Vu la décision n° 305 136 en date du 10 juin 2010 enregistré le 19 juillet 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 10MA02767, par laquelle le Conseil d'Etat statuant sur le pourvoi en cassation introduit pour la SOCIETE DES AUTOROUTES ESTEREL-COTE D'AZUR-PROVENCE-ALPES (ESCOTA) a annulé l'arrêt n° 04MA00652 et 04MA00690 de la cour administrative d'appel de Marseille et renvoyé l'affaire devant ladite Cour ;
Vu I, la requête, enregistrée au greffe de la Cour, sous le n° 04MA00652, présentée pour la SOCIETE ESCOTA, représentée par son représentant légal en exercice, dont le siège social est sis, BP 1350 à Aubagne Cedex (13674), par le cabinet d'avocats Abeille et associés ;
La société ESCOTA demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°001275/001273 du 20 janvier 2004 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de France Télécom à lui payer la somme de 763 881,35 euros, augmentée des intérêts de droit capitalisés en application de l'article 1154 du code civil à compter du 1er janvier 1998, correspondant aux redevances d'occupation du domaine public autoroutier concédé au titre de l'année 1998 ;
2°) de faire droit à cette demande ;
3°) de condamner France Télécom à lui payer la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le mémoire, enregistré au greffe de la Cour le 9 août 2011, après la décision de renvoi du Conseil d'Etat, présenté pour la SOCIETE ESCOTA qui réduit sa demande tendant à la condamnation de la société France Télécom à la somme de 399 174,10 euros et conclut, à titre subsidiaire, à la désignation d'un expert aux frais d'expertise avancés par la société France Télécom et à la condamnation de cette société à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient, en outre, que la question du versement de redevances par la société France Télécom a été définitivement tranchée par le Conseil d'Etat dans son arrêt du 10 juin 2010 ; qu'elle n'entend plus se prévaloir du tarif prévu par le décret annulé par le Conseil d'Etat ; que le tarif prévu par l'article R. 20-52 du code des postes et télécommunications électroniques fixant à 300 euros par kilomètre et par artère le montant annuel maximum exigible auprès des opérateurs, n'est pas applicable au présent litige ; qu'elle a fait réaliser une étude qui a déterminé précisément les redevances dues par France Télécom ;
Vu le mémoire en défense, enregistré au greffe de la Cour le 22 février 2012, présenté pour la société France Télécom qui conclut à ce que le montant des redevances dues à la SOCIETE ESCOTA soit fixée à la somme de 176 302 euros et à ce que les intérêts au taux légal courent à compter du 3 décembre 1999, date d'exigibilité de la facture de la SOCIETE ESCOTA et à la capitalisation des intérêts à compter du 3 décembre 2000 jusqu'au 25 juin 2010 ; elle conclut également à la condamnation de la SOCIETE ESCOTA à lui verser une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient, en outre, que le rapport commandé par la SOCIETE ESCOTA se borne à fixer un tarif pour la période 1998-2005, sans fournir d'explication pour les redevances dues au titre de la seule année 1998 et en évaluant les redevances en valeur 2009 ; qu'il n'y a pas de justification à ce que les avantages procurés par l'utilisation du domaine public en 1998 soit plus élevé qu'il ne l'est depuis 2006 ; que, d'ailleurs, la SOCIETE ESCOTA a envisagé d'appliquer le tarif de 2005 ; qu'elle est toujours le seul opérateur présent sur le domaine public autoroutier ; que, contrairement à ce que soutient la SOCIETE ESCOTA, l'aménagement d'un réseau sur l'infrastructure d'une autoroute existante s'avère extrêmement onéreux et génère des contraintes et des coûts élevés de maintenance ; qu'en outre, le tarif réglementaire d'occupation est 10 fois supérieur à celui pratiqué sur le domaine public routier, ce qui explique la désaffection des opérateurs sur ce domaine ; qu'il y a donc lieu d'appliquer pour 1998 le tarif de 300 euros par kilomètre appliqué à compter de 2006 en le minorant en fonction de l'évolution de l'index général relatif aux travaux publics constaté entre 1998 et 2006 , ce qui aboutit à un coefficient de minoration de 0,782 ; que les intérêts ne peuvent être fixés au 1er janvier 1998, comme le demande la SOCIETE ESCOTA mais à la date d'exigibilité de la facture, soit 45 jours après sa réception, à savoir le 3 décembre 1999 ; que le cours des intérêts capitalisés doit s'arrêter non pas à la date du paiement effectif mais dans les 15 jours du prononcé de l'arrêt de cassation, soit le 25 juin 2010 compte tenu de l'attitude de la SOCIETE ESCOTA qui a fait perdurer artificiellement le litige ;
