Vu la requête, enregistrée le 20 mai 2010, présentée pour Mme Marie-Elisa , élisant domicile ... (06100), par Me Bensa ; Mme demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 4 du jugement n° 0800999, 0805161 du 19 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Nice, après avoir, par son article 1er condamné le centre hospitalier universitaire de Nice à lui verser la somme de 145 699,49 euros, par son article 2 mis à sa charge la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et par son article 3 mis les frais d'expertise à la charge de cet établissement, a rejeté le surplus de sa requête tendant à sa condamnation à lui verser la somme de 1 310 381,30 euros en réparation des préjudices résultant des opérations réalisées dans cet établissement pour une fracture déplacée de la mâchoire ;
2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Nice la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 mai 2011, présenté pour le centre hospitalier universitaire de Nice, par Me Le Prado, qui conclut au rejet de la requête, et à l'annulation du jugement en ce qu'il a réparé le préjudice professionnel de Mme par l'allocation d'une somme de 150 000 euros, et en ce qu'il l'a condamné à verser à la Carpimko une somme excédant 14 124,39 euros ;
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Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 février 2012, présenté pour la Carpimko par la SCP Biancotto, Arnaubec, Ferran, qui conclut au rejet de l'appel incident et à la condamnation du centre hospitalier à lui verser la somme de 1 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le mémoire enregistré le 12 juillet 2012, présenté pour le centre hospitalier universitaire de Nice, qui maintient ses conclusions précédentes, par les mêmes moyens ;
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Vu le mémoire, enregistré le 10 août 2012, présenté pour la Carpimko, qui maintient ses conclusions précédentes, par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 5 septembre 2012, présenté pour la Carpimko, qui maintient ses conclusions précédentes, par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 14 septembre 2012, présenté pour Mme , et portant communication de pièces ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 septembre 2012 :
- le rapport de Mme Menasseyre, rapporteure,
- et les conclusions de Mme Fedi, rapporteure publique,
1. Considérant que Mme qui présentait une fracture sur la mandibule au niveau de la branche horizontale gauche a subi, le 31 août 2005, sous anesthésie générale, une ostéosynthèse au centre hospitalier universitaire de Nice ; qu'elle relève appel du jugement du tribunal administratif du 19 mars 2010, en tant que le tribunal n'a que partiellement fait droit à ses demandes ; que le centre hospitalier universitaire de Nice demande à la Cour d'annuler ce jugement en tant qu'il a réparé de façon selon lui excessive son préjudice professionnel et qu'il l'a condamné à payer à la Carpimko, dont relève Mme , les sommes correspondant au versement par cette caisse à son assurée d'une rente d'invalidité, pour la période postérieure à la date de consolidation ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que Mme reproche au tribunal de n'avoir pas statué sur sa demande en tant qu'elle tendait à la réparation de sa gêne dans les actes de la vie courante et de son préjudice d'agrément ; qu'il ressort toutefois de ses écritures de première instance que les éléments qu'elle invoquait à l'appui de ces chefs de préjudice constituaient en réalité des troubles dans les conditions d'existence ; que ces troubles ont été pris en compte par le jugement attaqué, qui est, eu égard aux éléments dont faisait état Mme , suffisamment motivé sur ce point ;
3. Considérant que le centre hospitalier ne discute pas en appel le principe de sa responsabilité, ni le fait que les fautes commises sont à l'origine de l'entier préjudice dont souffre Mme ;
Sur l'évaluation des préjudices :
En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimoniaux :
4. Considérant que le montant des sommes allouées à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes n'est pas contesté ; que Mme conteste toutefois la réparation des pertes de revenu qui ont été les siennes durant la période antérieure à la date de consolidation, soit durant les 26 mois et 8 jours courant du 31 août 2005 au 8 novembre 2007 ;
