Vu la requête, enregistrée le 4 août 2010, présentée pour M. Amar A, demeurant ... ..., par Me Armand ;
M. A demande à la Cour :
1) d'annuler le jugement n° 0903167 du 6 mai 2010 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa requête aux fins d'annulation de la décision en date du 26 mai 2009 par laquelle le préfet de Vaucluse a refusé le bénéfice du regroupement familial à son épouse et à leur fils, ainsi que de la décision du 28 septembre 2009 rejetant son recours gracieux ;
2) d'annuler les décisions attaquées ;
3) d'enjoindre au préfet, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, dans les quinze jours suivant le caractère définitif de la décision à intervenir, d'autoriser le regroupement familial ou à défaut de réexaminer sa situation ;
4) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à payer à son conseil sous réserve pour ce dernier de renoncer à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;
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Vu le jugement attaqué
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
Vu l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la 3ème chambre de la cour dispensant le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 juin 2012 :
- le rapport de M. Haïli, premier conseiller,
- et les observations de Me Allegret, avocat de M. A ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que M. A fait valoir qu'en jugeant que l'erreur commise par le préfet du Vaucluse dans son mémoire en défense de première instance, qui mentionne à tort que M. A est titulaire d'une carte de retraité et que sa résidence habituelle se situe donc au Maroc, qualifiée d'erreur matérielle, était inopérante, les premiers juges ont statué " ultra petita " ; que toutefois, les premiers juges, en se fondant sur l'unique motif de la décision de rejet de la demande de regroupement familial attaquée qui est tiré de l'insuffisance de ressources de l'intéressé et en écartant à bon droit comme inopérant à l'effet de contester la légalité d'une décision un moyen contestant un argument de défense et non un motif de cette décision, n'ont pas, contrairement à ce que soutient le requérant, statué au-delà des conclusions et moyens dont ils ont été saisis ; que la motivation du jugement attaqué n'est pas non plus entachée de la contradiction alléguée par le requérant, les premiers juges ayant écarté le moyen fondé sur l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en relevant à la fois " la vie familiale limitée " de l'intéressé sur le territoire français et l'absence de justification de ce que " seule son épouse peut lui apporter une aide médicale " ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de ce jugement doit être écarté ;
Sur les conclusions à fin d'annulation des décisions attaquées :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième." ; qu'aux termes de l'article R. 411-4 du même code : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à :- cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes ; - cette moyenne majorée d'un dixième pour une famille de quatre ou cinq personnes ; - cette moyenne majorée d'un cinquième pour une famille de six personnes ou plus. " ;
Considérant qu'il est établi et non contesté que les ressources de M. A sont constituées uniquement d'une pension de retraite d'un montant brut mensuel de 467, 53 euros et d'une retraite complémentaire trimestrielle d'un montant brut de 278, 42 euros et sont donc globalement inférieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance ; qu'ainsi, en retenant l'insuffisance des ressources, le préfet de Vaucluse n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2° - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
Considérant que la demande présentée par M. A le 12 février 2009 tendait à un regroupement familial au profit de sa seconde épouse et de leur fils né le 3 juillet 2008 ; que M. A, qui est titulaire d'une carte de résident valable du 24 août 2008 au 23 août 2018, fait valoir que le centre de sa vie privée et familiale est désormais en France où il vit depuis 1970 et que, malade et âgé, il souhaiterait que son épouse et son dernier fils le rejoignent ; que, toutefois, il est constant que M. A n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, à savoir le Maroc, où, outre son épouse, résident également dix de ses onze enfants, ainsi que sa fratrie ; que, dans ces conditions, compte tenu de la possibilité pour le requérant de poursuivre de fait sa vie familiale au Maroc auprès de son épouse et de ses enfants, et alors qu'il n'est pas justifié que son état de santé exigerait qu'il résidât de façon permanente sur le territoire français en bénéficiant de l'assistance quotidienne de son épouse, la décision attaquée n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation " ;
Considérant que si le requérant soutient que la décision litigieuse crée une discrimination à son détriment en raison de son âge et de son état de santé, dès lors que son état lui interdit de se procurer des ressources et donc, d'atteindre le seuil requis pour pouvoir bénéficier du regroupement familial, la condition de ressources exigée de tous les candidats au regroupement familial à la date de la décision attaquée, marocains ou autres, n'a ni pour objet, ni pour effet, de créer une discrimination au détriment des étrangers âgés ou malades mais tend seulement, d'une manière générale, à permettre de garantir un accueil décent aux personnes désireuses de s'installer en France au titre du regroupement familial ; qu'il suit de là que la décision attaquée ne saurait, en tout état de cause, être regardée comme présentant à l'égard de M. A un caractère discriminatoire prohibé par les stipulations précitées ; qu'enfin, M. A ne peut davantage se prévaloir utilement d'une délibération de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité en date du 1er mars 2010 pour faire obstacle à l'application d'une disposition législative ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande à fin d'annulation ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être également rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Amar A et au préfet de Vaucluse.
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N° 10MA03090