Vu la requête, enregistrée le 9 décembre 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 10MA04419, présentée pour la COMMUNE DE VILLENEUVE- LES- MAGUELONE, représentée par son maire en exercice, par Me Campourcy-Soulié, avocat ;
la COMMUNE DE VILLENEUVE-LES-MAGUELONE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0903420 du 12 octobre 2010 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a annulé la décision en date du 26 août 2009 par laquelle son maire a rejeté la demande du Mouvement républicain de salut public en date du 5 août 2009 tendant à ce que les panneaux nouvellement installés à l'entrée de la commune, portant la transcription en Occitan du nom de la commune, soient retirés de la voie publique, et enjoint à la commune de procéder à l'enlèvement des panneaux litigieux dans le délai de deux mois à compter de la date de notification du jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par le Mouvement républicain de salut public devant le tribunal administratif de Montpellier ;
3°) de condamner le Mouvement républicain de salut public à lui verser la somme de 1 000 euros pour procédure abusive ;
4°) de mettre à la charge du Mouvement républicain de salut public une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de la route ;
Vu la loi n° 94-665 du 4 août 1994 ;
Vu le décret n° 95-240 du 3 mars 1995 ;
Vu l'arrêté du 24 novembre 1967 sur la signalisation des routes et autoroutes modifié, notamment, par l'arrêté du 7 juin 1977 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mai 2012 :
- le rapport de M. Pocheron, président assesseur,
- les conclusions de Mme Chenal-Peter, rapporteur public,
- les observations de Me Campourcy-Soulié, avocat pour la COMMUNE DE VILLENEUVE-LES-MAGUELONE,
- et les observations de M. Robert Hadjadj, président du Mouvement républicain de salut public ;
Considérant qu'au cours de l'année 2009, la COMMUNE DE VILLENEUVE-LES-MAGUELONE a installé trois panneaux portant la mention " Vilanova de Magalona " en-dessous des panneaux d'entrée d'agglomération indiquant le nom français de la commune ; que, par courrier du 5 août 2009 notifié au maire le 10 août suivant, le Mouvement républicain de salut public (MRSP), association régie par la loi de 1901 et fondée à Villeneuve-les-Maguelone le 20 septembre 1997 pour, notamment, " oeuvrer à l'accomplissement des idéaux issus de la révolution française de 1789 ", a demandé que soit employée la langue française pour toute inscription apposée par les services municipaux sur la voie publique, et que soient mis en conformité avec la loi susvisée du 4 août 1994 et le décret susvisé du 3 mars 1995 les panneaux en cause ; que, par lettre en date du 26 août 2009, le maire de Villeneuve-les-Magalone a rejeté cette demande ; que la commune relève appel du jugement en date du 12 octobre 2010 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a annulé cette décision du 26 août 2009 et qu'il lui a enjoint d'enlever les panneaux litigieux dans un délai de deux mois à compter de sa notification ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête ... Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé conclusions soumises au juge. " ; que le MRSP a demandé devant le tribunal administratif de Montpellier, d'une part la condamnation pénale de la commune en application de l'article 1er du décret susvisé du 3 mars 1995 qui punit d'une amende pour contravention de quatrième classe le fait de ne pas employer la langue française dans les conditions prévues par la loi susvisée du 4 août 1994, d'autre part qu'il soit enjoint à la commune de mettre les panneaux en conformité " avec la législation ", d'utiliser la langue française pour toute inscription apposée sur la voie publique, puis, dans un mémoire enregistré le 8 juillet 2010, de retirer sous astreinte non chiffrée les panneaux litigieux ; que ces conclusions, présentées sans ministère d'avocat, pour confuses qu'elles soient, et dont certaines ont d'ailleurs été rejetées à bon droit par les premiers juges comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, ont été régulièrement énoncées devant le tribunal ; que la commune ne critique en outre pas leur requalification par les premiers juges en conclusions tendant à l'annulation de la décision en date du 26 août 2009 de son maire, assorties de conclusions aux fins d'injonction ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la demande de première instance aurait méconnu l'obligation d'énoncer des conclusions prescrite par les dispositions sus-rappelées de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
Sur le fond :
Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la Constitution : " La langue de la République est le Français " ; que l'article 75-1 de cette même Constitution dispose : " Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France. " ; qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 4 août 1994 : " Toute inscription ou annonce apposée ou faite sur la voie publique ... et destinée à l'information du public doit être formulée en langue française. " ; qu'aux termes de l'article 21 de la même loi : " Les dispositions de la présente loi s'appliquent sans préjudice de la législation et de la réglementation relative aux langues régionales de France et ne s'opposent pas à leur usage. " ; que, par décision n° 94-345 du 29 juillet 1994, le Conseil constitutionnel, a notamment précisé que ladite loi n'avait pas " pour objet de prohiber l'usage de traductions lorsque l'utilisation de la langue française est assurée " ;
Considérant en premier lieu qu'il résulte de la combinaison de l'ensemble de ces dispositions que l'utilisation de traductions de la langue française dans les différentes langues régionales n'est pas interdite pour les inscriptions apposées sur la voie publique et destinées à l'information du public, lorsqu'en même temps l'utilisation du français est suffisamment et correctement assurée ; qu'ainsi c'est à tort que le tribunal a limité cette possibilité aux cas où il est justifié de circonstances particulières ou de considérations d'intérêt général, une telle restriction étant dénuée de tout fondement constitutionnel ou légal ; qu'en apposant des panneaux portant la traduction en langue occitane du nom français de la commune sous les panneaux d'entrée d'agglomération indiquant celui-ci en français, la commune n'a ainsi méconnu ni l'article 2 de la Constitution, ni l'article 3 de la loi du 4 août 1994 ; que, par suite, les circonstances que la traduction choisie en l'espèce serait dépourvue de fondement historique ou que l'existence d'un usage local suffisamment ancien et constant de la toponymie employée ne serait pas démontrée, sont par elles-mêmes, à les supposer mêmes établies, sans incidence sur la légalité de la décision contestée ;
Considérant en second lieu qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 4 août 1994 : " Lorsque des inscriptions ... visées à l'article précédent, apposées ... par des personnes morales de droit public ... font l'objet de traductions, celles-ci sont au moins au nombre de deux. Dans tous les cas où les ... inscriptions prévues aux articles 2 et 3 de la présente loi sont complétées d'une ou plusieurs traductions, la présentation en français doit être aussi lisible ... que la présentation en langues étrangères. " ; qu'il ressort des documents photographiques produits au dossier que les panneaux litigieux respectent en tout état de cause ces prescriptions, ainsi que celles de l'article 5 de l'arrêté susvisé du 24 novembre 1967 relatives aux panneaux de type EB 10 d'entrée d'agglomération quant à leur forme et à leurs couleurs ; que, si ce même article 5 indique que " les panneaux EB 10 ... ne peuvent être complétés que par les seuls signaux AB 6, AB 7, B 14, E 31 et E 32, à l'exclusion de tout autre signal ou indication ", ces dispositions réglementaires ne sauraient s'opposer à l'application de la Constitution et de la loi du 4 août 1994 qui autorisent la traduction d'une inscription en français apposée sur la voie publique dés lors que, comme dans le cas de l'espèce, cette traduction est distincte de l'inscription en langue française, elle-même étant aussi lisible que sa présentation en langue étrangère, la rédaction très générale des dispositions sus-rappelées de l'article 21 de la loi du 4 août 1994 impliquant nécessairement que l'article 4 de cette même loi s'applique également aux traductions en langues régionales ; que, pour les mêmes motifs de hiérarchie des normes et d'application des articles 4 et 21 de la loi du 4 août 1994, des dispositions réglementaires n'ayant pas prévu la possibilité d'utiliser un accent grave sur la lettre O ne sauraient s'appliquer à la traduction en langue régionale d'un panneau d'entrée d'agglomération en langue française ; qu'enfin le danger représenté par les panneaux en cause pour la sécurité des usagers de la route n'est aucunement démontré ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du maire de Villeneuve-les-Maguelone du 26 août 2009 aux motifs que l'installation des panneaux litigieux n'était justifiée par aucune circonstance particulière ou tenant à l'intérêt général et qu'ils n'étaient pas conformes aux prescriptions de l'arrêté susvisé du 24 novembre 1967 ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par le MRSP devant le tribunal administratif de Montpellier ;
Considérant en premier lieu que la circonstance que la population de la commune n'a pas été appelée préalablement à donner son avis est sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse, aucune disposition du code de la route ou du code général des collectivités territoriales ne prévoyant une telle consultation dans le cas de l'espèce ;
