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26/06/2012 | FRANCE | N°11MA02411

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 26 juin 2012, 11MA02411


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 22 juin 2011, sous le n° 11MA02411, présentée pour la SOCIETE AUCHAN FRANCE, dont le siège social est sis, 200 rue de la Recherche à Villeneuve d'Ascq (59650), par Me Marquet de Vasselot, avocat ;

La SOCIETE AUCHAN FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903214, 1001656 du 26 avril 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 25 septembre 2009 et 10 janvier 2010 par lesquelles le ministre du tr

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 22 juin 2011, sous le n° 11MA02411, présentée pour la SOCIETE AUCHAN FRANCE, dont le siège social est sis, 200 rue de la Recherche à Villeneuve d'Ascq (59650), par Me Marquet de Vasselot, avocat ;

La SOCIETE AUCHAN FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903214, 1001656 du 26 avril 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 25 septembre 2009 et 10 janvier 2010 par lesquelles le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville a annulé la décision du 25 mars 2009 par laquelle l'inspecteur du travail l'a autorisé à licencier M. Thierry A et a refusé l'autorisation sollicitée ;

2°) d'annuler ces deux décisions des 25 septembre 2009 et 10 janvier 2010 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mai 2012 :

- le rapport de Mlle Josset, premier conseiller,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- les observations de Me Menotti, repésentant la SOCIETE AUCHAN FRANCE et de Me Estève, représentant M. A ;

Considérant que, par courrier du 27 février 2009, la SOCIETE AUCHAN FRANCE a sollicité, auprès de l'inspection du travail des Bouches-du-Rhône, l'autorisation de licencier pour faute M. A, employé qualifié au sein de l'établissement d'Aubagne, salarié protégé eu égard à ses mandats de délégué syndical, de délégué du personnel, de représentant syndical au comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail, de représentant syndical au comité d'établissement, de conseiller du salarié et de candidat non élu aux élections prud'homales, engagé dans la société en 1992 ; que par une décision du 25 mars 2009, l'inspecteur du travail de la 10ème section d'inspection des Bouches-du-Rhône a accordé l'autorisation sollicitée ; que, saisi d'un recours hiérarchique formé par M. A, le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville a, par une décision du 25 septembre 2009, d'une part retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé par M. A et, d'autre part, annulé la décision de l'inspecteur du travail en date du 25 mars 2009 autorisant la SOCIETE AUCHAN FRANCE à licencier l'intéressé et a refusé consécutivement l'autorisation sollicitée ; que par une décision implicite de rejet, née le 10 janvier 2010, le ministre a rejeté le recours gracieux de la société formé à l'encontre de cette dernière décision ; que la SOCIETE AUCHAN FRANCE fait appel du jugement en date du 26 avril 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté son recours contre les décisions du ministre du travail en date des 25 septembre 2009 et 10 janvier 2010 ;

Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre du travail de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables à son contrat de travail et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

Considérant que, pour annuler la décision de l'inspecteur du travail et refuser d'accorder l'autorisation de licenciement sollicitée, le ministre a estimé qu'un certain nombre de griefs fondant la demande d'autorisation de la SOCIETE AUCHAN FRANCE étaient prescrits et que d'autres griefs n'étaient pas établis ou insuffisamment établis ; qu'enfin, si le ministre a estimé que certains faits étaient fautifs, ils n'étaient pas d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement ;

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L.1332-4 du code du travail : " Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. " ; qu'ainsi c'est à bon droit que le tribunal a jugé que l'employeur ne peut pas fonder une demande d'autorisation de licenciement sur des faits prescrits en application de cette disposition, sauf si ces faits relèvent d'un comportement fautif identique aux faits non prescrits donnant lieu à l'engagement des poursuites disciplinaires ;

