Vu la requête, enregistrée le 12 mars 2010, présentée pour Mme Véronique demeurant ... (13008) et le SOU MEDICAL GROUPE MACSF, par Me Choulet ; Mme A et le SOU MEDICAL GROUPE MACSF demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0801119 en date du 18 décembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Grasse à leur verser la somme de 235 963,22 euros et à la préservation de leurs droits au regard des sommes qu'ils seraient appelés à verser en conséquence de l'arrêt que la cour de cassation sera amenée à prendre ;
2°) à titre principal, de condamner le centre hospitalier de Grasse à leur rembourser la somme de 235 963,22 euros correspondant au montant versé aux époux B et de préserver leurs droits au regard des sommes qu'ils seraient amenés à payer et, à titre subsidiaire, de mettre à la charge du centre hospitalier 80 % du préjudice subi du fait de la perte de chance de bénéficier d'une information loyale, du recours à une IRM foetale ainsi que de la possibilité de mettre fin à la grossesse et, en tout état de cause d'assortir les sommes des intérêts de droit à compter du 26 novembre 2007 et d'ordonner la capitalisation des intérêts à compter de la même date ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Grasse la somme de 5 000 euros au titre des frais d'instance ;
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Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 10 février 2012, par lequel Mme A et le SOU MEDICAL GROUPE MACSF persistent dans leurs conclusions par les mêmes moyens en demandant toutefois que la somme de 235 963,22 euros soit portée à celle de 537 463,22 euros ;
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Vu le mémoire, enregistré le 16 février 2012, présenté pour le centre hospitalier de Grasse par Me Le Prado qui conclut au rejet de la requête ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mai 2012 :
- le rapport de Mme Massé-Degois, première conseillère ;
- les conclusions de Mme Fedi, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Choulet pour Mme A et le SOU MEDICAL ;
Considérant que Mme A et le SOU MEDICAL GROUPE MACSF relèvent appel du jugement du 18 décembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Grasse à leur verser la somme de 235 963,22 euros et à la préservation de leurs droits au regard des sommes qu'ils seraient appelés à verser en conséquence de l'arrêt que la cour de cassation sera amenée à prendre ; qu'ils sollicitent, devant la cour, dans le dernier état de leurs écritures, la condamnation du centre hospitalier de Grasse à leur verser la somme de 537 463,22 euros et à la préservation de leurs droits au regard des sommes qu'ils seraient appelés à verser en conséquence de l'arrêt que la cour de cassation sera amenée à prendre ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le docteur A a suivi la grossesse de Mme B depuis la conception de l'enfant au début du mois d'octobre 1996 jusqu'à la fin du mois de février 1997 ; que les trois premières échographies, réalisées le 12 novembre 1996, le 17 décembre 1996 et le 14 janvier 1997 n'ont révélé aucune anomalie ; que, lors de la quatrième échographie, réalisée le 25 février 1997 à l'institut de médecine de la reproduction de Marseille dans lequel exerce Mme A, le médecin l'ayant pratiqué a noté " examen difficile +++ " et a indiqué qu'il n'avait pu observer ni la face, ni l'artère pulmonaire, ni les extrémités du foetus ; que Mme B a revu une dernière fois le docteur A après cette échographie et qu'à la suite du déménagement de la parturiente, le suivi des trois derniers mois de sa grossesse a été assuré par le centre hospitalier de Grasse ; qu'une cinquième échographie pratiquée le 2 mai 1997 au sein de cet établissement n'a pas permis de bien visualiser la face du foetus ; que l'enfant de M. et Mme B, né le 1er juin 1997, est atteint d'un syndrome polymalformatif comportant une anophtalmie bilatérale, une aplasie de l'oreille gauche, une hypoplasie de la mandibule ainsi qu'une fusion des doigts ; que le docteur A a été reconnue, par l'autorité judiciaire, responsable des préjudices entraînés pour M. et Mme B par l'infirmité dont est atteint leur enfant et condamnée à les indemniser de leurs préjudices ; que, par la présente requête, Mme A et son assureur, le SOU MEDICAL GROUPE MACSF, qui a pris en charge les condamnations, demandent que le centre hospitalier de Grasse soit condamné à les garantir ; que ladite demande a le caractère d'une action subrogatoire ;
Sur la responsabilité pour faute :
