Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 26 juillet 2010, sous le numéro 10MA02889, présentée pour M. et Mme , demeurant ... (20100) par Me Peres, avocat ;
M. et Mme demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0900997 du 15 juillet 2010 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 août 2009 par lequel le préfet de Corse, préfet de la Corse du Sud a déclaré l'infection de tuberculose du cheptel caprin de M. et prescrit son abattage ;
2°) d'annuler l'arrêté susmentionné du préfet de Corse, préfet de la Corse du Sud ;
3°) de condamner l'Etat à verser à Me Chiaverini une somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
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Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu l'arrêté du ministre de l'agriculture du 15 septembre 2003 modifié fixant les mesures techniques et administratives relatives à la prophylaxie collective et à la police sanitaire de la tuberculose des bovinés et des caprins ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juillet 2012 :
le rapport de Mme Pena, premier conseiller ;
et les conclusions de M. Brossier, rapporteur public ;
Considérant que M. et Mme relèvent appel du jugement du 15 juillet 2010 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 août 2009 par lequel le préfet de Corse, préfet de la Corse du Sud a déclaré l'infection de tuberculose du cheptel caprin de M. et prescrit son abattage ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant que faute d'avoir établi sa qualité d'éleveur ou de propriétaire du troupeau caprin concerné, Mme ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir à l'encontre de l'arrêté du 20 août 2009 ; que, dès lors, la requête de première instance n'est pas recevable en tant qu'elle est présentée par cette dernière ;
Considérant que M. est éleveur et était propriétaire du cheptel caprin visé par l'arrêté du 20 août 2009 ; que cette dernière qualité suffisait à lui conférer un intérêt pour agir à l'encontre de cette décision sans que le préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud puisse se prévaloir de ce que le cheptel en question a été abattu et que l'autopsie effectuée en novembre 2009 a confirmé la présence de tuberculose au sein dudit troupeau pour soutenir que le requérant ne disposait pas d'une qualité lui donnant intérêt pour agir ; que la fin de non-recevoir opposée par le préfet en première instance doit donc être écartée ;
Sur le fond :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 221-1 du code rural alors applicable : " Suivant les modalités prévues par un arrêté conjoint du ministre chargé de l'agriculture et du ministre chargé de l'économie et des finances, le ministre chargé de l'agriculture peut prendre toutes mesures destinées à prévenir l'apparition, à enrayer le développement et à poursuivre l'extinction des maladies des animaux réputées contagieuses ... " ; que, par arrêté du 13 mars 2003, le ministre chargé de l'agriculture et le ministre chargé de l'économie et des finances ont défini les mesures que peut prendre par arrêté le ministre chargé de l'agriculture, et notamment l'abattage, ainsi que les circonstances dans lesquelles pouvaient être prises ces mesures ; que selon l'article 12 de l'arrêté du ministre de l'agriculture du 15 septembre 2003 modifié fixant les mesures techniques et administratives relatives à la prophylaxie collective et à la police sanitaire de la tuberculose des bovinés et des caprins, sont notamment considérés comme suspects d'être infectés de tuberculose, les animaux sur lesquels ont été constatées des lésions évocatrices de tuberculose à l'abattoir et sont notamment considérés comme infectés les animaux ayant donné lieu à isolement et identification de Mycobacterium bovis dans un laboratoire agréé ; qu'aux termes de l'article 21 de ce même arrêté : " Pour l'application du présent chapitre, un troupeau de bovinés est déclaré : 1° Susceptible d'être infecté de tuberculose lorsqu'un lien épidémiologique à risque a été établi avec un animal infecté de tuberculose ; 2° Suspect d'être infecté de tuberculose lorsqu'un boviné suspect de tuberculose au sens de l'article 12 (2°) y est détenu ou en provient ; 3° Infecté de