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28/06/2012 | FRANCE | N°10MA00238

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 28 juin 2012, 10MA00238


Vu la requête, enregistrée le 19 janvier 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 10MA00238, présentée pour le GFA DOMAINE LES CARDINIERES, dont le siège social est Quartier du Puget à Pouzilhac (30210), par Me Desilets, avocat ; le GFA DOMAINE LES CADINIERES demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0802403 du 19 novembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) à lui verser la somme de 59 846 euros ainsi que les inté

rêts moratoires en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi de...

Vu la requête, enregistrée le 19 janvier 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 10MA00238, présentée pour le GFA DOMAINE LES CARDINIERES, dont le siège social est Quartier du Puget à Pouzilhac (30210), par Me Desilets, avocat ; le GFA DOMAINE LES CADINIERES demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0802403 du 19 novembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) à lui verser la somme de 59 846 euros ainsi que les intérêts moratoires en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi des chefs du refus d'agrément de vins de la campagne 2005 opposé le 27 avril 2007 pour un lot de 75 hectolitres, des refus d'agrément de vins de la campagne 2006 opposés le 22 janvier 2008 pour deux lots de 10 et 42 hectolitres, et du retard dans l'agrément d'un lot de 104 hectolitres de cette même campagne 2006 prononcé le 23 novembre 2007, et la somme de 7 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

2°) de condamner l'INAO à lui verser la somme de 59 846 euros assortie des intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la charge de l'INAO une somme de 10 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

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Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural ;

Vu la l'arrêté du 19 novembre 2004 relatif aux examens analytique et organoleptique des vins à appellation d'origine contrôlée à l'exception des vins mousseux et pétillants ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 juin 2012 :

- le rapport de M. Pocheron, président assesseur,

- les conclusions de Mme Chenal-Peter, rapporteur public,

- et les observations de Mme Claire Reynes, gérante de GFA DOMAINE LES CADINIERES ;

Considérant que le GFA DOMAINE LES CADINIERES, exploitation viticole sise à Pouzilhac, dans le Gard, qui produit des vins d'appellation d'origine contrôlée (AOC) " Côtes du Rhône " relève appel du jugement en date du 19 novembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes tendant à la condamnation de l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) à lui verser la somme de 23 321 euros avec intérêts moratoires en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du chef de la décision en date du 22 janvier 2008 de l'INAO en tant qu'elle lui a définitivement refusé l'agrément en vin AOC de deux lots de la campagne 2006 de respectivement 10 hectolitres et 42 hectolitres, et la somme de 36 525 euros avec intérêts moratoires en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi des chefs, d'une part, de la décision en date du 27 avril 2007 par laquelle l'INAO a définitivement refusé d'agréer en AOC un lot de 75 hectolitres de la récolte 2005, et, d'autre part, du retard apporté à l'agrément en AOC d'un lot de 104 hectolitres de la récolte 2006 finalement agréé le 23 novembre 2007 ;

Considérant qu'aux termes de l'article D.641-94 du code rural, dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions litigieuses : " Les vins pour lesquels est revendiquée une appellation d'origine contrôlée ne peuvent être mis en circulation sans un certificat d'agrément délivré par l'institut national des appellations d'origine après avoir satisfait aux examens analytiques et organoleptiques tels que définis ci-après " et qu'aux termes de l'article D.641-96 du même code : " ... L'examen organoleptique est effectué par une commission de dégustateurs choisis sur une liste arrêtée par le directeur de l'INAO, sur proposition des syndicats de défense des appellations concernées. Le demandeur qui a un vin non agréé pour un motif ... organoleptique peut demander que son vin soit soumis une nouvelle fois auxdits examens. A l'issue de ce nouvel examen, le demandeur peut pour un vin non agréé pour motif organoleptique demander que celui-ci soit soumis, en dernier ressort, à une commission régionale composée de dégustateurs figurant sur une liste arrêtée par le directeur de l'INAO, sur proposition du comité régional de l'INAO. Ces dégustateurs sont choisis parmi ceux figurant sur la liste mentionnée au troisième alinéa du présent article. La commission régionale est compétente pour toutes les appellations du comité régional de l'INAO concerné ... " ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que le Tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de l'incompétence de M. Troadec, chef du centre INAO d'Avignon, pour signer en lieu et place du directeur de cet institut la liste des dégustateurs en 1ère et 2ème sessions pour la campagne 2006, soulevé par le GFA dans le cadre de sa demande de plein contentieux ; que le juge administratif n'est pas tenu de répondre de manière expresse à un moyen inopérant ; que la décision de l'INAO du 27 avril 2007 portant sur la campagne 2005, le groupement requérant ne pouvait en tout état de cause utilement se prévaloir à son encontre de l'incompétence du signataire de la liste des dégustateurs établie pour la campagne 2006 ; que, s'agissant de la décision en date du 22 janvier 2008, intervenue après dégustation des lots en cause de la récolte 2006 par la commission régionale de dégustation, le moyen, tiré de l'incompétence du signataire de la liste des dégustateurs des 1ère et 2ème sessions était en conséquence inopérant ; qu'enfin, l'éventuel vice de forme allégué ne pouvant avoir privé le GFA de toute chance d'obtenir l'agrément en AOC pour le lot de la campagne 2006 de 104 hectolitres, agrément qui a été finalement délivré le 23 novembre 2007, le moyen était également inopérant s'agissant du préjudice allégué du chef du retard apporté à délivrer ledit agrément ;