Considérant, en premier lieu, que Mme A et son assureur font valoir que le centre hospitalier de Grasse a commis une faute dans le suivi de la grossesse de Mme B en ne proposant pas à l'intéressée une nouvelle échographie dès sa prise en charge par l'hôpital, puis en ne renouvelant pas l'échographie réalisée le 2 mai 1997 compte tenu des observations incomplètes et que ces manquements ont privé Mme B, qui n'a pas été informée des risques de donner naissance à un enfant handicapé, de la faculté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse pour motif thérapeutique ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction résultant de la codification par le 1 du II de l'article 2 de la loi du 11 février 2005 de dispositions qui figuraient antérieurement aux trois premiers alinéas du I de l'article 1er de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : " Nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance /(...) / Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l'enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale. " ; qu'aux termes du 2 du II de l'article 2 de la loi du 11 février 2005, reprenant en les adaptant des dispositions qui figuraient antérieurement au dernier alinéa du I de l'article 1er de loi du 4 mars 2002 : " Les dispositions de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles tel qu'il résulte du 1 du présent II sont applicables aux instances en cours à la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 précitée, à l'exception de celles où il a été irrévocablement statué sur le principe de l'indemnisation. " ; qu'en prévoyant l'application des dispositions de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles aux instances en cours lors de l'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, le législateur a nécessairement entendu que ces dispositions s'appliquent également à la réparation de dommages dont le fait générateur était antérieur à la date d'entrée en vigueur de cette loi mais qui, à cette date, n'avaient pas encore donné lieu à une action indemnitaire ;
Considérant que, par une décision n° 2010-2 QPC du 11 juin 2010, publiée au Journal officiel le 12 juin, le Conseil Constitutionnel a, sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution, déclaré le 2 du II de l'article 2 de la loi du 11 février 2005 contraire à la Constitution, au motif qu'il n'existait pas d'intérêt général suffisant pour justifier la remise en cause des droits des personnes ayant, avant le 7 mars 2002, date d'entrée en vigueur du I de l'article 1er de la loi du 4 mars 2002, engagé une procédure en vue d'obtenir la réparation de leur préjudice ; que le Conseil Constitutionnel a en revanche relevé qu'il existait des motifs d'intérêt général pouvant justifier l'application des règles nouvelles à des instances engagées après le 7 mars 2002 au titre de situations juridiques nées avant cette date ; qu'il résulte de la décision du Conseil Constitutionnel et des motifs qui en sont le support nécessaire qu'elle n'emporte abrogation, conformément au deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution, du 2 du II de l'article 2 de la loi du 11 février 2005 que dans la mesure où cette disposition rend les règles nouvelles applicables aux instances en cours au 7 mars 2002 ; que la décision du Conseil Constitutionnel ne définit par ailleurs pas d'autres conditions et limites pour la remise en cause des effets que cette disposition avait produits avant cette date ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que M. et Mme B, ont engagé une instance en réparation des conséquences dommageables résultant du handicap de leur fils, né le 1er juin 1997, antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 ; qu'à cette dernière date, le jugement du tribunal de grande instance de Grasse n° 99/3817 du 9 janvier 2001 condamnant le docteur A à réparer les préjudices moraux et matériels des consorts B faisait l'objet d'un appel devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence qui a statué par un arrêt le 19 septembre 2002 ; que la disposition déclarée contraire à la Constitution, relative aux personnes disposant d'une instance en cours au 7 mars 2002 comme il a été dit ci-dessus, était ainsi applicable à cette affaire ; que, par suite, le régime de responsabilité défini au premier et au troisième alinéa de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles n'est pas applicable à la présente instance dans la mesure où la demande de Mme A et de son assureur, le SOU MEDICAL GROUPE MACSF qui a pris en charge l'indemnisation des dommages, trouve son fondement dans l'action intentée par les consorts B antérieurement à la date de l'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 ;
