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11/06/2012 | FRANCE | N°10MA00861

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 11 juin 2012, 10MA00861


Vu, enregistrée le 26 février 2010, la requête présentée pour M. Jacques A, demeurant ... (34240), pour Mme Josette A, demeurant ... (34240) et pour Mme Nelly A, demeurant ... (48000) par Me Bourgin, avocat ; les CONSORTS A demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800571 du 14 janvier 2010 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Mende à verser à M. Jacques A et à Mme Josette A chacun la somme de 6 600 euros et à Mme Nelly A la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral r

ésultant du décès de leur fille et soeur Fabienne A et de son enfant à...

Vu, enregistrée le 26 février 2010, la requête présentée pour M. Jacques A, demeurant ... (34240), pour Mme Josette A, demeurant ... (34240) et pour Mme Nelly A, demeurant ... (48000) par Me Bourgin, avocat ; les CONSORTS A demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800571 du 14 janvier 2010 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Mende à verser à M. Jacques A et à Mme Josette A chacun la somme de 6 600 euros et à Mme Nelly A la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral résultant du décès de leur fille et soeur Fabienne A et de son enfant à naître ;

2°) de faire droit à leur demande de première instance ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une contre expertise ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Mende une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de condamner le centre hospitalier aux entiers dépens ;

.............................

Vu, enregistré le 26 avril 2010, le mémoire présenté pour la caisse commune de sécurité sociale de la Lozère, qui informe la cour qu'elle ne souhaite pas constituer ministère d'avocat dans cette affaire ;

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Vu, enregistré le 18 mai 2011, le mémoire présenté pour le centre hospitalier de Mende, par Me Le Prado, qui conclut au rejet de la requête ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mai 2012 :

- le rapport de Mme Carassic, rapporteure ;

- les conclusions de Mme Fédi, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Bourgin pour les consorts A ;

Considérant que Mme Fabienne A, âgée de 36 ans, enceinte de 6 mois et demi de son troisième enfant, souffrant d'une douleur thoracique, s'est présentée le 6 novembre 2005 à 19 H 30 au service des urgences du centre hospitalier de Mende et a été transférée au service gynécologie de cet hôpital ; que son état s'est rapidement altéré et qu'elle y est décédée dans la nuit ; que l'autopsie pratiquée le 8 novembre 2005 a montré que le décès résultait d'une dissection aortique étendue ; que, par jugement attaqué du 14 janvier 2010, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande des consorts A tendant à la condamnation du centre hospitalier de Mende à verser à M. Jacques A et à Mme Josette A chacun la somme de 6 600 euros et à Mme Nelly A la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral résultant du décès de leur fille et soeur Fabienne A et de l'enfant à naître ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. " ; que malgré la demande du greffe de la cour, le tribunal administratif de Nîmes n'a pas communiqué la minute du jugement attaqué ; que, dans ces conditions, la cour n'étant pas en mesure de vérifier si cette minute a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience, il y a lieu d'annuler le jugement ;

Considérant qu'il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer sur la demande présentée devant le tribunal administratif ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) " ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, lorsque Mme Fabienne A s'est présentée aux urgences du centre hospitalier de Mende, elle a indiqué avoir subi une violente et fugace douleur thoracique à la suite d'une forte contrariété d'ordre personnel et " avoir perdu quelque chose par voie vaginale " ; qu'elle a aussi évoqué une sensation de " boule dans la gorge " et de fourmillements aux extrémités ; que ces manifestations ayant fait évoquer le diagnostic de risque d'avortement spontané suite à une crise de spasmophilie, d'autant que le dossier médical de la patiente mentionnait la survenance d'une fausse couche spontanée l'année précédente, Mme A a été orientée par le médecin des urgences vers le service de gynécologie du centre hospitalier ; que des douleurs abdominales et des paralysies des membres inférieurs droit ou gauche ont persisté dans la nuit, de temps à autre ; qu'elle est décédée dans la nuit ; que l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes indique que le décès de la victime résulte d'une dissection aortique, qui a commencé à se produire à la suite de la décharge d'adrénaline, avec montée brutale de la tension artérielle, résultant de la contrariété susmentionnée de la victime et conclut à " la présence d'une symptomatologie clinique bâtarde et erratique absolument déroutante " ;

