Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 28 juillet 2010 sous le n° 10MA02981, présentée pour M. Abderrahim A, demeurant ..., par Me Lemius, avocat ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0805180 et n° 092579 du 25 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, des deux décisions implicites de refus de renouvellement de son autorisation de travail et de refus d'admission exceptionnelle au séjour résultant du silence gardé sur ses demandes en ce sens reçues le 12 novembre 2007 par le préfet des Bouches-du-Rhône, et d'autre part, de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 14 avril 2009 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et abrogation de son autorisation provisoire de séjour ;
2°) d'annuler lesdits arrêté et décisions ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ladite astreinte courant pendant un délai de trois mois à l'issue duquel elle pourra être liquidée et une nouvelle astreinte fixée ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, Me Lemius s'engageant à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
Vu les conventions n° 2, n° 44 et n° 97 de l'Organisation internationale du travail ;
Vu la recommandation n° 86 de l'Organisation internationale du travail adoptée le 1er juillet 1949 ;
Vu la Convention n° 111 concernant la discrimination en matière d'emploi et de profession du 25 juin 1958 de l'Organisation internationale du travail ;
Vu la recommandation n° 1618 de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe ;
Vu la directive 2000/43/CE du conseil de l'Union européenne du 29 juin 2000 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 juin 2012 le rapport de Mme Jorda-Lecroq, premier conseiller ;
Considérant que M. Abderrahim A, de nationalité marocaine, relève appel du jugement du 25 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, des deux décisions implicites de refus de renouvellement de son autorisation de travail et de refus d'admission exceptionnelle au séjour résultant du silence gardé sur ses demandes en ce sens reçues le 12 novembre 2007 par le préfet des Bouches-du-Rhône, et, d'autre part, de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 14 avril 2009 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et abrogation de son autorisation provisoire de séjour ;
En ce qui concerne la légalité de la décision implicite de refus de délivrance d'une autorisation de travail :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. (...) La carte porte la mention "salarié" lorsque l'activité est exercée pour une durée supérieure ou égale à douze mois. Elle porte la mention "travailleur temporaire" lorsque l'activité est exercée pour une durée déterminée inférieure à douze mois. Si la rupture du contrat de travail du fait de l'employeur intervient dans les trois mois précédant le renouvellement de la carte portant la mention "salarié", une nouvelle carte lui est délivrée pour une durée d'un an ; (...) 4° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail saisonnier entrant dans les prévisions du 3° de l'article L. 122-1-1 du code du travail et qui s'engage à maintenir sa résidence habituelle hors de France. (...) Elle porte la mention "travailleur saisonnier" " ; qu'aux termes de l'article R. 341-1 du code du travail dans sa version alors en vigueur : " Tout étranger, pour exercer à temps plein ou à temps partiel une activité professionnelle salariée, doit être titulaire d'une autorisation de travail en cours de validité. ( ...) " ; qu'aux termes de l'article R. 341-2 du même code : " L'autorisation de travail peut être constituée par l'un des documents suivants (...) 6° La carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", délivrée sur présentation d'un contrat de travail d'une durée égale ou supérieure à douze mois conclu avec un employeur établi en France, en application du 1° de l'article L. 313-10 du même code ; 7° La carte de séjour temporaire portant la mention "travailleur temporaire", délivrée sur présentation d'un contrat de travail d'une durée inférieure à douze mois, en application du 1° de l'article L. 313-10 du même code ; 8° La carte de séjour temporaire portant la mention "travailleur saisonnier", en application du 4° de l'article L. 313-10 du même code (...) " ; que l'article R. 341-3-1 prévoyait : " Le travailleur titulaire d'une autorisation venant à expiration peut en demander le renouvellement (...) " ; qu'aux termes de l'article R341-5 du code du travail dans sa version applicable : " Le renouvellement d'une autorisation de travail mentionnée au premier alinéa de l'article R. 341-3 est sollicité dans le courant des deux mois précédant son expiration. La demande de renouvellement est accompagnée de documents dont la liste est fixée par arrêté conjoint du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé du travail. L'autorisation de travail est renouvelée dans la limite de la durée du contrat de travail restant à courir ou de la mission restant à accomplir en France. (...) " ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, qui a été titulaire de contrats saisonniers de travailleur agricole d'une durée de six mois, qui ont été prorogés de un ou deux mois, pour les années 2002 à 2007, est retourné au Maroc à l'issue de chacun de ses contrats ; qu'il n'a jamais été titulaire d'une carte de séjour portant la mention " salarié " et, au demeurant, n'en a jamais sollicité la délivrance ; qu'il n'appartient pas à l'administration de requalifier des contrats de travailleurs saisonniers en contrats de travail à durée indéterminée ; que, dès lors, les moyens tirés de l'erreur de qualification juridique des faits qui aurait été commise par le préfet des Bouches-du-Rhône et de la violation des dispositions précitées du code du travail et de celles de l'article R. 341-7-2 du même code doivent être écartés ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'ainsi que cela a été dit précédemment, M. A n'a jamais été titulaire d'une carte de séjour portant la mention " salarié " ; que, dès lors, il ne saurait invoquer une rupture