Vu la requête, enregistrée le 20 décembre 2010, présentée pour
M. Mohamed A, demeurant ..., par Me Touhlali, avocat ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0904299 du 19 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 16 juin 2009 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ledit arrêté ;
3°) d'enjoindre audit préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention salarié, ou subsidiairement une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou à titre infiniment subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer pendant cet examen un récépissé de demande de titre de séjour lui permettant de travailler, le tout dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros à verser à Me Touhlali en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'État ;
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Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;
Vu le décret n° 2011-1950 du 23 décembre 2011 modifiant le code de justice administrative, notamment les dispositions de ses articles 1er à 11 relatives à la dispense de conclusions du rapporteur public et au déroulement de l'audience ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 juin 2012 :
- le rapport de M. Reinhorn, président-rapporteur ;
Considérant que M. A relève appel du jugement en date du 19 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du préfet des Bouches-du-Rhône, en date du 16 juin 2009, rejetant sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-14 et L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur les conclusions d'annulation :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à
l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) " ; qu'aux termes de
l'article R. 341-7-2 du code du travail, dans sa version issue du décret n° 84-169 du 8 mars 1984 et expressément abrogée par le décret n° 2007-801 du 11 mai 2007 : " Le contrat d'introduction de travailleur saisonnier visé par les services du ministre chargé du travail donne à son titulaire le droit d'exercer l'activité professionnelle salariée qui y est portée pendant sa durée de validité chez l'employeur qui a signé ce contrat. La durée totale du ou des contrats saisonniers dont peut bénéficier un travailleur étranger ne peut excéder six mois sur douze mois consécutifs.
Un même employeur ne peut être autorisé à recourir à un ou des contrats de main-d'oeuvre saisonnière visés à l'article 1er pour une période supérieure à six mois sur douze mois consécutifs. Le décompte est effectué pour chaque établissement d'une même entreprise. A titre exceptionnel, l'employeur peut être autorisé à conclure des contrats saisonniers d'une durée maximum totale de huit mois sur douze mois consécutifs sous la double condition que ces contrats concernent des activités de production agricole déterminées, pour lesquelles cette mesure répond à des exigences spécifiques et que l'employeur intéressé apporte la preuve qu'il ne peut faire face à ce besoin par le recrutement de main-d'oeuvre déjà présente sur le territoire national. " ; qu'il résulte enfin des dispositions en vigueur depuis le 26 juillet 2006, et notamment de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version issue de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 et de l'article R. 5221-23 du code du travail, que la durée pendant laquelle un étranger peut occuper un ou plusieurs emplois saisonniers ne peut excéder six mois par an ;
Considérant qu'en présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale" répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a bénéficié, entre 1992 et 2009, de dix-huit procédures d'introduction en qualité de travailleur saisonnier, pour lesquelles il a présenté des contrats de travail " OMI " signés par des exploitations agricoles du département des Bouches-du-Rhône ; que, s'il soutient avoir résidé en France de façon permanente compte tenu de la prorogation de ses contrats de travail au delà de leur durée initiale de six mois, en dépit des dispositions alors en vigueur de l'article R. 341-7-2 du code du travail qui ne prévoyait cette possibilité qu'à titre exceptionnel, il ne ressort cependant pas des pièces du dossier que lesdits contrats, qui ont tous été conclus pour une durée maximale de six mois, aient été prorogés ; que dans ces conditions, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'aucun motif exceptionnel n'était de nature à justifier son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, M. A a bénéficié de cartes de séjour en qualité de travailleur saisonnier qui lui donnaient vocation à rentrer dans son pays au terme d'un contrat de travail d'une durée de six mois ; qu'au moment des faits en litige, lui avait ainsi été délivrée une carte de séjour en cette qualité, valable du 17 mars 2008 au 16 mars 2011 dont il n'a pas contesté la légalité ; qu'il n'a jamais été titulaire d'un titre de séjour en qualité de salarié et n'allègue au demeurant pas l'avoir sollicité ; qu'il ne saurait, par suite, invoquer une rupture de l'égalité de traitement du fait d'une discrimination entre travailleurs étrangers placés dans la même situation et une violation des engagements internationaux ratifiés par la France sur les travailleurs migrants, dès lors qu'en se bornant à refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui ne justifiait pas des conditions requises pour son obtention, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas commis de détournement de procédure ; que n'ont ainsi pas été méconnues les mesures de protection contre le chômage énoncées par les conventions n° 2 et n° 44 de l'organisation internationale du travail sur le chômage en date des 28 novembre 1919 et 23 juin 1934 ;
que n'ont pas davantage été méconnus le principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique et le principe interdisant les discriminations de toutes natures rappelés par la directive européenne n° 2000/43/CE du 29 juin 2000 et la
loi n° 2000-1486 du 30 décembre 2004 votée pour sa transcription en droit interne, la
convention n° 97 de l'organisation internationale du travail du 1er juillet 1949, les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 1132-1 du code du travail ; qu'enfin, contrairement à ce que soutient M. A, il n'appartenait pas à l'administration de requalifier d'office ses contrats de travail en contrat à durée indéterminée et de modifier la nature du titre de séjour qu'il avait demandé ; qu'il n'est ainsi pas fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur dans la qualification juridique des faits de l'espèce ;
Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : ... A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée " ;
Considérant que M. A n'établit pas le caractère continu de son séjour en France pendant dix-huit années par la seule production des contrats de travail dont il a bénéficié en qualité de saisonnier ; que, célibataire sans enfants, il n'établit pas par la seule présence sur le territoire français de son frère et de ses cousins que le centre de ses intérêts personnels et familiaux se situerait en France ; qu'il ne soutient pas ne plus avoir d'attaches familiales dans son pays d'origine ; que par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône a pu légalement rejeter sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-11-7° précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision contestée ; que, pour ces mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la vie personnelle de l'intéressé doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à de M. Mohamed A et au préfet des Bouches-du-Rhône.
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.
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N° 10MA045453