La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/06/2012 | FRANCE | N°10MA00325

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 11 juin 2012, 10MA00325


Vu, enregistré le 26 janvier 2010, la requête présentée pour M. Léopold A, demeurant ... par la SCP d'avocats Farriol-Vieu-Barthes ;

M. A demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 0601275 du 17 novembre 2009, par lequel le tribunal administratif de Montpellier a limité à la somme de 25 000 euros le montant de la réparation du préjudice qu'il a subi du fait de l'infection nosocomiale qu'il a contractée au centre hospitalier de Perpignan en février 1999 ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Perpignan à lui payer la somme totale de 151 969,44

euros demandée en première instance ;

3°) de mettre à la charge du centre hospit...

Vu, enregistré le 26 janvier 2010, la requête présentée pour M. Léopold A, demeurant ... par la SCP d'avocats Farriol-Vieu-Barthes ;

M. A demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 0601275 du 17 novembre 2009, par lequel le tribunal administratif de Montpellier a limité à la somme de 25 000 euros le montant de la réparation du préjudice qu'il a subi du fait de l'infection nosocomiale qu'il a contractée au centre hospitalier de Perpignan en février 1999 ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Perpignan à lui payer la somme totale de 151 969,44 euros demandée en première instance ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Perpignan une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de condamner le centre hospitalier aux entiers dépens ;

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mai 2012 :

- le rapport de Mme Carassic, rapporteure ;

- les conclusions de Mme Fédi, rapporteure publique ;

Considérant qu'à la suite d'un accident de la route, M. A a été hospitalisé le 9 février 1999 au centre hospitalier de Perpignan et a subi le 23 février 1999 une opération chirurgicale en vue de réaliser une ostéosynthèse de la diaphyse fémorale gauche ; qu'à la suite de prélèvements effectués le 26 février 1999 sur un redon de fémur et de rotule gauche, il a été constaté que le requérant avait contracté une infection à staphylocoque epidermis méticilline résistant ; que, par jugement avant dire droit du 27 novembre 2008, le tribunal administratif de Montpellier a déclaré le centre hospitalier de Perpignan responsable de cette infection nosocomiale et a, avant de statuer sur le montant des indemnités à allouer à M. A et sur les droits de la CPAM des Pyrénées Orientales, ordonné une expertise médicale afin d'évaluer les préjudices directs et certains en relation avec cette seule infection ; qu'après dépôt du rapport de l'expert le 30 juin 2009, le tribunal administratif, par le jugement attaqué du 27 novembre 2009, a condamné le centre hospitalier de Perpignan à verser la somme de 25 000 euros à la victime au titre des préjudices subis et la somme de 7 478,40 euros, portant intérêt au taux légal à compter du 10 août 2006, à la CPAM des Pyrénées Orientales au titre de ses débours et la somme de 955 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ; que M. A, s'estimant insuffisamment indemnisé, relève appel de ce jugement en tant qu'il a limité à la somme de 25 000 euros le montant de la réparation de ses préjudices et demande à la cour que le montant de la réparation allouée soit porté à la somme totale de 151 969,44 euros ; que la CPAM des Pyrénées Orientales demande, par la voie de l'appel incident, que la somme de 7 478,40 euros soit portée à 98 224,82 euros au titre de ses débours ; que le centre hospitalier de Perpignan, qui ne conteste pas le principe de sa responsabilité dans la survenance de l'infection nosocomiale, conclut au rejet de la requête ;

Sur les préjudices à caractère patrimonial :

En ce qui concerne les dépenses de santé :

Considérant que la CPAM des Pyrénées Orientales demande le remboursement des frais médicaux et pharmaceutiques versés au titre de la période du 9 février 1999 au 20 juin 2006 pour son assuré, des soins infirmiers pour la période du 28 novembre 2003 au 20 juin 2006, des frais d'appareillage de la victime au titre de la période du 29 mars 2003 au 7 mai 2006 , des arrérages échus de la pension d'invalidité pour la période du 1er juin 2001 au 26 août 2003, en soutenant que ces frais sont, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, en lien exclusif avec l'infection nosocomiale subie par M. A ;

Considérant que la caisse produit, à l'appui de sa demande de remboursement, le même relevé des frais que celui produit en première instance, estimé insuffisamment précis et détaillé par les premiers juges, sans qu'aucun des éléments de ce document ne se trouve validé par le médecin conseil, malgré la demande qui a été faite à la caisse par la cour en ce sens ; que le rapport de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier fait état de trois périodes d'hospitalisations de la victime, du 7 au 28 janvier 2001, au service d'orthopédie du centre hospitalier universitaire de Montpellier pour ablation du matériel d'ostéosynthèse, du 3 au 11 mai 2001, dans le même service pour un abcès à la cuisse et du 6 au 8 juin 2001 pour le drainage d'un nouvel abcès ; que ce rapport précise que M. A a été victime le 24 décembre 2001 d'un second accident de circulation, qui a occasionné à nouveau une fracture de la diaphyse fémorale gauche et que le centre hospitalier de Perpignan a dû procéder à une ostéosynthèse directe ; que le rapport d'expertise, s'il indique que la victime a dû suivre un long traitement antibiotique du fait de l'infection, ne permet pas d'établir la correspondance entre les périodes de traitement invoquées par la caisse et celles indiquées par l'expert ; que, si ce rapport indique aussi que la victime, qui marche avec une boîterie et qui présente des antécédents d'arthrose du genou gauche, a affirmé, lors de l'examen clinique du 29 avril 2009, avoir besoin d'un fauteuil électrique pour parcourir des longues distances et d'un chariot ou de cannes pour se déplacer sur de courtes distances, cette indication ne permet pas d'établir que les frais d'appareillage de la victime au titre de la période du 29 mars 2003 au 7 mai 2006 sont en lien exclusif avec son infection nosocomiale ; que si l'expert fait aussi état de l'écoulement, de temps à autre, d'une fistule sur la cuisse gauche nécessitant des soins infirmiers, la caisse n'établit pas l'existence de ces soins pour la période qu'elle indique ; que les frais futurs de santé ne sont pas détaillés par la caisse ; que, dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que ces postes de dépense de santé ne présentaient pas de lien exclusif et certain avec l'infection nosocomiale de M. A et ont rejeté en conséquence la demande d'indemnisation de la caisse présentée à ce titre ;

