La Cadière d'Azur demande à la cour :

1°) d'annuler les jugements n° 0900870 par lesquels le tribunal administratif de Toulon, saisi par une demande des époux A, a, d'une part, le 4 février 2011, décidé que la responsabilité sans faute de la commune était engagée du fait des désordres affectant le mur de soutènement d'un terrain leur appartenant et a, avant de statuer sur les conclusions de ces derniers tendant à la condamnation de la commune de La Cadière d'Azur à leur verser la somme de 63 573 euros au titre de la réparation, ordonné une expertise en vue notamment d'identifier et de décrire les désordres existant sur le mur de cette propriété et de déterminer les travaux nécessaires pour y remédier et a, d'autre part, le 16 février 2012, condamné la commune à verser aux époux A la somme de 21 000 euros, portant intérêts au taux légal et capitalisés, au titre de la réparation de ce préjudice ;

2°) de rejeter la demande des époux A ;

3°) de condamner les époux A à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de condamner les époux A aux entiers dépens et notamment aux frais d'expertise ;

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Vu le jugement attaqué ;

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Vu II) enregistrée le 6 avril 2012, sous le numéro 12MA01369, la requête présentée pour la commune de La Cadière d'Azur, représentée par son maire en exercice, sis en cette qualité hôtel de ville à La Cadière d'Azur (83740) par Me Blein, avocat ; la commune de La Cadière d'Azur demande à la cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 0900870 du 16 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Toulon l'a condamnée à verser aux époux A la somme de 21 000 euros, portant intérêts au taux légal, au titre de la réparation du préjudice résultant de l'effondrement du mur de leur propriété ;

2°) de mettre à la charge des époux A les frais d'expertise ;

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Vu le jugement dont il est demandé le sursis à exécution ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968, relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 septembre 2012 :

- le rapport de Mme Carassic, rapporteure ;

- les conclusions de Mme Fédi, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Parisi pour les époux A ;

1. Considérant que M. et Mme A sont propriétaires depuis 1947 d'un terrain cadastré B 811 sis ..., situé sur le territoire de la commune de ...; que le mur traditionnel en pierres sèches, qui soutient un terrain planté de vignes, est bordé, dans le sens de la pente, par la voie communale n° 13 dite " du Marenc et des Costes " ; que ce mur s'est effondré en 1993 et en 2002 ; qu'estimant que les travaux d'élargissement de cette voie, effectués en 1990 par la commune, avaient provoqué ce dommage en permettant une augmentation de la circulation automobile sur cette voie, les époux A ont demandé au tribunal administratif de Toulon la condamnation de la commune à réparer le préjudice résultant des effondrements de ce mur ; que, par le premier jugement attaqué n° 0900870, le tribunal administratif de Toulon a, d'une part, le 4 février 2011, estimé que la responsabilité sans faute de la commune était engagée du fait des désordres affectant le mur de soutènement de leur propriété et a, avant de statuer sur les conclusions de ces derniers tendant à la condamnation de la commune de La Cadière d'Azur à leur verser la somme de 63 573 euros au titre de réparation, ordonné une expertise en vue notamment de décrire les désordres existant sur le mur de cette propriété et directement provoqués par l'augmentation du trafic et de déterminer les travaux nécessaires pour y remédier ; qu'il a, d'autre part, par le second jugement attaqué du 16 février 2012, après le dépôt des conclusions de l'expert, condamné la commune à verser aux époux A la somme de 21 000 euros, portant intérêts au taux légal, au titre de la réparation de ce préjudice ; que la commune, qui conteste l'existence d'un lien de causalité entre les désordres de ce mur et l'augmentation du trafic du chemin communal, le caractère anormal du préjudice, ainsi que le rejet de l'exception de prescription quadriennale qu'elle avait opposée en première instance, doit être regardée comme limitant ses conclusions au rejet de cette exception et à l'engagement de sa responsabilité dans la survenance du dommage, sans critiquer le montant de l'indemnité qu'elle a été condamnée à verser par les premiers juges ; que la commune demande, en outre, à la cour d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement ;

