Vu la requête et les mémoires et pièces, enregistrés les 23 juin, 21 juillet, 24 août et 31 décembre 2010 ainsi que le 8 mars 2011, présentés pour Mme demeurant ... (34500), par la SCP Dessalces-Ruffel ; Mme demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1001040 en date du 26 mai 2010 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 janvier 2010 du préfet de l'Hérault lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai d'un mois ;
2°) d'annuler ledit arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros à compter de la décision à intervenir, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, outre les dépens, une somme de 1 196 euros à verser soit à son conseil en cas d'octroi de l'aide juridictionnelle en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, soit à elle-même en cas de non-obtention de cette aide juridictionnelle, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 23 août 2010, présenté par le préfet de l'Hérault qui conclut au rejet de la requête ;
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Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Marseille, en date du 27 septembre 2010, admettant Mme au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale et désignant Me Ruffel pour l'assister ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 septembre 2012,
- le rapport de Mme Massé-Degois, rapporteure,
- et les observations de Me Brulé pour Mme ;
Considérant que Mme , de nationalité algérienne, relève appel du jugement du 26 mai 2010 du tribunal administratif de Montpellier rejetant sa demande d'annulation de l'arrêté du 28 janvier 2010 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai d'un mois ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus " ;
Considérant que le préfet de l'Hérault ne conteste pas que Mme est entrée une première fois en France en 1949 à l'âge de 13 ans ; qu'il ressort de pièces du dossier que Mme s'est mariée à Mulhouse le 7 février 1953 avec M. , un compatriote, et qu'ils ont vécu ensemble en France jusqu'en 1971 ; qu'il ressort également des pièces du dossier que M. a exercé différents emplois au cours de la période de 1947 à 1971 notamment au sein de l'entreprise Automobile Peugeot puis du groupe Matra pour ensuite créer sa propre activité de commerce à Mulhouse ; que de leur union sont nés cinq enfants dont quatre possèdent la nationalité française et trois d'entre eux résident en France ; qu'après avoir vécu ensemble en Algérie jusqu'en 2007, Mme a accompagné son époux qui est revenu en France le 16 mars 2007 et il est constant que M. a obtenu en 2007 un certificat de résidence " vie privée et familiale " en raison de ses problèmes de santé qui nécessitaient un suivi en France et que ce certificat de résidence lui a été renouvelé chaque année depuis la date de sa délivrance ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. , 82 ans à la date de la décision attaquée, souffrait d'une cardiopathie ischémique sévère avec angioplastie et pontage et présentait des antécédents de tuberculose ainsi qu'un pneumothorax droit complet qui a notamment nécessité une intervention chirurgicale le 31 décembre 2009 au centre hospitalier de Béziers ; qu'il ressort des pièces du dossier que, nonobstant la présence de trois de ses enfants en France, la gravité de l'état de santé de M. , qui réside régulièrement en France, justifie la présence de son épouse avec laquelle il a toujours eu une vie commune depuis la date de leur mariage ; qu'ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la mesure prise par le préfet de l'Hérault, qui aurait pour effet de priver Mme de la présence de son époux et M. de la présence nécessaire de son épouse, porte au droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et méconnaît ainsi les stipulations précitées de l'article 8 et les dispositions précitées de l'article 6-5 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions en annulation de la décision de refus de séjour litigieuse, ainsi que, par voie de conséquence, de la décision l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai d'un mois ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;
Considérant que le présent arrêt qui accueille les conclusions présentées aux fins d'annulation présentées par Mme implique, par suite, une mesure d'exécution ; qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Hérault de délivrer à Mme un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que Mme a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Ruffel, avocat de l'intéressée désigné par la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 27 septembre 2010, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Ruffel de la somme de 1 196 euros qu'il demande ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1001040 du 26 mai 2010 du tribunal administratif de Montpellier et l'arrêté du préfet de l'Hérault en date du 28 janvier 2010 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à Mme un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1 196 euros à Me Ruffel sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault et au procureur du tribunal de grande instance de Béziers.
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N°10MA02369 2