En ce qui concerne les pertes de revenus de la victime :

Considérant que les premiers juges ont écarté l'indemnisation de ce chef de préjudice en estimant que M. A avait perçu pendant les trois périodes d'hospitalisations susmentionnées cumulées de 34 jours, liées à l'infection nosocomiale, des indemnités journalières de la CPAM des Pyrénées Orientales et que la victime ne justifiait pas avoir subi de perte de revenus ; qu'en appel, M. A, qui était demandeur d'emploi lors de son accident de février 1999, se borne à soutenir qu'il ne pouvait plus exercer son activité de commerçant avec vente sur les marchés en raison de la douleur éprouvée et des soins nécessaires à son état de santé ; qu'il ne justifie pas ainsi avoir été privé de revenus qui n'auraient pas été compensés par le versement de ces indemnités journalières pendant la période d'incapacité temporaire totale imputable à l'infection nosocomiale ; que si la victime soutient n'avoir perçu aucune indemnité journalière pour la période du 26 juin 2001, date à laquelle il a reçu l'allocation adulte handicapé, au 26 août 2003, date de sa mise à la retraite pour laquelle il perçoit une pension, ce litige est étranger à la présente instance ; qu'il n'est pas établi par les pièces du dossier que la caisse a versé une pension d'invalidité à la victime ; que, par suite, les premiers juges ont écarté à bon droit ce chef de préjudice ;

Sur les préjudices à caractère personnel :

Considérant que M. A soutient que le tribunal a fait une appréciation insuffisante des préjudices non patrimoniaux qu'il a subis du fait de l'infection nosocomiale dont il a été atteint ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, que M. A a subi du fait de l'infection nosocomiale en question un déficit fonctionnel temporaire total pendant 34 jours, ainsi qu'il a déjà été dit et un déficit fonctionnel temporaire partiel de 21 mois imputable à cette infection ; que l'expert a chiffré les souffrances endurées par la victime, en raison de la longueur du traitement antibiotique suivi et des douleurs ressenties au cours des trois reprises chirurgicales induites par l'infection, à 3,5 sur une échelle de 7 ; que l'expert a estimé son déficit fonctionnel permanent à 15 % imputable à l'infection nosocomiale, compte tenu des contraintes de soins en rapport avec la persistance de la fistule productive de la cuisse ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, ce taux de 15 %, dont l'expert a spécifié qu'il était directement imputable à l'infection nosocomiale, en dehors de celui résultant de l'état de santé de la victime polytraumatisée après son accident de circulation, doit être seul pris en compte pour l'évaluation de son préjudice ; que son préjudice esthétique permanent résultant de la persistance de la fistule productive a été fixé à 3 sur une échelle de 7 ; que le requérant, en faisant valoir qu'il a dû renoncer du fait de son état de santé à la pratique d'activités sportives (bateau, ski nautique), aux bains de mer et que cette inaction lui pèse doit être regardé comme invoquant un préjudice spécifique d'agrément du fait de l'infection nosocomiale contractée ; qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble des préjudices de l'intéressé en portant à 31 000 euros l'indemnité à laquelle il peut prétendre à ce titre, cette indemnité globale réparant l'ensemble des troubles de toute nature dans les conditions d'existence de M. A, dès lors que, contrairement à ce que soutient le requérant, l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale n'impose pas de procéder à une évaluation distincte par poste de préjudice ne donnant lieu au versement d'aucune prestation d'un tiers payeur ;

Considérant qu'il s'ensuit que la somme due à M. A par le centre hospitalier de Perpignan, en réparation de ses préjudices consécutifs à l'infection nosocomiale, s'élève à 31 000 euros ;

Sur les dépens :

Considérant qu'en vertu de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique, les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat ; que la présente instance n'a donné lieu à aucun dépens ; que, par suite, les conclusions présentées par M. A sur le fondement de ces dispositions ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Perpignan la somme de 1 500 euros à verser à M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées à ce titre par la CPAM des Pyrénées Orientales doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La somme de 25 000 euros au paiement de laquelle le centre hospitalier de Perpignan a été condamné par l'article 1 du jugement n° 0601275 du 27 novembre 2009 du tribunal administratif de Montpellier est portée à un montant de 31 000 (trente et un mille) euros.

Article 2 : Le jugement est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le centre hospitalier de Perpignan versera la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros à M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions présentées par la CPAM des Pyrénées Orientales sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A, au centre hospitalier de Perpignan et à la caisse primaire d'assurance maladie des Pyrénées Orientales.

''

''

''

''

N° 10MA003252

gm


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA00325
Date de la décision : 11/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. BENOIT
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: Mme FEDI
Avocat(s) : SCP FARRIOL et VIEU-BARTHES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-06-11;10ma00325 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award