tuberculose lorsqu'un boviné infecté de tuberculose au sens de l'article 12 (3°, a, b, c ou d) y est détenu ou en provient " ; que l'article 23 de cet arrêté dispose que : " Les troupeaux suspects d'être infectés au sens de l'article 21 sont placés sous arrêté préfectoral de surveillance et, s'il y a lieu, leur qualification est immédiatement suspendue. L'arrêté préfectoral de surveillance prescrit les mesures prévues aux 1°, 2°, 6° et 7° de l'article 26 ainsi que : 1° Mise en oeuvre de toutes les investigations épidémiologiques et analytiques, contrôles documentaires, contrôles par test allergique de tout ou partie des animaux et contrôles des pratiques d'élevage utiles à la détermination du statut sanitaire du troupeau ; 2° Interdiction de livrer à la consommation à l'état cru le lait produit par le troupeau ;
3° Interdiction de livrer à la consommation en l'état les produits au lait cru fabriqués avec le lait produit par le troupeau et n'ayant pas atteint une durée de maturation de soixante jours. Lorsque les résultats des tests allergiques ne permettent pas d'infirmer la suspicion, le directeur départemental des services vétérinaires peut ordonner l'abattage d'animaux suspects ainsi que l'autopsie d'animaux morts ou euthanasiés à des fins d'examen nécropsique et de diagnostic expérimental. Un troupeau recouvre sa qualification si les résultats des contrôles par intradermotuberculination, des investigations épidémiologiques et des analyses de laboratoire prévus ci-dessus sont considérés comme favorables ; en cas de conclusion défavorable, le troupeau est déclaré infecté et les mesures prévues à l'article 26 ci-dessous sont mises en oeuvre sans délai (...). " ; et qu'aux termes de l'article 26 de cet arrêté : " Lorsque l'existence de la tuberculose est confirmée par les examens prévus aux articles précédents, l'arrêté préfectoral de surveillance est remplacé par un arrêté préfectoral portant déclaration d'infection du troupeau qui prescrit l'application des mesures d'assainissement suivantes : 1° Visite, recensement et contrôle de l'identification des bovinés et des animaux d'autres espèces sensibles présents dans l'exploitation ; 2° Isolement et séquestration de tous les animaux du troupeau reconnu infecté jusqu'à leur abattage ; 3° Mise en oeuvre d'investigations cliniques, allergiques et épidémiologiques à l'égard des animaux d'autres espèces sensibles à la tuberculose détenus sur l'exploitation dans les conditions définies par instruction du ministre chargé de l'agriculture ; 4° Isolement et séquestration des animaux d'autres espèces sensibles à la tuberculose reconnus tuberculeux dans les conditions définies par instruction du ministre chargé de l'agriculture ; 5° Marquage et abattage de tous les animaux du troupeau de bovinés reconnu infecté ; 6° Interdiction de laisser entrer dans les locaux ou les herbages de l'exploitation des animaux de l'espèce bovine ou d'autres espèces sensibles provenant d'autres troupeaux, sauf dérogation accordée par le directeur départemental des services vétérinaires ; 7° Interdiction de laisser sortir de l'exploitation des animaux de l'espèce bovine ou d'une autre espèce sensible, sauf dérogation accordée par le directeur départemental des services vétérinaires ; 8° Réalisation selon les modalités définies par instruction du ministre chargé de l'agriculture d'une enquête épidémiologique approfondie visant à déterminer la source et les conditions dans lesquelles l'infection tuberculeuse s'est propagée à l'élevage et identifier les élevages susceptibles d'avoir été infectés à partir du troupeau infecté ; 9° Interdiction de livrer le lait produit par le troupeau à la consommation à l'état cru ou sous forme de produit au lait cru ; 10° Interdiction de livrer à la consommation en l'état les produits au lait cru fabriqués avec le lait produit par le troupeau dans les deux mois précédant la confirmation de l'infection " ;