5. Considérant que, pour estimer les pertes de revenu subies par l'intéressée, les premiers juges ont indiqué retenir un revenu moyen annuel de son activité d'orthophoniste de 34 000 euros en se fondant sur ses déclarations de revenus pour les années 2004, 2005, 2006 ; que toutefois, et ainsi d'ailleurs qu'en convient le centre hospitalier, les années 2005 et 2006 n'avaient pas à être prises en considération dès lors que, Mme n'ayant pas repris son activité postérieurement aux interventions chirurgicales en cause, elles ne pouvaient constituer une référence valable pour déterminer la perte de revenu subie ; qu'il résulte en outre de l'examen des pièces du dossier que la prise en compte de ces années ne permettait pas de retenir un revenu annuel moyen de 34 000 euros ; que contrairement à ce qu'indique l'hôpital, la prise en compte de la moyenne des revenus perçus par Mme au cours des années 2002, 2003 et 2004, qui précèdent immédiatement l'année au cours de laquelle elle a été contrainte de cesser son activité ne conduirait pas à un revenu mensuel de 3 320 euros par mois, mais de 3 486 euros ; qu'en toute hypothèse, il n'apparaît pas que la prise en compte de la seule année 2004, précédant immédiatement l'année de réalisation du dommage, ne constitue pas la référence la plus pertinente pour déterminer le préjudice économique subi par l'intéressée ; que si l'hôpital soutient que cette année constituait une année exceptionnelle dans l'activité de Mme , et si les bénéfices non commerciaux déclarés par Mme se sont effectivement établis à 49 770 euros en 2004 alors qu'ils s'établissaient à 37 720 euros en 2003 et à 38 027 euros en 2002, il ne résulte pas de l'instruction que cette progression, réelle, résultait de circonstances accidentelles insusceptibles de se renouveler plutôt que d'une progression de l'activité de l'intéressée qui aurait eu vocation à se pérenniser ; que dès lors, Mme est, au vu des pièces du dossier, fondée à soutenir que le préjudice correspondant à sa perte de revenu doit être déterminé par référence aux revenus qu'elle a tirés de son activité professionnelle en 2004 ; qu'en se fondant sur cette référence, elle pouvait escompter percevoir, sur la période de 26 mois et 8 jours écoulée entre l'intervention et la date de consolidation, des revenus d'activité de 108 812,15 euros ; qu'elle a durant cette période reçu de la caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et orthoptistes (Carpimko) des revenus de substitution pour un montant total de 25 802,65 euros ; qu'elle est, par suite, fondée à demander que sa perte de revenus pendant la période d'incapacité totale soit réparée par le versement d'une somme de 83 009 euros ;
6. Considérant que le centre hospitalier universitaire de Nice ne conteste pas le remboursement à la Carpimko de la somme de 11 678,26 euros, versée au titre des indemnités journalières pour la période du 25 novembre 2005 au 26 août 2006 ;
7. Considérant que, s'agissant de la période postérieure à la date de consolidation, Mme estime que les premiers juges ont insuffisamment réparé les conséquences patrimoniales du dommage corporel dont elle a été victime ; que l'hôpital estime pour sa part que les premiers juges en ont fait une évaluation excessive ; qu'il résulte de l'instruction que Mme , âgée de 50 ans à la date de consolidation, reste atteinte d'un déficit fonctionnel permanent évalué par l'expert à 10 %, qui résulte des atteintes aux nerfs de la face durant les interventions chirurgicales litigieuses et correspond notamment à une parésie labiale inférieure gauche ; qu'il résulte de l'instruction que l'intéressée n'a pas repris son activité professionnelle d'orthophoniste libérale ; que, compte tenu des atteintes dont elle souffre, elle a perdu toute perspective raisonnable de reprendre une activité en rapport avec ses compétences et ses titres ; que même si, comme le fait valoir l'hôpital, il n'est pas établi que Mme , du fait du déficit permanent partiel de 10 % dont elle souffre, se trouverait désormais dans l'impossibilité définitive d'exercer une activité professionnelle et, à supposer même qu'elle retrouve un emploi rémunéré sur la base du salaire minimum interprofessionnel de croissance, sa perte de revenu annuelle serait de l'ordre de 37 770 euros ; que si l'appelante revendique l'application à cette somme d'un coefficient de 21,208, ce coefficient, qui correspond à la capitalisation d'une rente viagère ne saurait être retenu, s'agissant de revenus d'activité ; qu'en revanche, il y a lieu, en l'espèce, pour procéder à la conversion, de se fonder sur un barème de capitalisation reposant sur la table de mortalité 2008 pour les femmes publiée par l'institut national de la statistique et des études économiques et un taux d'intérêt de 2,35 % qui correspond davantage aux données économiques à la date de l'évaluation du préjudice ; que, sur la base de ces éléments rapportés à une victime âgée de 50 ans à la date du 8 novembre 2007 à laquelle il y a lieu de se placer pour évaluer les pertes de revenu postérieures à la consolidation et d'un départ en retraite à l'âge de 60 ans, le coefficient de capitalisation de 9,683 permet de déterminer un capital de 365 726 euros ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que la Carpimko a versé et versera à l'appelante jusqu'à l'âge de 60 ans, au titre d'une rente invalidité, une somme de 93 984,91 euros et non de 98 063,86 euros retenue à tort par le tribunal, qu'il y a lieu de déduire du montant capitalisé ; qu'ainsi les pertes de revenu de Mme postérieurement à la consolidation de son dommage peuvent être évaluées à la somme de 271 742 euros ;