Vu le mémoire, enregistré au greffe de la Cour le 23 mars 2012, présenté pour la SOCIETE ESCOTA qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;
Elle soutient, en outre, que c'est France Télécom qui persiste à ne pas payer des sommes qui sont dues au titre de l'occupation de son domaine public ; qu'il est inexact que France Télécom ne trouve pas d'intérêt particulier à implanter de la fibre optique sur le réseau ESCOTA ; que l'application du tarif 2005 même corrigé pour déterminer les redevances dues au titre de 1998 ne repose sur aucune logique juridique ; que l'application de ce tarif pour l'année 1998 n'était envisageable que dans le cas d'un accord transactionnelle pour l'ensemble de la période 1998-2005 ;
Elle soutient, en outre, qu'elle n'a pas étendu son réseau sur le domaine public autoroutier depuis l'ouverture du secteur des télécommunications à la concurrence ;
Vu la décision en date du 1er septembre 2011 de la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille portant désignation, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, de Mme Isabelle Buccafurri, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Moussaron, président de la 7ème Chambre ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive n° 90/388 de la Commission du 28 juin 1990 ;
Vu le code civil ;
Vu le code de la voirie routière ;
Vu le code du domaine de l'Etat ;
Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;
Vu le code des postes et des communications électroniques ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mai 2012 :
- le rapport de Mlle Josset, premier conseiller,
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,
- les observations de Me Pontier, représentant la SOCIETE ESCOTA et de Me Prévot-Leygonie, représentant la société France Télécom ;
Considérant que la société France Télécom a été autorisée à poser des câbles de fibres optiques dans l'emprise du domaine public autoroutier concédé par l'Etat à la SOCIETE DES AUTOROUTES ESTEREL-COTE D'AZUR-PROVENCE-ALPES (ESCOTA), sur des tronçons des autoroutes A. 8, A. 50, A. 51, A. 52 et A. 57 ; qu'à la suite du refus de la société France Télécom de procéder au paiement à la SOCIETE ESCOTA des redevances, d'un montant global de 9 820 786,62 F (1 497 171 euros), correspondant à ces occupations domaniales au titre de l'année 1998, cette dernière société a saisi le tribunal administratif de Marseille de demandes tendant à la condamnation de la société France Télécom à lui payer cette somme ; que par jugement du 27 janvier 2004, confirmé en appel par un arrêt de la Cour de céans du 27 février 2007, le tribunal a rejeté cette demande ; que, par une décision en date du 10 juin 2010, statuant sur le pourvoi en cassation introduit par la société ESCOTA, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille au motif que la Cour avait commis une erreur de droit en estimant que la SOCIETE ESCOTA n'était pas compétente pour fixer les modalités de la redevance due par la société France Télécom et en percevoir le produit et a renvoyé l'affaire devant la Cour de céans pour qu'il y soit statué ; que dans le dernier état de ses écritures, la SOCIETE ESCOTA demande la condamnation de la société France Télécom au paiement de la somme de 399 714,10 euros hors taxes, assortie du versement d'intérêts capitalisés ;
Considérant qu'il résulte de la décision précitée du Conseil d'Etat que la SOCIETE ESCOTA est en droit de percevoir une redevance à raison de l'occupation du domaine public autoroutier par la société France Télécom ;