Considérant que le 27 mars 2009, des lésions évoquant la tuberculose bovine ont été révélées, à l'abattoir de Cuttoli, sur un veau provenant du cheptel bovin de Mme Prudent, éleveur à Sartène ; que ces lésions ont été confirmées par les analyses bactériologiques effectuées le 15 juin 2009 sur ledit animal par le laboratoire d'études et de recherches en pathologie animale et zoonoses de Maisons Alfort ; que le préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud a alors pris des mesures de protection sanitaire à l'encontre du cheptel de Mme Prudent et des cheptels caprins voisins ; qu'il a ainsi pris le 3 juillet 2009, en application de l'article 23 de l'arrêté ministériel du 15 septembre 2003 susmentionné, un arrêté portant mise sous surveillance du cheptel caprin de M. suspect d'être infecté de tuberculose bovine en raison du lien épidémiologique entre les différents cheptels ; que si les tests de tuberculination réalisés le 19 juin 2009 sur les 107 caprins du cheptel de M. se sont tous déclarés négatifs, l'enquête épidémiologique menée par un inspecteur de santé publique vétérinaire sur l'exploitation de ce dernier le 15 juillet 2009 a quant à elle mis en évidence un facteur de risque de contamination du cheptel tant par la possibilité de contact de voisinage avec le cheptel infecté de Mme Prudent, les différents troupeaux partageant les mêmes pâtures et les mêmes points d'abreuvement, que par l'impossibilité de clôturer les terrains concernés ;
que c'est au regard de ces éléments et dans le but d'éviter tout risque sanitaire de propagation de cette maladie que le préfet de Corse, préfet de la Corse du Sud a pris l'arrêté attaqué du 20 août 2009 portant déclaration d'infection du dit troupeau et prescrivant certaines des mesures énumérées à l'article 26 de l'arrêté ministériel du 15 septembre 2005, notamment l'isolement et la séquestration du cheptel, le marquage et l'abattage de tous les caprins de l'exploitation, l'interdiction de livrer à la consommation le lait produit par le troupeau à l'état cru ainsi que les produits fabriqués avec ce lait ;
Considérant qu'il résulte toutefois des dispositions de l'article 26 précité de l'arrêté ministériel du 15 septembre 2003 que l'arrêté préfectoral de surveillance est remplacé par un arrêté préfectoral portant déclaration d'infection du troupeau " lorsque l'existence de la tuberculose est confirmée par les examens prévus aux articles précédents " ; qu'il est constant qu'à la date de l'arrêté litigieux, seuls les contrôles par intradermotuberculination ainsi qu'une investigation épidémiologique avaient été réalisés et qu'aucun examen n'était venu confirmer la contamination par la tuberculose du cheptel caprin de M. ; que si des analyses bactériologiques de l'agence française de sécurité sanitaire des aliments sont venues confirmer la suspicion qui pesait sur ledit troupeau par l'identification du germe responsable de la tuberculose bovine sur l'un des animaux du troupeau de M. , ces analyses n'ont débuté que le 26 novembre 2009 et leurs résultats n'ont été publiés que le 15 décembre 2009 ; que par suite, et nonobstant la circonstance que les animaux de M. étaient divagants, le préfet de Corse, préfet de Corse-du-Sud ne pouvait, sans méconnaître les dispositions précitées de l'article 26 de l'arrêté du 15 septembre 2003, édicter dès le 20 août 2009, un arrêté portant déclaration d'infection de tuberculose du cheptel caprin de M. et ainsi décider de son abattage en totalité avant le 21 septembre 2009 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 20 août 2009 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de condamner l'Etat à payer à M. une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête, en tant qu'elle est présentée par Mme Lescot, est rejetée.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bastia n° 0900997 en date du 15 juillet 2010 et l'arrêté du préfet de Corse, préfet de la Corse du Sud en date du 20 août 2009 sont annulés.
Article 3 : L'Etat versera à M. une somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4: Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Copie en sera adressée au préfet de Corse, préfet de la Corse du Sud.
Délibéré après l'audience du 3 juillet 2012 où siégeaient :
- M. Férulla, président de chambre,
- M. Pocheron, président assesseur,
- Mme Pena, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 31 août 2012.
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N° 10MA02889 2
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