Considérant, toutefois, qu'aux termes de l'article L. 162-12 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable lors du suivi de grossesse de Mme B : " L'interruption volontaire d'une grossesse peut, à toute époque, être pratiquée si deux médecins attestent, après examen et discussion, que la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme ou qu'il existe une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic " ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise confiée par la cour administrative d'appel de Marseille au professeur Milliez, praticien spécialisé en gynécologie obstétrique, qui s'est adjoint un sapiteur gynécologue-accoucheur spécialisé en échographie, que le centre hospitalier de Grasse n'a pas satisfait à ses obligations de moyens en ne renouvelant pas les échographies qui ne visualisaient pas la face du foetus ; que, toutefois, les deux experts ont estimé, qu'à la date des faits, tant l'anophtalmie bilatérale que les autres malformations affectant la face du foetus étaient très difficilement détectables à l'échographie et, qu'au cas particulier, la détection était rendue encore plus délicate du fait de la position inadéquate du foetus et de la morphologie de la mère ; que, par ailleurs, il résulte des conclusions du rapport d'expertise, que seule la pratique d'une IRM anténatale aurait permis de mettre en évidence de telles malformations et, qu'au cas particulier, cet examen qui exigeait notamment, à la date des faits, que le foetus reçoive du curare pour être immobilisé, n'était indiqué qu'à la suite d'anomalies grossières de structure du cerveau foetal suggérées par un examen échographique antérieur et non parce que l'échographie ne permettait pas de visualiser la face du foetus en raison d'une mauvaise position du foetus ou de la morphologie de la mère ; qu'ainsi, même informée de l'incertitude attachée aux échographies qu'elle avait subies, soit sur proposition des médecins, soit parce qu'elle l'aurait elle-même sollicitée, Mme B n'aurait pu bénéficier d'une IRM foetale ; que, dans ces conditions, cette incertitude n'était pas de nature à considérer qu'était remplie la condition d'une " forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic " qui seule aurait permis à Mme B de recourir, le cas échéant, à une interruption de grossesse pour motif thérapeutique en application des dispositions susmentionnées de l'article L. 162-12 du code de la santé publique ; qu'enfin, les experts ont relevé que l'enfant de M. et Mme B, né avec des orbites oculaires, est atteint d'anophtalmie dégénérative résultant de l'arrêt de développement d'une vésicule optique normalement induite et s'atrophiant secondairement et que, d'une part, il était ainsi " probable que les globes oculaires aient été eux aussi présents pendant une partie de la vie foetale " et que, d'autre part, les cristallins pouvaient ainsi être vus jusqu'à " assez tard dans la grossesse " ; que, dans ces circonstances, les appelants qui n'apportent aucun élément d'ordre médical de nature à remettre en cause les conclusions des deux experts spécialisés, ne sont ainsi pas fondés à soutenir que les manquements du centre hospitalier de Grasse ont fait perdre à Mme B la possibilité de recourir à une interruption de grossesse pour motif thérapeutique ;
Sur la responsabilité sans faute :
Considérant que lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue, mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y serait particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ;
Considérant que, s'agissant de la naissance d'un enfant dont le handicap n'a pas été décelé par les examens prénataux, la responsabilité sans faute du centre hospitalier ne saurait être engagée dès lors que le dommage n'est pas sans rapport avec l'état initial du patient ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A et son assureur le SOU MEDICAL GROUPE MACSF ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande ; que leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A et de son assureur le SOU MEDICAL GROUPE MACSF est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Véronique A, au SOU MEDICAL GROUPE MACSF et au centre hospitalier de Grasse.
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N°10MA01009 2