La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/05/2012 | FRANCE | N°10MA03531

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 31 mai 2012, 10MA03531


Vu le mémoire enregistré le 8 septembre 2010, présenté pour Mme Marie-Dominique A, agissant pour elle-même et pour son fils mineur Julien A, demeurant ... (20 620) par Me Pellegri, avocat ; Mme A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901150 du 1er juillet 2010 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Biguglia à lui verser, en son nom propre et en celui de son fils Julien, la somme de 456 367 euros au titre du préjudice résultant de l'inondation de sa parcelle et de la détérioration conséquen

te de sa maison sise sur le territoire de la commune de Biguglia et à...

Vu le mémoire enregistré le 8 septembre 2010, présenté pour Mme Marie-Dominique A, agissant pour elle-même et pour son fils mineur Julien A, demeurant ... (20 620) par Me Pellegri, avocat ; Mme A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901150 du 1er juillet 2010 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Biguglia à lui verser, en son nom propre et en celui de son fils Julien, la somme de 456 367 euros au titre du préjudice résultant de l'inondation de sa parcelle et de la détérioration conséquente de sa maison sise sur le territoire de la commune de Biguglia et à la nomination d'un expert pour déterminer ce préjudice par jugement avant dire droit ;

2°) de nommer, par arrêt avant dire droit, un expert et de condamner la commune de Biguglia à lui verser, en son nom propre et en celui de son fils Julien, la somme de 456 367 euros pour réparer son préjudice ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Biguglia la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

................................

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 11 janvier 2012, le mémoire complémentaire produit par Mme A, agissant en son nom personnel et en celui de son fils Julien A par Me Pellegri, qui conclut à titre principal à ce que la commune de Biguglia soit déclarée responsable de son préjudice et condamnée à lui verser la somme de 456 367 euros, à titre subsidiaire de désigner un expert , tout en portant sa demande présentée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à la somme de 5 000 euros :

................................

Vu, enregistré le 13 janvier 2012, le mémoire présenté pour la commune de Biguglia, représentée par son maire en exercice, par Me Muscatelli, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la requérante à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 avril 2012 :

- le rapport de Mme Carassic, rapporteure ;

- et les conclusions de Mme Fédi, rapporteure publique ;

Considérant que Mme A, agissant pour elle-même et pour son fils mineur Julien A, relève appel du jugement du 1er juillet 2010, par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Biguglia à lui verser, en son nom propre et en celui de son fils Julien, la somme de 456 367 euros au titre du préjudice résultant de l'inondation répétée de sa parcelle et de la détérioration conséquente de sa maison sise sur le territoire de la commune de Biguglia et à la nomination d'un expert pour déterminer ce préjudice ;

Sur la responsabilité de la commune :

Considérant que Mme A, qui se plaint d'inondations répétées de son terrain et de sa villa depuis 1995 en cas de fortes pluies, a, relativement aux dommages dont s'agit, la qualité de tiers vis à vis du système d'évacuation des eaux pluviales auquel elle impute les inondations fréquentes de sa propriété ; que la mise en jeu de la responsabilité sans faute d'une collectivité publique pour dommages de travaux publics à l'égard d'un justiciable qui est tiers par rapport à un ouvrage public est subordonnée à la démonstration par cet administré du lien de causalité entre l'ouvrage et le dommage et à l'existence d'un dommage anormal et spécial ;

