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04/10/2012 | FRANCE | N°10MA03548

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 04 octobre 2012, 10MA03548


Vu la requête, enregistrée le 9 septembre 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 10MA03548, présentée pour M. Sofyane A, demeurant ..., par Me Verrier, avocat ;

M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002028 du 7 juillet 2010 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 30 avril 2010 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé la Tunisie comm

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Vu la requête, enregistrée le 9 septembre 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 10MA03548, présentée pour M. Sofyane A, demeurant ..., par Me Verrier, avocat ;

M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002028 du 7 juillet 2010 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 30 avril 2010 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé la Tunisie comme pays de destination, à ce qu'il soit enjoint à cette même autorité de lui délivrer un titre de séjour à compter de la notification du jugement sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " salarié ", subsidiairement un récépissé portant autorisation de travail, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l'arrêté à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

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Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;

Vu l'accord franco-tunisien relatif aux échanges de jeunes professionnels signé le 4 décembre 2003 et son décret d'application n° 2004-579 du 17 juin 2004 ;

Vu l'accord relatif à la gestion contrôlée des migrations et au développement solidaire, le protocole relatif à la gestion concertée des migrations et le protocole en matière de développement solidaire entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne signés le 28 avril 2008 et le décret portant publication n° 2009-905 du 24 juillet 2009 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 septembre 2012 :

- le rapport de M. Pocheron, président assesseur,

- et les observations de Me Brun, avocat substituant Me Baudoux pour M. A ;

Considérant que M. A, de nationalité tunisienne, est entré en France le 12 septembre 2008 sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " salarié ANAEM " après avoir obtenu le 23 juillet 2008 une décision favorable des services régionaux de Provence-Alpes-Côte d'Azur du travail et de l'emploi pour son introduction en France en qualité de " salarié étranger relevant d'un accord bilatéral relatif aux échanges de jeunes professionnels ", pour un emploi de technicien supérieur au sein de la SARL " Créations et parfums " sise à Saint-Cézaire sur Siagne (Alpes-Maritimes) ; qu'il a bénéficié à cet effet de récépissés avec autorisation de travail valables du 1er août au 31 décembre 2008, délivrés par la préfecture des Alpes-Maritimes ; que, par courrier du 12 novembre 2008, son employeur a informé l'administration qu'il ne s'était plus présenté à son poste de travail depuis le 6 octobre 2008 ; que, le 30 mars 2009, l'intéressé a sollicité auprès du préfet des Alpes-Maritimes un changement de statut en produisant la copie d'un nouveau contrat de travail à durée indéterminée établi le 5 octobre 2008 par l'entreprise " Oujani Lofti " pour un emploi d'ouvrier jardinier ; que, le 24 juillet 2009, la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP) des Alpes-Maritimes a refusé d'autoriser le requérant à exercer cet emploi ; que M. A relève appel du jugement en date du 7 juillet 2010 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté en date du 30 avril 2010 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un carte de séjour portant la mention " salarié ", lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé la Tunisie comme pays de destination ;

Considérant en premier lieu que M. Benoît Brocard, secrétaire général de la préfecture des Alpes-Maritimes, était titulaire à la date de l'arrêté litigieux d'une délégation de signature par arrêté du 6 janvier 2010 régulièrement publié au recueil des actes administratifs n° 01-2010 du 7 janvier 2010, qui l'autorisait notamment à signer les décisions de refus de délivrance de titre de séjour assorties d'une obligation de quitter le territoire français ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte, nonobstant la circonstance que le préfet n'a pas produit au dossier copie de l'arrêté de nature réglementaire du 6 janvier 2010, doit être écarté ;

