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03/07/2012 | FRANCE | N°10MA00788

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 03 juillet 2012, 10MA00788


Vu la requête, enregistrée le 23 février 2010 sur télécopie confirmée le 25 suivant, présentée par la SELARL Houdart et associés pour le CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE (CHS) DE MONTFAVET, dont le siège est 2 avenue de la Pinède BP 92 à Montfavet (84143 CEDEX), représentée par son directeur en exercice ; le CHS DE MONTFAVET demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902161 du 17 décembre 2009 par lequel, sur demande de M. A, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 18 juin 2009 par laquelle son directeur avait infligé à M. A la sanction disc

iplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de 12 mois ;

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Vu la requête, enregistrée le 23 février 2010 sur télécopie confirmée le 25 suivant, présentée par la SELARL Houdart et associés pour le CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE (CHS) DE MONTFAVET, dont le siège est 2 avenue de la Pinède BP 92 à Montfavet (84143 CEDEX), représentée par son directeur en exercice ; le CHS DE MONTFAVET demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902161 du 17 décembre 2009 par lequel, sur demande de M. A, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 18 juin 2009 par laquelle son directeur avait infligé à M. A la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de 12 mois ;

2°) de rejeter la demande de M. A ;

3°) de mettre à la charge de ce dernier la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

Vu le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 juin 2012 :

- le rapport de Mme Busidan, rapporteur,

- les conclusions de Mme Vincent-Dominguez, rapporteur public,

- et les observations de Me Champenois, de la SELARL Houdart et associés, pour le CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE MONTFAVET et de M. A ;

Considérant que le dimanche 15 mars 2009 dans l'après-midi, M. H., patient psychiatrique dangereux pour l'ordre public, reconnu pénalement irresponsable de ses actes à la suite d'une tentative de meurtre, a réussi à s'échapper de l'unité pour malades difficiles (UMD) Esquirol B du CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE (CHS) DE MONTFAVET et sera retrouvé le lendemain seulement, à 190 km du centre, au domicile de sa soeur à Fréjus ; qu'une négligence grave dans la surveillance exercée sur cette personne constitue l'un des griefs qui, avec un manquement grave à l'obligation de réserve et au secret professionnel, fondent la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an qui a été infligée à M. A, aide soignant, par une décision du 18 juin 2009 prise par le directeur dudit centre hospitalier ; que le CHS DE MONTFAVET interjette appel du jugement rendu le 17 décembre 2009 par le tribunal administratif de Nîmes qui, sur demande de M. A, a annulé cette sanction comme entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que le tribunal a annulé la décision en litige en estimant que la négligence dans la surveillance reprochée à M. A, dont il a d'ailleurs admis qu'elle constituait une faute professionnelle de nature à justifier une sanction, ne pouvait justifier sans erreur manifeste d'appréciation la sanction en litige, tout en reconnaissant par ailleurs la réalité d'un autre grief dont il a estimé qu'il ne suffisait pas non plus, à lui seul, à fonder la sanction prise ; que si, ce faisant, le tribunal a omis d'apprécier la proportionnalité de la sanction au regard de l'ensemble des fautes reprochées à M. A dont il reconnaissait l'existence, le jugement n'est entaché, de ce fait, ni d'une insuffisance de motivation, ni d'une contradiction de motifs ; que, par suite, le CHS DE MONTFAVET n'est pas fondé à soutenir que, pour ces motifs, le jugement serait irrégulier et devrait être annulé ;

Sur le bien-fondé du jugement :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la sécurité des unités pour malades difficiles du CHS DE MONTFAVET était altérée par des travaux de reconstruction qui duraient depuis trois ans à la date des faits, et que, malgré un rehaussement des tôles métalliques posées entre la zone de chantier et la zone utilisée pour les malades, à 2,70 ou 3 mètres de haut selon les endroits, effectué après une précédente tentative d'évasion du même M. H. intervenue en décembre 2008, le tribunal administratif de Nîmes a pu qualifier cette barrière de "clôtures de fortune"; que, cependant, dès le début des travaux, par une note en date du 3 mars 2006, l'administration avait insisté sur le fait que "les mesures maximum seraient prises pour isoler et sécuriser la zone de chantier, mais que la sécurité viendrait essentiellement du professionnalisme et de l'implication des équipes soignantes" et avait appelé chaque agent à veiller à la sécurité de tous et au respect des procédures, en précisant notamment qu'il était "impératif que jamais les patients ne soient laissés sans surveillance en particulier dans les cours des unités, l'organisation par postes du travail devant permettre d'y veiller" ; qu'à supposer même que, parmi les six autres évasions tentées durant les travaux avant celle en litige, certaines auraient permis à leurs auteurs de franchir les limites de l'établissement, il est constant qu'ils ont pu être récupérés dans un rayon proche de l'établissement ; qu'en outre, si le CHS DE MONTFAVET est effectivement l'auteur d'une comparaison sur l'encadrement en personnel par patient dans les UMD de France, montrant que celle de Montfavet bénéficierait du plus fort taux d'encadrement, M. A ne verse au dossier aucun élément contredisant les éléments versés ; que, par suite, peut être regardé comme établi le caractère suffisant de l'effectif de quatre agents en service le 15 mars 2009 après-midi, qui était conforme à celui prévu par une note de service en date du 14 janvier 2008, alors qu'en outre, depuis la tentative d'évasion sus-évoquée de décembre 2008, la superficie de la cour avait été réduite à une aire rectangulaire de 177 m² ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. A ne conteste pas que la surveillance de la cour qu'il pratiquait à partir de la salle de vie pour s'occuper de la grande majorité des patients qui s'y trouvaient, ne permet pas d'avoir une vue générale sur toute la cour, en particulier une partie de la palissade, et que M. H., qui avait tenté de s'évader moins de trois mois avant, a été laissé dans cette cour sans surveillance d'un personnel ; qu'il est constant qu'il était le plus expérimenté des deux agents chargés, l'après-midi en litige et conformément à la note sus-évoquée du 14 janvier 2008, du poste de travail dit n° 1, consistant notamment à surveiller tout le périmètre investi par les patients ; qu'en effet, sa collègue sur le même poste travaillait habituellement à l'unité Les Tilleuls et effectuait, cet après-midi-là, à l'UMD Esquirol B un remplacement ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin de déterminer si la notion de "premier de cour" avait une existence dans les consignes écrites données par l'administration, sa meilleure connaissance tant des lieux que des personnes hospitalisées dans cette unité devait l'amener à surveiller plus particulièrement la cour, la note de service du 3 mars 2006 impliquant alors qu'il lui appartenait de rester dans cette cour tant que s'y trouvait un patient, ou de le faire entrer à l'intérieur après avoir fermé la cour avec la clé dont il était détenteur ;