Considérant qu'il résulte du rapport de l'expert du 25 octobre 2007 désigné par ordonnance du 17 février 2006 du juge des référés du tribunal administratif de Bastia, dont la mission a été étendue par ordonnance du 23 mars 2007, que les eaux pluviales de la partie amont du lotissement Paluro, situé au dessus de la propriété de la requérante, sont canalisées par le chemin de Paluro, pour traverser ensuite une propriété mitoyenne de celle de Mme A en pente sud nord, avant de pénétrer et d'inonder la partie nord de la parcelle de la requérante, située dans une cuvette, où ces eaux ne peuvent s'évacuer sur un collecteur public ; qu'au cours de l'instance d'appel, la commune a confirmé, par courrier du 21 décembre 2011 adressé à la requérante à sa demande, que le chemin de Paluro appartient à la voirie communale ; que l'expert indique clairement que cette situation provient de l'urbanisation du lotissement Paluro, qui ne comporte pas de réseau de collecte des eaux pluviales, dès lors qu'avant la construction de maisons sur le côté aval du chemin de Paluro, dont la dernière a été achevée en 1995, ces eaux pluviales étaient absorbées par le sol naturel ; qu'en outre, la situation s'est aggravée après les travaux effectués par la commune de recalibrage de la route Gandolfi, qui dessert la propriété de Mme A, et de la réalisation de trottoirs le long de la chaussée en 2000, qui ont eu pour effet de relever le seuil de l'accès à la propriété et d'augmenter ainsi la profondeur de la cuvette naturelle du terrain litigieux ; que la suppression, lors de la réalisation d'un de ces deux lotissements, d'un fossé qui récupérait les eaux pluviales des deux versants du talweg et qui aurait permis le drainage naturel des eaux, ne peut dans ces conditions et contrairement à ce que soutient la commune, être la cause des inondations répétées subies par la requérante ; qu'ainsi, Mme A établit, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le lien de causalité entre le caractère défectueux du système d'évacuation des eaux pluviales, dont la responsabilité de la conception et du bon fonctionnement de l'ensemble du réseau communal d'évacuation des eaux, y compris celles provenant d'un lotissement privé, incombe à la commune, qui a au demeurant délivré le permis de lotir du lotissement Paluro, et les inondations qu'elle a subies ; que le dommage subi par Mme A présente en outre un caractère anormal et spécial ; qu'ainsi, la responsabilité de la commune, qui ne soutient pas qu'elle a délégué la conception, la réalisation ou la gestion de son réseau pluvial et qui n'a pas appelé en garantie le lotisseur dans la présente instance, est pleinement engagée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la responsabilité de la commune de Biguglia n'était pas engagée ;

Sur le préjudice :

Considérant que la requérante n'est pas fondée à soutenir que le second rapport de l'expert du 2 juillet 2009 serait irrégulier pour ne pas lui avoir laissé le temps de répondre après la diffusion du pré rapport du 20 mars 2009, dès lors que cette seconde expertise, ordonnée le 19 janvier 2009 par le juge des référés du tribunal administratif de Bastia à la suite d'autres inondations survenues entre octobre et fin décembre 2008 sur sa propriété et qui désignait un sapiteur afin d'estimer les travaux de réfection nécessaires de la propriété, n'avait pour objet que de préciser les missions et conclusions de la première expertise déposée le 25 octobre 2007 ;

Considérant d'abord que Mme A fait valoir que sa villa a subi des désordres tant intérieurs, qu'extérieurs du fait de ces inondations récurrentes ; que l'expert indique que les traces d'humidité importantes sur les murs de certaines pièces d'habitation et la nécessité conséquente de refaire les tapisseries et peintures de la salle à manger, de l'entrée et de la chambre sont imputables à l'absence de ventilation mécanique et statique de cette maison ; que ces désordres intérieurs, qui ont été au demeurant indemnisés par l'assureur de la requérante, ne présentent ainsi pas de lien de causalité avec l'insuffisance du réseau d'évacuation des eaux pluviales ; que la réparation des fissures apparues sur les côtés sud et nord de la terrasse, si celles-ci proviennent, d'après l'expert, des inondations répétées du terrain, a été indemnisée par la compagnie d'assurance, ainsi que celle du mur de clôture sud séparant la propriété de Mme A et de ses voisins les époux Frangini ; qu'en revanche, la réparation des fissures horizontales, qui progressent sur les façades sud, est et ouest de la villa et qui résultent des modifications de volume du sol du terrain en fonction de son degré d'humidité, a été évaluée par le sapiteur de l'expert à la somme de 18 076,37 euros, pour une surface à traiter de 180 m² ; qu'il sera donc fait une exacte appréciation du préjudice matériel subi par Mme A en le chiffrant à la somme de 18 076,37 euros ;

Considérant ensuite que l'expert a estimé que les travaux nécessaires pour remédier aux désordres et à leur renouvellement consistaient à récupérer une partie des eaux collectées par le chemin du Paluro dans un avaloir à créer sur ce chemin et l'autre partie dans un autre avaloir à créer derrière le mur mitoyen au terrain de Mme A pour rejoindre ensuite la chambre de raccordement des eaux pluviales ; que ces travaux devant être réalisés sur les parties communes du lotissement de Ficabruna et sur la voie communale, ils ne peuvent pas être pris en charge par la requérante et ne peuvent donc donner lieu à une indemnisation versée à ce titre à cette dernière ;