Considérant en deuxième lieu qu'aux termes de l'article L.313-14 dudit code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L.313-11, ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L.313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article, peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L.311-7 ... " ; que, cependant, les stipulations de l'article 3 de l'accord susvisé franco-tunisien du 17 mars 1988 font obstacle à la délivrance aux ressortissants tunisiens de la carte de séjour visée à l'article L.313-10-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tant sur le fondement de ces dispositions que sur celui des dispositions de l'article L.313-14 précité du même code ; que le requérant ne produit par ailleurs aucun élément de nature à considérer que son admission au séjour pourrait répondre à des considérations humanitaires ou se justifierait au regard de motifs exceptionnels ; que, par suite, les moyens tirés de la violation des articles L.313-10-1° et L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés ; que les circonstances, à les supposer même établies, que l'emploi qu'il souhaitait exercer aurait été inclus dans une liste des métiers dits " en tension " annexée à l'accord franco-tunisien susvisé du 28 avril 2008, ou qu'il aurait eu les compétences et le diplôme requis pour l'exercer, sont dés lors sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté ;

Considérant en troisième lieu que les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoient la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " au ressortissant tunisien justifiant notamment d'un contrat de travail visé par les autorités compétences ; qu'ainsi qu'il a été dit, la DDTEFP des Alpes-Maritimes a refusé par décision du 24 juillet 2009 d'autoriser M. A à exercer l'emploi d'ouvrier jardinier au sein de l'entreprise " Oujani Lofti " qui faisait l'objet du contrat à durée indéterminée litigieux ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'administration aurait en l'espèce méconnu lesdites stipulations ;

Considérant en quatrième lieu qu'aux termes de l'article 3 de l'accord susvisé franco-tunisien du 4 décembre 2003 : " La durée autorisée de l'emploi peut varier de trois à douze mois et faire éventuellement l'objet d'une prolongation de six mois. Avant de quitter leur pays, les jeunes professionnels français et tunisiens doivent s'engager à ne pas poursuivre leur séjour dans l'Etat d'accueil à l'expiration de la période autorisée, ni à prendre un emploi autre que celui prévu aux termes des conditions de leur entrée dans l'Etat d'accueil ... " ; qu'ainsi qu'il a été dit, M. A n'a été autorisé à séjourner que cinq mois en France, du 1er au 31 décembre 2008 ; que le 6 octobre 2008 il a pris en emploi autre que celui prévu aux termes des conditions de son entrée sur le territoire français ; qu'il ne pouvait en tout état de cause être autorisé à prolonger la durée de l'emploi qu'il avait quitté à cette même date ; qu'il n'est au surplus aucunement établi que son employeur, la SARL " Créations et parfums " aurait refusé de le déclarer aux services de l'URSSAF et de lui délivrer des fiches de paie ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'administration aurait méconnu les stipulations précitées de l'accord franco-tunisien du 4 décembre 2003 ou qu'elle aurait entaché les décisions querellées d'erreur manifeste d'appréciation ; que la circonstance que l'administration lui a délivré des récépissés de demande de titre de séjour pendant la période d'instruction de son dossier de changement de statut est sans incidence sur la régularité de l'arrêté litigieux ;

Considérant en cinquième lieu que M. A n'établit en tout état de cause pas avoir été involontairement privé de son premier emploi ;

Considérant en sixième lieu qu'aux termes de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : ... 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L.311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ... " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " -1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

Considérant que M. A, célibataire, sans enfant, est entré en France le 12 septembre 2008 et y résidait ainsi depuis seulement dix-huit mois à la date de l'arrêté litigieux ; que s'il avait un frère en France en situation régulière, il n'établit ni même n'allègue avoir été dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il avait vécu jusqu'à l'âge de vingt-sept ans ; que, par suite, les décisions en cause, qui n'ont pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises, n'ont pas méconnu l'article L.313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent par voie de conséquence qu'être rejetées ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. A la somme que celui-ci réclame au titre des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Sofyane A et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

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N° 10MA03548

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA03548
Date de la décision : 04/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. FERULLA
Rapporteur ?: M. Michel POCHERON
Rapporteur public ?: M. SALVAGE
Avocat(s) : VERRIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-10-04;10ma03548 ?
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