Sur les conclusions indemnitaires relatives au refus définitif d'agrément en AOC du 27 avril 2007 des vins de la campagne 2005 :

Considérant que le groupement requérant ne fait état d'aucun manquement fautif qui entacherait la décision du 27 avril 2007 d'une illégalité de nature à engager la responsabilité de l'INAO pour le préjudice résultant selon le GFA de la commercialisation du lot litigieux en vin de table et de l'affaiblissement de la trésorerie du groupement susceptible d'en résulter ; que, par suite, les conclusions sus-analysées ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions indemnitaires relatives au retard apporté à l'agrément en AOC d'un lot de 104 hectolitres de la récolte 2006 finalement agréé le 23 novembre 2007 et à la décision de l'INAO du 22 janvier 2008 en tant qu'elle a refusé définitivement l'agrément en AOC de deux lots de la récolte 2006 de respectivement 10 et 42 hectolitres :

Considérant en premier lieu que le moyen tiré de l'incompétence de M. Troadec, chef de centre de l'INAO d'Avignon pour signer la liste des dégustateurs en 1ère et 2ème sessions de la campagne 2006 est, ainsi qu'il a été dit, inopérant ; que, par suite, le requérant ne saurait utilement se prévaloir du moyen tiré de l'absence de proposition de noms de dégustateurs, par le syndicat d'appellation, préalablement à leur désignation, qui est relatif à la même liste ;

Considérant en deuxième lieu que l'INAO a produit en première instance les avis favorables signés des membres du comité régional " Vallée du Rhône " communiqués par les intéressés dans le cadre de la consultation du 25 septembre 2006 sur les listes de dégustateurs pour la commission régionale de dégustation pour la campagne 2006/2007 ; que, par suite, l'INAO apporte la preuve que lesdites listes ont été régulièrement proposées par le comité régional conformément aux exigences de l'alinéa 5 de l'article D.641-96 du code rural ;

Considérant en troisième lieu qu'il ressort du procès-verbal de la séance de dégustation du 30 août 2007 que sept lots de vins ont fait l'objet d'une dégustation, dont quatre lots du GFA requérant ; que tous ces lots étaient simplement numérotés, sans indication de l'exploitation d'origine ; que la circonstance que la synthèse des résultats mentionne le nom de l'exploitant est sans incidence sur le respect de la règle de l'anonymat pendant la séance de dégustation ; que, par suite, le GFA DOMAINE LES CADINIERES n'est pas fondé à soutenir que cette règle de l'anonymat aurait été méconnue ;

Considérant en quatrième lieu qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 19 novembre 2004 susvisé : " ... 2. Pour chaque appellation, un règlement intérieur approuvé par le comité national des vins et eaux de vie de l'institut national des appellations d'origine contrôlée (INAO) après avis du syndicat de défense de l'appellation, précise les modalités d'application du présent arrêté. Ce règlement est homologué par arrêté du ministre chargé des finances et du ministre chargé de l'agriculture ... " ; qu'il ressort des articles 5-3 et 8 de ce règlement intérieur qu'il régit le fonctionnement des commissions de dégustation, y compris la commission régionale de dégustation ; qu'en conséquence, l'irrégularité dudit règlement priverait les décisions de ladite commission de base légale, ce qui aurait pour effet d'entacher la décision litigieuse du 22 janvier 2008 d'illégalité ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que ce règlement aurait été approuvé par le comité national des vins et eaux de vie, ni qu'il aurait été homologué par les ministres chargés des finances et de l'agriculture ; que l'INAO n'apporte pas la preuve par une simple attestation du président du syndicat de l'appellation en date du 19 octobre 2007 que ledit syndicat aurait émis l'avis requis par les dispositions sus-rappelées de l'article 1er du règlement du 19 novembre 2004 ; que, par suite, la décision du 22 janvier 2008, prise suite à une délibération de la commission régionale de dégustation privée de base légale, est par ce premier motif entachée d'irrégularité ;