Sur la jonction :

2. Considérant que les requêtes enregistrées sous les numéros 12MA01368 et 12MA01369 présentées pour la commune de La Cadière d'Azur concernent la même affaire ; qu'elles ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt ;

Sur les conclusions de la requête n° 12MA01369 aux fins de sursis à exécution du jugement contesté :

3. Considérant que, dès lors qu'elle se prononce sur les conclusions de la commune de La Cadière d'Azur tendant à l'annulation du jugement litigieux, il n'y a pas lieu pour la cour de statuer sur les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement ;

Sur la fin de non recevoir opposée par les époux A :

4. Considérant que la délibération du conseil municipal du 15 avril 2008, annexée à ses deux requêtes d'appel, autorise le maire, pour la durée de son mandat, à intenter au nom de la commune les actions en justice ; que le maire a pris, conformément à cette autorisation, décision d'interjeter appel ; qu'en outre, par délibération du 29 février 2012, le maire a délégation du conseil municipal pour intenter au nom de la commune toute action en justice à tous les degrés de juridictions, sans aucune restriction ; que la fin de non recevoir tirée du défaut de capacité du maire d'ester en justice doit être écartée ;

Sur les conclusions de la requête n° 12MA01368 à fin d'annulation du jugement contesté :

En ce qui concerne la responsabilité de la commune :

5. Considérant que la responsabilité du maître d'un ouvrage public peut être engagée, même sans faute, à l'égard des demandeurs tiers par rapport à cet ouvrage public ; que les personnes mises en cause doivent alors, pour dégager leur responsabilité, établir la preuve que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure, sans que puisse être utilement invoqué le fait d'un tiers ; que la victime doit toutefois apporter la preuve de la réalité des préjudices qu'elle allègue avoir subis et de l'existence d'un lien de causalité entre l'ouvrage public et lesdits préjudices, qui doivent en outre présenter un caractère anormal et spécial ;