Considérant que les consorts A soutiennent qu'en présence de la conjugaison de ces signes présentés par la victime, le centre hospitalier aurait dû réaliser des examens complémentaires, notamment l'examen des constantes vitales et l'examen de la symétrie des pouls, qui auraient permis de faire le bon diagnostic de dissection aortique aigüe ; qu'il est constant que le dossier médical ne porte aucune mention de prise de pouls ou de tension artérielle ni au service des urgences, ni lors de son admission en service de gynécologie ni dans la nuit ; que l'attestation du médecin urgentiste attestant, 17 mois après les faits, que les constantes vitales de la patiente auraient été examinées lors de son admission aux urgences n'est pas de nature à elle seule à établir que cet examen a été réalisé ; que l'expert, pour estimer que l'examen cardiovasculaire de la patiente était normal, s'est fondé à tort sur la mention " C.V. " (" constantes vitales ") figurant sur la fiche d'admission, alors que cette mention, en réalité " C.U. ", indiquait que la patiente avait été hospitalisée pour des " contractions utérines " ; que le médecin conseil des requérants, diplômé de la réparation juridique du dommage corporel, indique dans son rapport critiquant celui de l'expert judiciaire, rapport qui constitue, alors même qu'il n'a été fait au contradictoire des parties, un élément d'information, que l'examen de la symétrie des pouls aurait permis de poser le bon diagnostic ; qu'ainsi, le défaut de ces examens a été directement à l'origine d'une perte de chance d'éviter le décès de la patiente de nature à engager, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la responsabilité du centre hospitalier ;

Considérant, toutefois, que lorsque la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a fait perdre à celui-ci une chance d'éviter le dommage constaté, la réparation qui incombe à l'établissement doit alors être évaluée à une fraction de ce dommage déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;

Considérant que l'expert judiciaire signale que la dissection aortique présente, par sa gravité, une évolution clinique rapide et pessimiste, nécessitant une prise en charge chirurgicale urgente et spécialisée ; qu'il souligne, qu'à supposer même que le diagnostic de dissection aortique ait pu être posé, il aurait fallu confirmer ce dernier par une échographie et un scanner thoracique par un médecin d'astreinte, et une fois le diagnostic établi, diriger la patiente en urgence vers le centre de chirurgie cardiaque de Montpellier ou de Clermont Ferrand, le centre hospitalier de Mende n'en disposant pas, et que, dans les meilleures conditions de circulation routière de nuit en novembre, il n'y avait que très peu de chances que l'intéressée arrive en vie dans ce centre de chirurgie ; et qu'à supposer même qu'elle ait pu être opérée du coeur, la césarienne qui aurait dû être pratiquée aurait compromis la viabilité du foetus de 26 semaines, et l'opération elle-même aurait nécessité des actes longs, complexes et délicats quasiment incompatibles avec l'état de santé de la victime, qui, même si elle était au repos dans un lit d'hôpital, est décédée 9 heures seulement après son admission au centre hospitalier ; que l'expert évalue cette perte de chance à un pourcentage de 5 % qu'il y a lieu de retenir ;

Sur le préjudice :

Considérant, qu'eu égard aux circonstance de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral éprouvé par M. Jacques A et de Mme Josette A du fait du décès de leur fille, en l'évaluant à une somme de 8 500 euros, du préjudice moral éprouvé par la soeur de la victime Nelly A, en l'évaluant à 5 000 euros et du préjudice moral de chaque grand-parent du fait de la perte du petit enfant à naître en l'évaluant à une somme de 8 000 euros et de celui de la tante Nelly A du fait de la perte de son neveu à naître, en l'évaluant à une somme de 4 000 euros ; que compte tenu du pourcentage de perte de chance retenu il y a lieu de condamner le centre hospitalier à payer une somme de 425 euros à chacun des parents de la victime, 250 euros à sa soeur, 400 euros à M. Jacques A et à Mme Josette A pour la perte de leur petit-enfant à naître et 200 euros à Mme Nelly A pour la perte de neveu à naître ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge définitive du centre hospitalier de Mende les frais, taxés et liquidés à la somme de 900 euros, de l'expertise diligentée devant le tribunal administratif de Nîmes ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le centre hospitalier de Mende à verser la somme de 2 000 euros aux consorts A ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 14 janvier 2010 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.

Article 2 : Le centre hospitalier de Mende versera à M. Jacques A et à Mme Josette A chacun la somme de 825 euros au titre du préjudice moral résultant du décès de leur fille et petit-enfant à naître et à Mme Nelly A la somme de 450 euros au titre du préjudice moral résultant du décès de sa soeur et neveu à naître.

Article 3 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 900 (neuf cents) euros, sont mis à la charge définitive du centre hospitalier de Mende.

Article 4 : Le centre hospitalier de Mende versera la somme de 2 000 (deux mille) euros aux Consorts A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Artcle 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jacques A, à Mme Josette A, à Mme Nelly A, au centre hospitalier de Mende et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Lozère.

Copie en sera adressée pour information à M. Mary, expert.

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N° 10MA008612

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA00861
Date de la décision : 11/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. BENOIT
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: Mme FEDI
Avocat(s) : BOURGIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-06-11;10ma00861 ?
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