8. Considérant que le centre hospitalier universitaire de Nice conteste la mise à sa charge des sommes versées par la Carpimko au titre du versement d'une rente d'invalidité, au motif qu'il n'est pas établi, au vu du taux de déficit permanent dont elle reste atteinte, que Mme serait inapte à l'exercice de toute activité professionnelle ; que les sommes versées au titre de la rente d'invalidité par le régime légal auquel elle était affiliée avaient toutefois vocation à compenser la diminution de sa capacité de travail ou de gain ; que la circonstance qu'elle conserve une capacité de travail résiduelle est sans influence sur l'existence de ce préjudice et sur la créance de l'organisme social ; qu'il résulte en revanche de l'instruction que les sommes versées à ce titre ne s'élèvent pas à la somme de 98 063, 86 euros retenue par le tribunal, qui comprend une somme de 4 078,95 euros correspondant à des frais de gestion et non à des débours, mais à la somme de 93 987,91 euros ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme est fondée à demander que ses préjudices à caractère patrimoniaux soient réparés par le versement d'une somme de 354 751 euros ; que le centre hospitalier de Nice est pour sa part fondé à demander que les sommes correspondant aux préjudices à caractère patrimonial pour lesquels la Carpimko est subrogée dans les droits de son assurée soient ramenées à 119 787,56 euros ;
En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :
10. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que Mme a souffert d'un déficit temporaire total de 26 mois et 8 jours ; que, postérieurement à sa consolidation, elle reste atteinte d'un déficit fonctionnel permanent de 10 % ; que les séquelles dont elle reste atteinte font obstacle à la poursuite de l'exercice de son activité professionnelle d'orthophoniste ; que, dans les circonstances de l'espèce, le tribunal a fait une juste appréciation des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence et de son préjudice moral, comprenant notamment la gêne dans les actes de la vie courante et le préjudice d'agrément, d'ailleurs fort peu documenté, en lui allouant une somme de 25 000 euros ; qu'en fixant à la somme de 10 000 euros la réparation des souffrances endurées par Mme , chiffrées à 5 sur 7, il en a fait une appréciation qui n'est pas insuffisante ; qu'il a de même justement réparé son préjudice esthétique, chiffré à 4 sur 7 par l'expert, en lui allouant la somme de 10 000 euros ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme est, dans la seule mesure des motifs exposés ci-dessus, fondée à soutenir que ses préjudices ont été insuffisamment réparés par le jugement attaqué ; que le centre hospitalier universitaire de Nice est, pour sa part, seulement fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamné à verser à la Carpimko une somme excédant 119 787,56 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Nice la somme de 2 000 euros à verser à Mme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en revanche obstacle à ce que le centre hospitalier qui n'a pas, s'agissant des condamnations qui concernent la Carpimko, la qualité de partie perdante, dans la présente instance, verse à cet organisme une quelconque somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les sommes que le centre hospitalier universitaire de Nice a été condamné à verser à Mme par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Nice du 19 mars 2010 sont portées à 399 751 euros.
Article 2 : Les sommes que le centre hospitalier universitaire de Nice a été condamné à verser à la Carpimko par l'article 7 du jugement du 19 mars 2010 sont ramenées à 119 787,56 euros.
Article 3 : Le jugement du 19 mars 2010 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le centre hospitalier universitaire de Nice versera à Mme une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de l'ensemble des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Marie-Elisa , à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes, à la Carpimko et au centre hospitalier universitaire de Nice.
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N° 10MA01935