de l'égalité de traitement du fait d'une discrimination entre travailleurs étrangers placés dans la même situation et une violation des engagements internationaux ratifiés par la France sur les travailleurs migrants, dès lors qu'en se bornant à refuser la délivrance d'une autorisation de travail à un étranger qui ne justifiait pas des conditions requises pour l'obtention du titre de séjour, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a, en tout état de cause, méconnu ni la directive européenne 2000/43/CE du 29 juin 2000 et la loi n° 2000-1486 du 30 décembre 2004 votée pour sa transcription en droit interne, ni la convention n° 2 de l'Organisation internationale du travail sur le chômage du 28 novembre 1919, ni la convention n° 44 de ladite Organisation du 23 juin 1934 ratifiée par la France le 21 février 1949, ni la convention de la même organisation n° 97 du 1er juillet 1949, ni encore les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, en dernier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, pour les mêmes motifs que ceux indiqués précédemment, le préfet des Bouches-du-Rhône aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle du requérant ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite et de l'arrêté du 14 avril 2009 du préfet des Bouches-du-Rhône portant refus de séjour :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 341-7-2 du code du travail, dans sa version issue du décret n° 84-169 du 8 mars 1984 expressément abrogée par le décret n° 2007-801 du 11 mai 2007 : " Le contrat d'introduction de travailleur saisonnier visé par les services du ministre chargé du travail donne à son titulaire le droit d'exercer l'activité professionnelle salariée qui y est portée pendant sa durée de validité chez l'employeur qui a signé ce contrat. La durée totale du ou des contrats saisonniers dont peut bénéficier un travailleur étranger ne peut excéder six mois sur douze mois consécutifs. Un même employeur ne peut être autorisé à recourir à un ou des contrats de main-d'oeuvre saisonnière visés à l'article 1er pour une période supérieure à six mois sur douze mois consécutifs. Le décompte est effectué pour chaque établissement d'une même entreprise. A titre exceptionnel, l'employeur peut être autorisé à conclure des contrats saisonniers d'une durée maximum totale de huit mois sur douze mois consécutifs sous la double condition que ces contrats concernent des activités de production agricole déterminées, pour lesquelles cette mesure répond à des exigences spécifiques et que l'employeur intéressé apporte la preuve qu'il ne peut faire face à ce besoin par le recrutement de main-d'oeuvre déjà présente sur le territoire national. " ; qu'il résulte des dispositions en vigueur depuis le 26 juillet 2006, et notamment de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version issue de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 et de l'article R. 5221-23 du code du travail, que la durée pendant laquelle un étranger peut occuper un ou plusieurs emplois saisonniers ne peut excéder six mois par an ;
Considérant qu'en présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale" répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire" ;
Considérant que M. A soutient qu'il a été employé en qualité de travailleur saisonnier entre 2002 et 2007 sous couvert de contrats conclus dans le cadre des dispositions applicables du code du travail et notamment de ses articles L. 122-1 et R. 341-7-2, contrats qui ont fait l'objet de prolongations de un ou deux mois au-delà d'une durée de six mois à six reprises ; que toutefois, eu égard en particulier au nombre d'années pendant lesquelles M. A est venu travailler en France, et alors même qu'il a travaillé dans le cadre d'un processus d'immigration de travail contrôlé par les pouvoirs publics sans pour autant que soient respectées les conditions légales et réglementaires en vigueur, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'aucun motif exceptionnel n'était de nature à justifier son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d' une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République." ; qu'aux termes de l'article R. 313-21 du même code : " Pour l'application du 7º de l'article L. 313-11, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. " ;
Considérant que M. A, né le 25 février 1976, soutient, ainsi que cela a été dit précédemment, qu'il a travaillé sur le territoire français de 2002 à 2007 comme ouvrier agricole sous couvert de contrats d'introduction de travailleur saisonnier conclus dans le cadre des dispositions applicables du code du travail et notamment de ses articles L. 122-1 et R. 341-7-2, ses contrats ayant été prolongés au-delà de la durée de six mois à six reprises, et qu'il a désormais établi le centre de ses intérêts personnels et économiques en France ; qu'il se borne toutefois à produire à l'appui de cette allégation ses différents contrats de travail, ses bulletins de paie et certificats de travail et n'établit pas avoir tissé des liens personnels en France, alors qu'il n'est pas contesté qu'il a rejoint à l'issue de chacun de ses contrats son pays d'origine, où réside son épouse ; que s'il fait état de la présence en France de son père, d'un oncle et de cousins, il ne démontre ni l'intensité de ses liens familiaux sur le territoire national ni être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, l'arrêté contesté n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, et n'a, par suite, pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que doit être également écarté, pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle et familiale du requérant ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet des Bouches-du-Rhône refusant la délivrance d'une autorisation de travail et son admission au séjour en France et portant obligation de quitter le territoire français ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Abderrahim A et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
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