Considérant en troisième lieu que M. A dénie toute crédibilité au témoignage d'un autre patient, qui a attesté l'avoir prévenu d'abord de ce qu'une tôle de la clôture était ouverte, ensuite de l'évasion ; que cependant, d'une part M. A ne verse aucun élément étayant ses allégations selon lesquelles cette personne aurait manifesté une rancoeur à son égard, d'autre part il est établi par les pièces du dossier que cette personne est la même qui avait prévenu de la tentative d'évasion précédente de M. H. et avait ainsi permis de rattraper très rapidement le fuyard ;

Considérant que, dans ces conditions, les pièces du dossier établissent la matérialité d'un défaut certain de surveillance imputable à M. A, qui a été aggravé par un retard dans l'alerte donnée aux trois autres personnels en service avec lui ce 15 mars 2009, dès lors qu'il ressort de sa propre relation des faits juste après l'incident, même rapprochée seulement de celles de ces trois agents, qu'il ne les a alertés que 20 minutes, au moins, après s'être rendu compte de l'absence du patient évadé ;

Considérant que ce premier grief se conjugue avec un manquement avéré et important à l'obligation de réserve, dès lors que les informations diffusées par M. A à un journaliste, inexactes sur le nombre des évasions réellement survenues à l'UMD, et exprimées en des termes portant atteinte à la dignité des personnes hospitalisées, étaient de nature à nuire à l'image du service public hospitalier ; que le directeur était également fondé à relever un manquement au secret professionnel commis par M. A qui reconnaît avoir cité au journaliste auteur de l'article le nom d'un ancien patient hospitalisé dans l'UMD ; qu'ainsi, quelle qu'ait été la manière de servir de M. A avant les faits reprochés, laquelle laissait paraître au demeurant, dans les mois précédant les faits, des signes d'essoufflement, la gravité s'attachant à ces trois fautes ensemble ne pouvait permettre au tribunal administratif de Nîmes de retenir, pour annuler la décision en litige, le moyen tiré de ce que le directeur du CHS aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en infligeant à l'intéressé la sanction du troisième groupe d'exclusion de fonctions pour une durée d'un an, qui, par ailleurs, avait recueilli l'avis favorable de quatre des cinq personnes composant le conseil de discipline, la cinquième étant pour une sanction encore plus sévère ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le tribunal administratif de Nîmes et la présente Cour ;

Considérant en premier lieu que le moyen tiré de ce que la procédure ayant conduit à la suspension préalable à la sanction en litige aurait été irrégulière est sans incidence sur la légalité de l'exclusion ;

Considérant en second lieu que la sanction en litige fixe sa date d'effet au 22 juin 2009 ; qu'elle n'a été notifiée à l'intéressé que le 23 juin 2009 ; que, par suite, la sanction en litige est entachée d'une rétroactivité illégale en tant qu'elle prend juridiquement effet à une date antérieure au 23 juin 2009 et doit être annulée dans cette mesure ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CHS DE MONTFAVET est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a intégralement annulé la décision en litige, mais n'est pas fondé à se plaindre que cette décision soit annulée sur la seule journée du 22 juin 2009 ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de faire droit aux conclusions d'aucune des parties tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0902161 rendu le 17 décembre 2009 par le tribunal administratif de Nîmes est annulé, sauf en tant qu'il a annulé la décision d'exclusion de fonctions sur la journée du 22 juin 2009.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. A devant le tribunal administratif de Nîmes, tendant à l'annulation de la sanction d'exclusion en date du 18 juin 2009 qui lui a été infligée sont rejetées, sauf dans la mesure où cette décision a juridiquement pris effet sur la journée du 22 juin 2009.

Article 3 : Le surplus des conclusions des deux parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE MONTFAVET, à M. Jean-Gaël A et au ministre des affaires sociales et de la santé.

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N° 10MA007882


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA00788
Date de la décision : 03/07/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: Mme Hélène BUSIDAN
Rapporteur public ?: Mme VINCENT-DOMINGUEZ
Avocat(s) : HOUDART et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-07-03;10ma00788 ?
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