6. Considérant que, pour retenir que la responsabilité de la commune était engagée sans faute envers les époux A, riverains de la voie publique, du fait de deux éboulements survenus en 1993 et 2002 à deux endroits du mur litigieux, les premiers juges ont d'abord estimé, dans le jugement du 4 février 2011, que la voie communale n° 13, qui borde le mur de la propriété de ces derniers, avait connu une évolution tant qualitative que quantitative de son trafic du fait de l'urbanisation croissante des zones qu'elle dessert et de son élargissement permettant désormais le trafic des poids lourds et que cette circulation accrue exposait le mur en pierres sèches, du fait des vibrations engendrées, au risque d'effondrement, en excluant le risque d'un glissement de terrain qui aurait pu entraîner cet écroulement eu égard à la nature faiblement argileuse du terrain à cet endroit, ainsi que le mentionne le rapport du 12 mai 2008 d'un expert géologue mandaté par les époux A ; qu'après le dépôt le 12 août 2011 du rapport de l'expert désigné par le tribunal, les premiers juges ont toutefois, dans le jugement du 16 février 2012, estimé que le défaut d'entretien dudit mur par les propriétaires était de nature à exonérer la responsabilité de la commune à hauteur de 30 % ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport du 10 août 2011 de l'expert désigné par les premiers juges, que le mur litigieux ancien, en pierres sèches, appelé aussi " restanque ", d'une hauteur moyenne de 4 m et d'une longueur, dans sa partie détériorée, de 37 m, est situé en limite de propriété et longe dans le sens de la pente le côté droit de la voie communale n° 13 ; que ce mur est envahi par les racines des arbustes plantés à son sommet et, à sa base, par des herbes ; qu'il soutient un champ de vignes, lequel est desservi par un chemin privé d'exploitation qui longe son sommet et qui permet aux engins agricoles d'accéder à ces vignes, notamment pour la récolte des raisins ; que l'expert indique clairement que ce type de restanque traditionnelle, conçue à l'origine comme un " mur poids ", exige un entretien régulier, consistant notamment en la vérification de l'état du drainage arrière contre les terres et la suppression des racines des arbres et végétaux qui, en s'infiltrant entre les pierres, les disjoignent et menacent ainsi la solidité du mur ; que l'expert attribue ainsi les effondrements litigieux du mur à l'absence de tout entretien, pendant de nombreuses années, par leurs propriétaires ; qu'il estime aussi que le passage d'engins agricoles très lourds sur le chemin privé d'exploitation susmentionné génère également des efforts importants au sommet du mur, dès lors que les vibrations des tracteurs remorquant des bennes chargées de raisin sont transmises au mur sinistré par le biais d'un sol très compact ; que la conjonction de ces deux facteurs est de nature à expliquer les désordres de ce mur ; que cet expert souligne enfin que le passage moyen de 40 véhicules par heure, observé pendant les opérations d'expertise, entre 9 h 30 et 11 h 15, dont 75 % de véhicules légers et 25 % de poids lourds, n'a entraîné aucune vibration du sol ; que l'élargissement de la voie communale en 1990 s'est faite du côté opposé au mur sinistré ; que le caniveau en béton qui a remplacé, au pied du mur, le caniveau en terre, a amélioré l'écoulement des eaux de ruissellement en les canalisant et en évitant qu'elles viennent affouiller le pied du mur ; que l'expert conclut que les désordres sur le mur n'ont été provoqués, ni par l'augmentation du trafic, ni par l'élargissement de la voie ; que les conclusions claires et détaillées de cette expertise, rendue par un expert ingénieur en travaux publics et au contradictoire des parties, ne sont pas remises en cause par les dires de l'expert privé géologue du 20 avril 2009 mandaté par les époux A, qui se borne à affirmer, théoriquement et sans l'établir, notamment en l'absence de constatations concrètes faites sur le terrain lors de passage de véhicules, que les vibrations engendrées par le trafic remonteraient, à travers la couche de marnes sableuses et carbonatées du talus, jusqu'au muret en pierres sèches réalisé sans fondation et que seules les restanques situées au bord de la route s'écrouleraient à l'inverse de celles situées dans les champs alentour ; qu'ainsi, le lien de causalité direct et certain entre les travaux litigieux d'élargissement de la voie communale n'est pas établi ; que, par suite, la commune de La Cadière d'Azur est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que sa responsabilité sans faute était engagée et l'ont condamnée en conséquence à réparer le préjudice qui en serait résulté ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'exception de prescription quadriennale opposée par la commune, que la commune de La Cadière d'Azur est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon l'a condamnée à réparer le préjudice qui aurait été subi par les époux A ;

Sur les frais d'expertise :

9. Considérant que le jugement attaqué a mis les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 323,61 euros, à la charge de la commune de ...; qu'il y a lieu de mettre la charge définitive de ces frais à M. et Mme A ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner M. et Mme A à verser la somme de 1 000 euros à la commune de La Cadière d'Azur au titre de ces dispositions pour les deux instances engagées ;

DECIDE :

Article 1 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la commune de La Cadière d'Azur enregistrée sous le n° 12MA01369.

Article 2 : Les jugements n° 0900870 du 4 février 2011 et 16 février 2012 du tribunal administratif de Toulon sont annulés.

Article 3 : La demande des époux A est rejetée.

Article 4 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 323,61 euros, sont mis à la charge définitive des époux A.

Article 5 : Les époux A verseront la somme de 1 000 (mille) euros à la commune de La Cadière d'Azur au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Cadière d'Azur et à M. et Mme A.

Copie pour information sera adressée à l'expert.

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N° 12MA01368 - 12MA01369


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA01368
Date de la décision : 08/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-02-02-02 Travaux publics. Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics. Régime de la responsabilité. Qualité d'usager.


Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: Mme FEDI
Avocat(s) : BLEIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-10-08;12ma01368 ?
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