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17/09/2012 | FRANCE | N°10MA01803

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 5, 17 septembre 2012, 10MA01803


Vu la requête, enregistrée le 10 mai 2010, présentée pour Mme Danielle A, demeurant au ..., par la SCP Pierre Colonna d'Istria - Nicole Gasior ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 4 du jugement n° 0803028 du 9 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Marseille, après avoir, par son article 1er, condamné l'assistance publique - hôpitaux de Marseille à lui verser une somme de mille euros, par son article 2 mis les frais d'expertise à la charge de cette dernière et, l'avoir condamnée, par son article 3, à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative, a rejeté le s...

Vu la requête, enregistrée le 10 mai 2010, présentée pour Mme Danielle A, demeurant au ..., par la SCP Pierre Colonna d'Istria - Nicole Gasior ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 4 du jugement n° 0803028 du 9 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Marseille, après avoir, par son article 1er, condamné l'assistance publique - hôpitaux de Marseille à lui verser une somme de mille euros, par son article 2 mis les frais d'expertise à la charge de cette dernière et, l'avoir condamnée, par son article 3, à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à la condamnation de cet établissement à lui verser la somme de 17 381,73 euros, en réparation du préjudice qu'elle a subi lors de l'intervention chirurgicale dont elle a fait l'objet le 12 juillet 2000 ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'assistance publique la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 95-1000 du 6septembre 1995 portant code de déontologie médicale ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 septembre 2012 :

- le rapport de Mme Menasseyre, rapporteure,

- les conclusions de Mme Fedi, rapporteure publique,

Considérant que Mme A a subi, le 12 juillet 2000, à l'hôpital de la Conception, qui dépend de l'Assistance publique des hôpitaux de Marseille une intervention chirurgicale en vue de l'ablation et de l'analyse de microcalcifications du sein droit mises en évidence lors d'une mammographie de dépistage ; qu'elle relève appel du jugement du 9 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Marseille n'a que partiellement fait droit à ses conclusions tendant à la réparation des préjudices consécutifs à cette intervention ; que l'assistance publique de Marseille demande pour sa part l'annulation du jugement en tant qu'il a prononcé sa condamnation ;

Considérant que Mme A, dont le sein droit présentait des microcalcifications mises en évidence à l'occasion d'une mammographie effectuée le 30 mai 2000 a consulté le 7 juin 2000 un praticien de l'hôpital de la Conception, qui lui a proposé de procéder à l'exérèse chirurgicale de ces microcalcifications ; que l'intervention, qui s'est déroulée le 12 juillet 2000, après mise en place la veille d'un repère métallique après repérage radiologique a consisté en une exérèse des microcalcifications après incision arciforme au niveau du quadrant supéroexterne du sein droit ; que Mme A estime que la responsabilité du centre hospitalier est engagée à son égard du fait de la réalisation sans son consentement d'une intervention chirurgicale différente de celle qui lui avait été proposée lors de la consultation du 7 juin 2000, consistant en une exérèse par voie péri-aréolaire ;

Considérant que l'article 16-3 du code civil, dans sa rédaction alors en vigueur disposait : " Il ne peut être porté atteinte à l'intégrité du corps humain qu'en cas de nécessité thérapeutique pour la personne./ Le consentement de l'intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n'est pas à même de consentir " ;

Considérant que sauf en cas d'urgence, d'impossibilité, ou de refus du patient d'être informé, ce dernier doit être éclairé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement sur les caractéristiques, l'étendue et les conséquences du traitement qu'il va subir, les risques connus de décès ou d'invalidité, et les éventuelles alternatives thérapeutiques ; que cette obligation du médecin d'informer son patient avant de porter atteinte à son corps est fondée sur la sauvegarde de la dignité humaine ; que si un manquement des médecins à leur obligation d'information engage la responsabilité de l'hôpital dans la mesure où il a privé le patient de la possibilité de se soustraire au risque lié à l'intervention, un tel manquement cause également à celui auquel l'information était légalement due un préjudice que le juge ne peut laisser sans réparation, et qui ne saurait se confondre avec la perte de chance d'éviter le dommage ;

