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09/07/2012 | FRANCE | N°10MA00293

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 09 juillet 2012, 10MA00293


Vu la requête, enregistrée le 25 janvier 2010, au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 10MA00293, présentée pour la SOCIETE PISONI, dont le siège est au 2 chemin de Sartoux à Mouans Sartoux (06370), par la Selarl Masquelier - Garcia ;

La SOCIETE PISONI demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0404627 du 17 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 juillet 2004 par laquelle le maire de Nice a rejeté son recours indemnitaire préalable formé le 24 ma

i 2004 ainsi qu'à la condamnation de la commune de Nice à lui verser la som...

Vu la requête, enregistrée le 25 janvier 2010, au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 10MA00293, présentée pour la SOCIETE PISONI, dont le siège est au 2 chemin de Sartoux à Mouans Sartoux (06370), par la Selarl Masquelier - Garcia ;

La SOCIETE PISONI demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0404627 du 17 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 juillet 2004 par laquelle le maire de Nice a rejeté son recours indemnitaire préalable formé le 24 mai 2004 ainsi qu'à la condamnation de la commune de Nice à lui verser la somme de 902 550 € HT en réparation du préjudice subi du fait de la perte d'une chance sérieuse de réaliser le bénéfice qu'elle pouvait escompter de l'attribution des emplacements publicitaires de la commune, à la suite d'une mise en concurrence décidée par la délibération du conseil municipal du 20 décembre 2002 dont elle a été évincée ;

2°) de condamner la commune de Nice à lui verser la somme de 320 227 euros HT, avec intérêts au taux légal à compter du 24 mai 2004 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Nice une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 juin 2012 :

- le rapport de Mme Carotenuto, rapporteur,

- les conclusions de Mme Markarian, rapporteur public,

- et les observations de Me Masquelier, représentant la SOCIETE PISONI, et de Me David, représentant la commune de Nice ;

Après avoir pris connaissance de la note en délibéré, présentée pour la SOCIETE PISONI le 25 juin 2012 ;

Considérant que, par délibération en date du 20 décembre 2002, le conseil municipal de la commune de Nice a décidé d'approuver le lancement d'une mise en concurrence pour l'attribution d'autorisations d'occupation du domaine communal public et privé aux fins d'exploitation publicitaire pour 59 emplacements à effet au 1er septembre 2003 ; que la SOCIETE PISONI a déposé sa candidature, qui a été déclarée recevable lors de la séance de la commission chargée de l'attribution des autorisations, en date du 17 mars 2003 ; que, par suite, les plis ont été ouverts et analysés, et l'offre présentée par la SOCIETE PISONI a été rejetée, lors de la séance de la commission en date du 17 juin 2003, pour non conformité au règlement de consultation ; que, par lettre en date du 24 mai 2004, la SOCIETE PISONI a demandé à la commune de Nice une indemnisation à hauteur de 902 550 € HT pour le préjudice subi ; que ladite société a saisi le Tribunal administratif de Nice d'une demande tendant d'une part, à l'annulation de la décision du 15 juillet 2004 par laquelle le maire de Nice a rejeté son recours indemnitaire préalable formé le 24 mai 2004 et d'autre part, à la condamnation de la commune de Nice à lui verser ladite somme de 902 550 € HT à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ; que par le jugement attaqué du 17 novembre 2009, le tribunal administratif a rejeté sa demande ; que la SOCIETE PISONI relève appel de ce jugement et demande à la cour de condamner la commune de Nice à lui verser la somme de 320 227 euros HT, avec intérêts au taux légal à compter du 24 mai 2004 ;

Sur la responsabilité :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur le moyen tiré de la composition de la commission chargée de l'attribution d'autorisation d'occupation du domaine communal aux fins d'exploitation publicitaire :

