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02/10/2012 | FRANCE | N°10MA03850

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 02 octobre 2012, 10MA03850


Vu la requête, enregistrée le 18 octobre 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 10MA03850, présentée pour M. Ali A, demeurant au ..., par la SELARL d'avocats Desmettre Giguet et Faupin ;

M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004556 du 4 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 19 mars 2010 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

2°) d'annuler ledit arrê

té ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de sé...

Vu la requête, enregistrée le 18 octobre 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 10MA03850, présentée pour M. Ali A, demeurant au ..., par la SELARL d'avocats Desmettre Giguet et Faupin ;

M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004556 du 4 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 19 mars 2010 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987, modifié ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 septembre 2012 :

- le rapport de Mme Jorda-Lecroq, premier conseiller,

- les observations de Me Cohen, représentant M. A ;

Considérant que M. Ali A, de nationalité marocaine, relève appel du jugement du 4 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 19 mars 2010 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, titre qu'il avait sollicité sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et obligation de quitter le territoire français ;

Sur la légalité externe de l'arrêté du 19 mars 2010 :

Considérant, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 341-7-2 du code du travail, dans sa version issue du décret n° 84-169 du 8 mars 1984 et expressément abrogée par le décret n° 2007-801 du 11 mai 2007 : " Le contrat d'introduction de travailleur saisonnier visé par les services du ministre chargé du travail donne à son titulaire le droit d'exercer l'activité professionnelle salariée qui y est portée pendant sa durée de validité chez l'employeur qui a signé ce contrat. La durée totale du ou des contrats saisonniers dont peut bénéficier un travailleur étranger ne peut excéder six mois sur douze mois consécutifs. Un même employeur ne peut être autorisé à recourir à un ou des contrats de main-d'oeuvre saisonnière visés à l'article 1er pour une période supérieure à six mois sur douze mois consécutifs. Le décompte est effectué pour chaque établissement d'une même entreprise. A titre exceptionnel, l'employeur peut être autorisé à conclure des contrats saisonniers d'une durée maximum totale de huit mois sur douze mois consécutifs sous la double condition que ces contrats concernent des activités de production agricole déterminées, pour lesquelles cette mesure répond à des exigences spécifiques et que l'employeur intéressé apporte la preuve qu'il ne peut faire face à ce besoin par le recrutement de main-d'oeuvre déjà présente sur le territoire national. " ; qu'il résulte enfin des dispositions en vigueur depuis le 26 juillet 2006, et notamment de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version issue de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 et de l'article R. 5221-23 du code du travail, que la durée pendant laquelle un étranger peut occuper un ou plusieurs emplois saisonniers ne peut excéder six mois par an ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A est entré sur le territoire national entre 1988 et 2002 en étant titulaire de contrats saisonniers en qualité de travailleur agricole d'une durée de six mois, durée qui n'a pas été systématiquement portée à huit mois, 11 seulement de ces contrats ayant fait d'une telle prolongation ; qu'il est constant que le requérant est retourné au Maroc à l'issue de chacun de ces contrats ; qu'il ne peut, dans ces conditions, se prévaloir d'une résidence habituelle en France au titre de cette période ; qu'en ce qui concerne la période ultérieure, les pièces qu'il produit, si elles démontrent sa présence ponctuelle sur le territoire national au cours de quelques mois chaque année, ne sont pas suffisantes pour établir le caractère habituel de son séjour depuis 2002 ; que M. A ne justifiant pas d'une résidence habituelle en France depuis plus de dix ans, le moyen tiré du vice de procédure tenant à l'absence de saisine de la commission du titre de séjour mentionnée à l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, contrairement à ce que prévoient les dispositions de l'article L. 313-14 du même code, doit être écarté ;

Sur la légalité interne de l'arrêté du 19 mars 2010 :

Considérant, en premier lieu, qu'ainsi que cela a été dit précédemment, M. A, qui a été titulaire de contrats de travailleur saisonnier de six mois, dont 11 ont été prolongés à une durée de huit mois, pour les années 1998 à 2002, est retourné au Maroc à l'issue de chacun de ses contrats ; qu'il n'a jamais été titulaire d'une carte de séjour portant la mention " salarié " et, au demeurant, n'en a jamais sollicité la délivrance ; qu'il n'appartient pas à l'administration de requalifier des contrats de travailleurs saisonniers en contrats de travail à durée indéterminée ; que, dès lors, le moyen tiré de l'erreur de qualification juridique des faits qui aurait été commise par le préfet des Bouches-du-Rhône, en examinant sa situation pour la période allant de 1988 à 2002, comme étant celle d'un travailleur saisonnier, alors qu'il serait en réalité un travailleur permanent, doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " ;

Considérant M. A soutient qu'il peut se prévaloir de motifs exceptionnels et de considérations humanitaires, tenant au détournement par l'administration des règles d'introduction des saisonniers, à l'ancienneté et à la stabilité de sa résidence et de son travail en France, à la circonstance que le centre de ses intérêts économiques et professionnels se trouve sur le territoire national, où résident ses deux frères, sa fille, ses deux fils, ses petits-enfants, ses gendres et belles-filles et ses neveux et nièces, à sa participation pendant seize années au maintien d'une agriculture compétitive dans le département des Bouches-du-Rhône, à son statut artificiel de travailleur saisonnier, alors qu'il était en réalité un travailleur permanent, et à la rupture de l'égalité de traitement avec d'autres ouvriers se trouvant dans une situation comparable ; que toutefois, et ainsi que l'ont retenu à juste titre les premiers juges, il ressort des pièces du dossier que le requérant, qui n'établit ni même n'allègue être dans l'impossibilité de travailler depuis l'accident dont il a été victime le 7 août 2002, n'exerce plus d'activité professionnelle depuis le mois d'octobre 2002 ; qu'il ne démontre ainsi pas avoir fixé le centre de ses intérêts professionnels en France ; que, dans ces conditions, et alors même que M. A, qui dispose de membres de sa famille en France et y a travaillé, dans le cadre d'un processus d'immigration de travail contrôlé par les pouvoirs publics sans pour autant que soient respectées les conditions légales et réglementaires en vigueur, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas commis, eu égard en particulier aux années pendant lesquelles M. A a cessé de travailler sur le territoire national, d'erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'il ne pouvait se prévaloir de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires de nature à justifier son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

Considérant que M. A, né en 1951, soutient qu'il a établi, en particulier du fait de son parcours professionnel et de son insertion, le centre de sa vie privée en France, où résident ses deux frères, sa fille, ses deux fils, ses petits-enfants, ses gendres et belles-filles et ses neveux et nièces ; que toutefois le requérant, âgé de cinquante-neuf ans à la date de l'arrêté litigieux, et qui, ainsi que cela a été dit précédemment, a rejoint, à l'issue de chacun de ses contrats saisonniers, son pays d'origine, n'exerce plus aucune activité professionnelle depuis 2002 ; que nonobstant la présence en France de membres de sa famille, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales fortes au Maroc, où résident son épouse ainsi que l'un de ses enfants, avec lesquels il n'est pas contesté qu'il entretient des liens ; qu'ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que le centre de ses intérêts personnels et familiaux, lesquels s'apprécient dans leur globalité et concrètement, se situe en France ; que, dans ces conditions, l'arrêté contesté du 19 mars 2010 n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 19 mars 2010 et à demander l'annulation desdits jugement et arrêté ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Ali A et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA03850
Date de la décision : 02/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: Mme Karine JORDA-LECROQ
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL DESMETTRE GIGUET et FAUPIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-10-02;10ma03850 ?
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