Considérant en cinquième lieu qu'aux termes de l'article D.641-95 du code rural, dans ses dispositions en vigueur lors de la campagne 2006 : " L'institut national des appellations d'origine agrée soit le syndicat de défense, soit le groupement des syndicats de défense de l'appellation concernée, soit une association loi 1901 constituée à cet effet, soit le syndicat de défense agréé pour une appellation plus générale ... Cet agrément est accordé pour une durée maximale de trois ans qui peut être renouvelée. " ; que l'INAO produit une décision de la commission permanente du comité national des vins et eaux de vie du 27 décembre 2007 qui indique qu'elle " a approuvé le renouvellement de l'agrément jusqu'au 1er juillet 2008 des organismes chargés de l'organisation des examens analytiques et organoleptiques " au profit, entre autres, du syndicat général des vignerons réunis des Côtes du Rhône, agréé pour la dernière fois le 18 décembre 2002 ; que l'INAO précise que ce renouvellement ne concernait que la campagne 2007 ; que la décision du 22 janvier 2008, relative à la campagne 2006, qui a ainsi été prise alors que le syndicat en cause n'était plus agréé depuis au moins le 18 décembre 2005, est par ce second motif également entachée d'irrégularité ;

Considérant que l'irrégularité du règlement intérieur et le défaut d'agrément du syndicat général des vignerons réunis des Côtes du Rhône, en affectant la procédure d'agrément des lots de 10 et 42 hectolitres ayant abouti à la décision de refus du 22 janvier 2008, par ces deux motifs elle-même entachée d'illégalité, sont de nature à engager la responsabilité de l'INAO à l'égard du GFA DOMAINE DES CADINIERES ;

Sur le lien de causalité :

Considérant en premier lieu que les vices affectant la procédure d'agrément d'un vin en appellation d'origine contrôlée doivent avoir eu pour effet de priver le viticulteur de toute chance d'obtenir cette appellation pour que l'intéressé puisse prétendre à la réparation de son préjudice ; que, par suite, le retard apporté à la délivrance de l'agrément du lot de vin de 104 hectolitres, finalement accordé par l'INAO le 23 novembre 2007, ne peut en tout état de cause faire l'objet d'une demande d'indemnisation de la part du GFA requérant ;

Considérant en second lieu que, s'agissant des lots de respectivement 10 et 42 hectolitres qui ont fait l'objet le 22 janvier 2008 d'un refus d'agrément définitif irrégulier pour les deux vices de procédure sus-évoqués, les avis formulés par les commissions de dégustation successives, s'ils ont été formulés en des termes différents, étaient tous défavorables ; que la circonstance que les commentaires des dégustateurs varient d'une session à l'autre s'explique par la procédure d'agrément elle-même qui prévoit trois sessions d'examen, destinées à permettre au demandeur de rectifier le cas échéant la composition et les caractéristiques de ses vins, au demeurant susceptibles d'une évolution naturelle ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les deux lots en cause n'auraient pas fait l'objet entre les différentes sessions de telles rectifications ou d'une évolution naturelle alors même qu'ils avaient déjà été mis en bouteilles ; que les attestations de M. Teste, sommelier, et de M. Castel, agent de l'INAO d'Avignon, ne sont pas par elles-mêmes de nature à établir que les commissions de dégustation successives auraient commis des erreurs dans l'appréciation gustative des lots concernés ; que le requérant ne démontre ainsi pas que les qualificatifs employés par ces différentes commissions seraient sans correspondance les uns avec les autres au regard des définitions de l'INAO quant aux causes des anomalies gustatives repérées, ni que la décision du 22 janvier 2008 serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que, par suite, le GFA DOMAINE LES CADINIERES n'ayant aucune chance d'obtenir l'appellation d'origine contrôlée pour les lots de 10 et 42 hectolitres de la campagne 2006, le lien de causalité entre les vices affectant la procédure ayant abouti au refus d'agréer ces deux lots le 22 janvier 2008 et le préjudice tiré de ce que le GFA a été dans l'impossibilité de commercialiser ces 52 hectolitres de vins en appellation d'origine contrôlée n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la GFA DOMAINE LES CADINIERES n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge du GFA DOMAINE LES CADINIERES le versement de la somme réclamée par l'INAO au titre des frais exposés par celui-ci et non compris dans les dépens ;

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'INAO, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse au GFA DOMAINE LES CADINIERES la somme que celui-ci réclame au titre des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du GFA DOMAINE LES CADINIERES est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'INAO tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au GFA DOMAINE LES CADINIERES et à l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO).

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N° 10MA00238 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA00238
Date de la décision : 28/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

03-05-06-02 Agriculture, chasse et pêche. Produits agricoles. Vins. Contentieux des appellations.


Composition du Tribunal
Président : M. FERULLA
Rapporteur ?: M. Michel POCHERON
Rapporteur public ?: Mme CHENAL-PETER
Avocat(s) : SCP CEVAER - DESILETS - ROBBE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-06-28;10ma00238 ?
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