Considérant que, par une lettre en date du 7 juillet 2003, la commune de Nice a informé la SOCIETE PISONI que son offre avait été rejetée au motif que " l'offre chiffrée ne comportait pas le tampon de la société PISONI, mais le cachet d'une société inconnue non candidate à la mise en concurrence " ; que l'article 8 du règlement de consultation approuvé par la délibération du 20 décembre 2002 dispose : " Les deux enveloppes intérieures cachetées que chaque pli contiendra porteront en suscription les mentions obligatoires : 1ère enveloppe intérieure : l'objet de l'affaire -nom et adresse de l'entreprise. Elle contiendra l'attestation sur l'honneur, les références ainsi que le règlement de la consultation, portant la mention " lu et approuvé ", le cachet de l'organisme et la signature de son représentant habilité. Les documents de cette première enveloppe pourront être utilisés dans le cas d'une offre pour plusieurs emplacements. Il est impératif que toute entreprise soumissionnaire fournisse l'attestation demandée " ; que la commune de Nice a considéré que la circonstance selon laquelle en dernière page du formulaire d'offres sous la mention " cachet de l'organisme " figure le cachet de la société Copaal, chargée de mettre en place le dispositif publicitaire, en lieu et place du cachet de la SOCIETE PISONI était de nature à rendre non conforme au règlement de la consultation l'offre de cette dernière ; que toutefois, toutes les pièces du dossier de l'offre mentionnent explicitement la SOCIETE PISONI ; que le projet de contrat de louage d'emplacements sur le domaine privé communal ainsi que le projet de convention d'occupation du domaine public communal sont signés et paraphés par M. Jean-Pierre , dirigeant de la SOCIETE PISONI, que l'attestation sur l'honneur est signée par M. Jean-Pierre , qui a apposé sa signature à côté du tampon de la société Coopal sur le formulaire d'offres qu'il a également paraphé ; qu'ainsi, il ne pouvait y avoir de doute sérieux quant à l'identité du candidat et qu'en écartant l'offre de la SOCIETE PISONI pour ce seul motif, la commune de Nice a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

Sur le préjudice :

Considérant que lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce marché, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; que, dans le cas où l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché, elle a droit à l'indemnisation de l'intégralité du manque à gagner qu'elle a subi ;

Considérant d'une part, qu'il ressort du règlement de la consultation que les offres devaient être appréciées à l'aune de trois critères : la proposition de redevance, le descriptif des moyens mis en oeuvre pour l'entretien des dispositifs et la qualité technique et esthétique des dispositifs ; qu'il résulte du rapport du 17 juin 2003 établi par la commission chargée de l'attribution d'autorisations d'occupation du domaine communal public et privé aux fins d'exploitation publicitaire que pour certains emplacements susceptibles d'être attribués en vertu du critère de la redevance, la SOCIETE PISONI était la seule à faire une offre et que pour d'autres emplacements elle était la seule à faire une offre mieux-disante ; que pour ces emplacements n° 18, 25, 30, 36, 51, 57 et 59 (au nombre de 7 déduction faite des emplacements pour lesquels la société appelante a, par la suite, conclu une convention d'occupation avec la commune de Nice et pour lesquels elle ne demande plus d'indemnisation), la SOCIETE PISONI disposait, en conséquence, d'une chance sérieuse de voir son offre retenue lui donnant droit à être indemnisée de l'intégralité de son manque à gagner, incluant nécessairement, en l'absence de stipulation contraire du contrat, les frais de présentation de l'offre intégrés dans ses charges, mais excluant le remboursement des frais généraux de l'entreprise qui seraient affectés à l'exécution de ces prestations ; que ce manque à gagner doit être déterminé non en fonction du taux de marge brute constaté dans son activité mais en fonction du bénéfice net que lui aurait procuré le marché si elle l'avait obtenu ;

Considérant d'autre part, qu'en ce qu'il n'intègre pas la charge des impositions, l'excédent brut d'exploitation retenu par la SOCIETE PISONI pour évaluer le montant de son préjudice et qui varie entre 21,06 % et 25,69 % selon les années n'équivaut pas au taux de marge nette permettant de calculer le manque à gagner dont elle a été privée ; que, compte tenu des éléments de comptabilité produits à l'instance, il sera fait une juste appréciation de ce taux en le fixant à 10 % ; que, dans ces conditions, en substituant ce taux de 10 % à celui de l'excédent brut d'exploitation retenu par la société appelante dans ses bases de calcul par lot qui prend en compte le prix de vente moyen ainsi que le nombre de faces du dispositif déroulant, il sera fait une juste appréciation du manque à gagner indemnisable, sur six ans (la durée des conventions d'occupation), à la somme de 30 000 euros ; qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué et de fixer à ladite somme le montant de la condamnation de la commune de Nice ; que cette somme de 30 000 euros portera intérêts au taux légal à compter du 25 mai 2004, date de réception de la réclamation préalable présentée par la société appelante ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Nice une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SOCIETE PISONI et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions de la commune de Nice doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nice du 17 novembre 2009 est annulé.

Article 2 : La commune de Nice est condamnée à verser à la SOCIETE PISONI une somme de 30 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 mai 2004.

Article 3 : La commune de Nice versera à la SOCIETE PISONI une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Nice tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE PISONI, à la commune de Nice et au ministre de l'intérieur.

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N° 10MA00293


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA00293
Date de la décision : 09/07/2012
Type d'affaire : Administrative

Analyses

39-02-02-03 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés. Mode de passation des contrats. Appel d'offres.


Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: Mme MARKARIAN
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS MASQUELIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-07-09;10ma00293 ?
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