Considérant encore que les troubles dans les conditions d'existence de la requérante et de son fils, eu égard à leur crainte de voir leur maison régulièrement inondée, seront réparés par l'allocation d'une somme de 4 000 euros à ce titre à Mme A et une autre somme de 4 000 euros à son fils ; qu'en revanche, l'aggravation alléguée de l'état de santé de la requérante et de son fils du fait de cette humidité n'est pas établie par l'attestation du médecin généraliste de la requérante mentionnant que l'état de santé de Mme A du fait de son asthme et de sa fibromyalgie et celui de son fils Julien, du fait de son asthme, contre-indiquent le fait de vivre, comme ils le font, dans une maison humide ;

Considérant enfin qu'en réponse à une demande d'instruction de la cour, la requérante a produit, pour établir une perte de la valeur vénale de sa propriété, un rapport détaillé, concordant et non contesté par la commune du bureau Véritax, à laquelle il a été transmis ; que ce rapport indique que la valeur initiale de la propriété, terrain plus construction, sans tenir compte du sinistre, s'élevait à la somme de 368 880,99 euros ; que l'expert M. Martin, désigné par ordonnance du 19 janvier 2009 du juge des référés du tribunal administratif de Bastia, indique dans son rapport de juillet 2009, qu'en attendant la réalisation des travaux de réfection nécessaires, la perte de la valeur vénale de la propriété, terrain plus construction, peut être estimée entre 15 % et 20 % de la valeur initiale du bien ; qu'en se fondant sur une décote de 15 % de la valeur de la propriété, la perte de la valeur vénale s'élève à la somme de 55 332 euros; qu'il y a lieu de condamner la commune de Biguglia à verser à Mme A la somme de 55 332 euros au titre de la perte de la valeur vénale de sa propriété, si mieux n'aime, aux lieu et place du paiement de cette somme, réaliser les travaux nécessaires sur son réseau d'évacuation des eaux pluviales pour mettre fin au préjudice subi par la requérante dans le délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Biguglia doit être condamnée à verser la somme totale de 77 408,37 euros à Mme A du fait de l'ensemble des préjudices résultant des inondations de sa propriété et la somme de 4 000 euros à son fils mineur au titre de ses troubles dans les conditions d'existence ;

Sur les dépens :

Considérant qu'il convient de mettre à la charge les frais d'expertise, d'un montant de 2 255,71 euros et de 2 257,16 euros, à la charge de la commune de Biguglia ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Biguglia la somme de 1 500 euros à verser à Mme A au titre des frais exposés non compris dans les dépens ; que les dispositions de cet article font obstacle à ce que Mme A, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser quelque somme que ce soit à la commune au titre de cet article ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bastia du 1er juillet 2010 est annulé.

Article 2 : La commune de Biguglia est condamnée à verser à Mme A la somme de 22 076,37 (vingt deux mille soixante seize euros et 37 centimes) et la somme supplémentaire de 55 332 euros (cinquante cinq mille trois cent trente deux euros), si mieux n'aime, aux lieu et place du paiement de cette dernière somme, réaliser les travaux nécessaires sur son réseau d'évacuation des eaux pluviales dans le délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt et la somme de 4 000 (quatre mille) euros à son fils mineur au titre du préjudice subi.

Article 3 : La commune de Biguglia versera à Mme A la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus de la requête de Mme A est rejeté.

Article 5 : Les frais d'expertise d'un montant de 2 255,71 euros et de 2 257,16 euros, sont mis à la charge de la commune de Biguglia.

Article 6 : Les conclusions de la commune de Biguglia présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A, à la commune de Biguglia et à la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Corse.

Copie pour information à l'expert M. Martin.

''

''

''

''

N°10MA03531 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA03531
Date de la décision : 31/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-01 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages sur les voies publiques terrestres.


Composition du Tribunal
Président : M. BENOIT
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: Mme FEDI
Avocat(s) : PELLEGRI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-05-31;10ma03531 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award