Considérant que l'hôpital fait valoir que le rapport d'expertise indique que Mme A a reçu une information sur la nécessité et la nature de l'intervention qu'elle allait subir, et la nécessité d'un repérage préopératoire ; qu'il n'est toutefois pas en mesure de produire un document de nature à établir le contenu de l'information ainsi délivrée à l'appelante, qui ne conteste d'ailleurs pas avoir reçu un certain nombre d'informations avant l'intervention, mais reproche à l'hôpital de l'avoir entretenue dans l'idée que l'incision serait pratiquée par voie péri aréolaire ; que l'expert relève par ailleurs " qu'aucun consentement écrit n'a été communiqué " ; qu'il résulte de l'instruction que la nécessité de retenir une incision arciforme plutôt que l'incision péri-aréolaire initialement envisagée était connue du chirurgien dès la veille de l'intervention compte tenu du repérage pratiqué ; qu'il n'existait pas d'urgence ni de nécessité impérieuse faisant obstacle à ce que Mme A qui était à même de donner ou refuser son consentement à cette intervention soit informée des éventuelles implications de ce changement de voie d'abord et consultée sur ce point ; qu'ainsi, la réalisation d'une intervention dans des conditions différentes de celles pour lesquelles le consentement de la patiente avait été recueilli est, dans les circonstances de l'espèce, constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité du service hospitalier ;

Considérant toutefois que l'assistance publique des hôpitaux de Marseille fait valoir que l'appelante ne saurait être regardée comme ayant été privée d'une chance de se soustraire à l'intervention en litige comme aux risques qu'elle comportait, dès lors que, ainsi que l'ont jugé les premiers juges, l'état de santé de Mme A justifiait l'ablation des micro-calcifications, d'un aspect irrégulier, et donc l'exérèse pratiquée qui était le seul traitement envisageable, sans alternative thérapeutique fiable ; qu'il est constant que Mme A a donné son accord de principe à la réalisation d'une intervention chirurgicale en vue de l'exérèse des microcalcifications que présentait son sein droit ; qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que l'acte en cause était nécessaire et ne présentait pas de meilleure alternative ; que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont estimé que Mme A ne saurait être regardée comme ayant été privée d'une chance de se soustraire à l'intervention en litige comme aux risques qu'elle comportait ;

Considérant en revanche que, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, le manquement de l'établissement intimé à son obligation d'information est à l'origine d'un préjudice réparable indépendamment de toute perte de chance ; qu'en l'espèce, la lésion de ce droit subjectif a entraîné pour Mme A un préjudice moral, résultant de ce qu'elle a brutalement pris connaissance, postérieurement à l'intervention, de la voie pratiquée et des cicatrices en résultant et du ressentiment éprouvé à l'idée de ne pas avoir consenti à cette atteinte à son intégrité corporelle ; que, contrairement à ce que soutient l'appelante, les premiers juges n'ont pas fait une appréciation insuffisante de ce préjudice en le réparant par l'allocation d'une somme de 1 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a limité à la somme de 1 000 euros la réparation de ses préjudices ; que l'assistance publique de Marseille n'est pour sa part pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont partiellement fait droit à sa demande ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Mme A sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A et les conclusions incidentes de l'assistance publique de Marseille sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Danielle A, à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône et à l'Assistance publique de Marseille.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2012, où siégeaient :

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10MA01803


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 10MA01803
Date de la décision : 17/09/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-01-01-04 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier. Existence d'une faute. Manquements à une obligation d'information et défauts de consentement.


Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: Mme FEDI
Avocat(s) : SCP PIERRE COLONNA D'ISTRIA - NICOLE GASIOR

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-09-17;10ma01803 ?
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