Considérant que le montant de la redevance susceptible d'être réclamée à la société France Télécom au titre de l'année 1998 doit être déterminé, en application du droit commun, en fonction des avantages de toute nature procurés au permissionnaire de voirie par l'occupation du domaine public ; que le montant des redevances doit tenir compte de la durée de l'occupation, de la valeur locative de l'emplacement occupé et des avantages matériels, économiques, juridiques et opérationnels qu'en tire le permissionnaire ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SOCIETE ESCOTA a autorisé la société France Télécom à occuper 235,556 km du domaine public autoroutier correspondant à un linéaire d'artère de 751,501 km ; que, dans le dernier état de ses écritures, la SOCIETE ESCOTA pour réclamer à France Télécom une somme de 399 714,10 euros se fonde sur une étude réalisée par la société Tactis qui valorise la redevance d'occupation par les "coûts évités" grâce aux avantages offerts à la société France Télécom par l'utilisation du domaine public autoroutier par comparaison avec le coût d'un déploiement identique sur le domaine public routier ; que France Télécom fait valoir que cette étude qui aboutit à lui réclamer une redevance au kilomètre linéaire, qui est plus du double de celle prévue par les dispositions du décret n° 2005-1676 du 27 décembre 2005, ne comporte aucune prise en compte des contraintes et des coûts élevés de maintenance et des aménagements sur le réseau autoroutier; que, dans ces conditions, il y a lieu de s'inspirer des nouvelles dispositions du décret n° 2005-1676 du 27 décembre 2005 fixant les modalités du calcul desdites redevance, même si celles-ci ne sont pas applicables à la période en litige ; qu'il résulte de l'instruction, eu égard aux avantages de toute nature procurés au permissionnaire de voirie par l'occupation du domaine public et à l'utilisation par la société France Télécom, mesurée en kilomètre d'artères, et compte tenu du taux de 300 euros par kilomètre d'autoroute occupé prévu par le décret précité, minoré en fonction de l'index général relatif aux travaux publics pour l' année 1998, que le montant de la redevance due par la société France Télécom à la SOCIETE ESCOTA doit être fixé à la somme globale de 176 302 euros majorée de la taxe sur la valeur ajoutée;
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que par courrier du 15 octobre 1999, la SOCIETE ESCOTA a adressé une facture à la société France Télécom en précisant que la date limite de paiement était de 45 jours fin de mois suivant sa réception ; que, dans ces conditions, le point de départ des intérêts doit être fixé au 3 décembre 1999 ; que les intérêts seront capitalisés à compter du 3 décembre 2000, comme le demande la société France Télécom, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Considérant que la société France Télécom, qui n'a pas versé de redevances pour l'occupation dudit domaine, n'est pas fondée à soutenir que le cours des intérêts capitalisés prenne fin au 25 juin 2010 soit dans le délai de 15 jours suivant le prononcé de l'arrêt déjà évoqué du Conseil d'Etat du 10 juin 2010 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que la SOCIETE ESCOTA est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; qu'il y a donc lieu d'annuler ce jugement et de condamner la société France Télécom à verser à la SOCIETE ESCOTA la somme de 176 302 euros hors taxe, majorée de la TVA, augmentée des intérêts et de la capitalisation desdits intérêts, dans les conditions susdites ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SOCIETE ESCOTA, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société France Télécom demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions susmentionnées de la SOCIETE ESCOTA ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Marseille du 20 janvier 2004 est annulé.
Article 2 : La société France Télécom est condamnée à verser à la SOCIETE ESCOTA une somme de 176 302 euros hors taxe, majorée de la TVA assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 décembre 1999. Les intérêts échus à la date du 3 décembre 2000 puis à l'échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le surplus de la requête est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société France Télécom sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE ESCOTA, à la société France Télécom et au ministre de l'économie, des finances et du commerce extérieur.
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