Considérant, en premier lieu, que la SOCIETE AUCHAN FRANCE reproche à M. A de lui avoir donné une information tardive pour une prise de délégation d'une semaine à compter du 16 février 2009 ; qu'il ressort des pièces du dossier que si l'employeur a produit deux attestations selon lesquelles la hiérarchie de M. A n'aurait été informée que le 21 février 2009, M. A a produit une attestation du délégué syndical CGT selon laquelle la hiérarchie de l'intéressé avait été informée dès le 16 février 2009 au matin ; que cette attestation étant contradictoire avec celles produites par l'employeur, c'est à bon droit que le ministre a estimé que le doute devait profiter au salarié et que la faute invoquée n'était pas établie ;

Considérant, en deuxième lieu, que, si la SOCIETE AUCHAN FRANCE reproche à M. A d'avoir ignoré son supérieur hiérarchique le 16 février 2009 lors de sa reprise du travail, les attestations produites par chaque partie apparaissent, là encore, contradictoires ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que le ministre a estimé que le doute sur l'existence matérielle des faits devait profiter à M. A ;

Considérant, en troisième lieu, que, s'il ressort des pièces du dossier, et notamment de la lettre adressée au président directeur général de la SOCIETE AUCHAN FRANCE le 23 janvier 2009, que M. A a persisté dans son attitude de dénigrement et de critique de l'action de sa direction et s'il a continué à se prétendre victime de harcèlement moral, comportement déjà constaté au cours des années 2007 et 2008 alors que tant l'inspecteur du travail que la cour d'appel d'Aix-en-Provence ont écarté l'existence d'une telle discrimination, cette attitude fautive ne peut être regardée comme une faute d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement eu égard, notamment, à la position hiérarchique de l'intéressé ; que, contrairement à ce que soutient la société, ce courrier qui n'a fait l'objet d'aucune publicité n'accusait pas sa hiérarchie du délit d'entrave à ses mandats ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aucun des griefs allégués par la SOCIETE AUCHAN FRANCE eu égard notamment à la position hiérarchique de M. A, ne saurait suffire à établir que ce dernier se livre à un usage abusif de sa liberté d'expression et entretiendrait un rôle de provocateur dans l'entreprise ;

Considérant, en cinquième lieu, que les faits ayant consisté, pour M. A, à planifier unilatéralement ses congés payés et ses jours de récupération au cours de l'année 2007 et au début de l'année 2008, à ne pas respecter la procédure des bons de délégation en ne mentionnant pas le mandat pour lequel la délégation est sollicitée entre les mois d'octobre 2007 et septembre 2008, à avoir dépassé sans justification le quota d'heures de délégation entre octobre et décembre 2007, à avoir réclamé le paiement d'heures de délégation en août et septembre 2008 alors qu'il était en congé maladie et à refuser de se conformer à une sanction disciplinaire étaient, en tout état de cause, prescrits en application des dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail, l'employeur en ayant eu une connaissance immédiate ; qu'en l'absence d'une réitération des mêmes comportements fautifs, le ministre n'a commis aucune erreur de droit en estimant qu'ils ne pouvaient servir de fondement à l'autorisation de licenciement sollicitée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que c' est à bon droit que le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville a d'une part, retiré la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé par M. A et, d'autre part, annulé la décision de l'inspecteur du travail en date du 25 mars 2009 autorisant la SOCIETE AUCHAN FRANCE à licencier l'intéressé et refusé le licenciement sollicité ;

Sur les conclusions de M. A tendant à la condamnation de la SOCIETE AUCHAN FRANCE à des dommages et intérêts pour recours abusif :

Considérant que la requête ne présente pas les caractéristiques d'un recours abusif ; que par suite, les conclusions de M. A, tendant à la condamnation de la SOCIETE AUCHAN FRANCE à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, doivent, en tout état de cause, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SOCIETE AUCHAN FRANCE demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SOCIETE AUCHAN FRANCE la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SOCIETE AUCHAN FRANCE est rejetée.

Article 2 : La SOCIETE AUCHAN FRANCE versera une somme de 2 000 euros à M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE AUCHAN FRANCE, à M. Thierry A et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11MA02411
Date de la décision : 26/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute.


Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: Melle Muriel JOSSET
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-06-26;11ma02411 ?
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