Considérant en deuxième lieu qu'il résulte des dispositions précitées des articles 2 et 75-1 de la Constitution, de la loi du 4 août 1994 ainsi que de la décision du Conseil constitutionnel n° 94-345 du 29 juillet 1994 que la traduction en langue régionale de panneaux d'entrée d'agglomération mentionnant le nom de la commune concernée en Français ne méconnaît pas les principes constitutionnels d'indivisibilité de la République, d'égalité devant la loi et d'unicité du peuple français ;
Considérant en troisième lieu que si les dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article 4 de la loi du 4 août 1994 ne mentionnent expressément que les " langues étrangères ", il ressort, ainsi qu'il a été dit, des dispositions sus-rappelées de l'article 21 de cette même loi, qu'elle est applicable en tous ses articles aux langues régionales ;
Considérant en quatrième lieu que la jurisprudence judiciaire selon laquelle l'inscription à l'état-civil d'un prénom doit obligatoirement respecter l'orthographe et la toponymie de la langue française n'est en rien transposable aux règles orthographiques concernant les traductions en langue régionale des panneaux d'entrée d'agglomération indiquant le nom français d'une commune ;
Considérant en cinquième lieu que la circonstance que certains des panneaux litigieux ont une surface légèrement plus grande que les panneaux portant le nom de la commune en langue française n'est pas de nature par elle-même à démontrer que la lisibilité de la présentation en français exigée par l'article 4 de la loi du 4 août 1994 en serait affaiblie ;
Considérant en sixième lieu que les moyens tirés de l'absence de fondement historique et d'usage local suffisamment ancien et constant de l'appellation " Vilanova de Magalona " doivent être regardés comme tendant à démontrer que la décision contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; qu'il ressort d'un ouvrage intitulé " Les noms de lieux du département de l'Hérault, nouveau dictionnaire topographique et étymologique " que le nom " Vilanova de Magalona " de la commune actuellement dénommée Villeneuve-les-Maguelone apparaît en 1419 dans les Annales du Midi ; que, si la commune a connu, avant et après cette période, d'autres appellations, le choix opéré en l'espèce pour la traduction en langue occitane, qui a fait l'objet d'une consultation de l'Institut d'études occitanes de l'Hérault, n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant enfin qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la pose des panneaux litigieux aurait été décidée dans un but " séparatiste anti-national " ; que, par suite, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ; que le MPSR n'est dés lors pas fondé à demander l'annulation de la décision en date du 26 août 2009 du maire de Villeneuve-les-Maguelonne et ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent par voie de conséquence qu'être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE VILLENEUVE-LES-MAGUELONE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision de son maire en date du 26 août 2009 et lui a enjoint de procéder à l'enlèvement des panneaux litigieux dans le délai de deux mois à compter de sa notification ;
Sur les conclusions de la commune aux fins de condamnation du MRSP à lui verser la somme de 1 000 euros pour procédure abusive :
Considérant que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de ces conclusions, elles ne peuvent qu'être rejetées au fond, faute pour la commune de les avoir assorties d'éléments de fait ou de droit permettant d'apprécier le caractère éventuellement abusif de la procédure engagée par le MRSP en première instance ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et sur la charge des dépens :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge du MRSP le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la COMMUNE DE VILLENEUVE-LES-MAGUELONE et non compris dans les dépens ;
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la COMMUNE DE VILLENEUVE-LES-MAGUELONE, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse au MRSP la somme que celui-ci réclame au titre des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, non plus, de condamner ladite commune à supporter la charge des frais du constat d'huissier en date du 15 décembre 2010 ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 12 octobre 2010, en tant qu'il a annulé la décision du maire de Villeneuve-les Maguelone du 26 août 2009 et enjoint à la commune de procéder à l'enlèvement des panneaux litigieux dans le délai de deux mois à compter de la date de sa notification, est annulé.
Article 2 : La demande présentée par le Mouvement républicain de salut public devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.
Article 3 : Le Mouvement républicain de salut public versera à la COMMUNE DE VILLENEUVE-LES-MAGUELONE une somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNE DE VILLENEUVE-LES-MAGUELONE et les conclusions du Mouvement Républicain de salut public tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE VILLENEUVE-LES-MAGUELONE et au Mouvement républicain de salut public.
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