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22/05/2012 | FRANCE | N°09MA01040

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 22 mai 2012, 09MA01040


Vu la requête, enregistrée le 23 mars 2009 au greffe de la Cour, présentée pour M. Serguei A, demeurant ..., par Me Lebreton ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501059 en date du 25 novembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande et celle de son épouse tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles son foyer fiscal a été assujetti au titre des années 1998 et 1999 ainsi que des pénalités qui ont assorti ces impositions ;

2°) de prononce

r la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 eur...

Vu la requête, enregistrée le 23 mars 2009 au greffe de la Cour, présentée pour M. Serguei A, demeurant ..., par Me Lebreton ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501059 en date du 25 novembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande et celle de son épouse tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles son foyer fiscal a été assujetti au titre des années 1998 et 1999 ainsi que des pénalités qui ont assorti ces impositions ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention du 4 octobre 1985 conclue entre la France et l'ex Union des Républiques soviétiques socialistes en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, et la convention du 26 novembre 1996 entre la France et la Russie en matière d'impôts sur le revenu et la fortune ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 avril 2012,

- le rapport de M. Bédier, président assesseur ;

- et les conclusions de M. Guidal, rapporteur public ;

Considérant que M. A demande à la Cour d'annuler le jugement en date du 25 novembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande et celle de Mme B, son épouse, tendant à la décharge des cotisations supplémentaires communes d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1998 et 1999 ainsi que des pénalités qui ont assorti ces impositions ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que, par décision en date du 19 juin 2009, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur du contrôle fiscal sud-est a prononcé le dégrèvement, à concurrence de la somme de 147 569 euros de la totalité des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles M. A et Mme B avaient été assujettis au titre des années 1998 et 1999 ; que la requête de l'intéressé est, dans cette mesure, devenue sans objet ;

Sur l'imposition conjointe des époux :

Considérant qu'aux termes du 4. de l'article 6 du code général des impôts : " Les époux font l'objet d'impositions distinctes : a. Lorsqu'ils sont séparés de biens et ne vivent pas sous le même toit ; b. Lorsqu'étant en instance de séparation de corps ou de divorce, ils ont été autorisés à avoir des résidences séparées ; c. Lorsqu'en cas d'abandon du domicile conjugal par l'un ou l'autre des époux, chacun dispose de revenus distincts " ;

Considérant que l'administration a estimé qu'elle était en droit d'établir une imposition commune au nom de M. A et de Mme B, son épouse ; que M. A fait valoir que Mme B et lui-même ne pouvaient faire l'objet d'une imposition commune au titre des années 1998 et 1999 alors que leur régime matrimonial était celui de la séparation de biens et qu'ils ne vivaient plus sous le même toit ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des documents rédigés en langue russe auxquels une traduction en langue française est jointe que M. A et son épouse ont passé devant notaire à Moscou le 10 avril 1997 un contrat de mariage de séparation de biens complété par un avenant en date du 17 juin 1997 ; que, le 19 juin 1997, M. A et son épouse ont enregistré à Moscou également devant notaire une déclaration de rupture de fait des liens matrimoniaux par laquelle ils indiquaient vivre séparément à compter de cette même date ; que ces actes, intervenus quatre années avant le début des opérations d'examen d'ensemble de situation fiscale personnelle, ne peuvent être regardés comme ayant été passés pour les besoins de la cause ; que la séparation de fait est confirmée par les nombreux autres documents présentés par M. A et qui démontrent que son épouse s'était établie à Nice avec sa fille au cours des années 1998 et 1999 alors que lui-même avait au cours des mêmes années maintenu son foyer à Moscou ; que ne se trouve pas en contradiction avec ce qui précède la mention relative à l'état-civil de Mme B indiquant qu'elle est l'épouse en secondes noces de M. A, qui figure sur l'acte notarié passé à Cannes par lequel Mme B a acquis à titre personnel le 27 janvier 1999 une propriété à Mandelieu ; qu'à cet égard, demeure également indifférentes la circonstance qu'un jugement du 15 octobre 2001 rendu en Russie au sujet de la situation des époux ne fait référence qu'au contrat de mariage du 10 avril 1997 et non à son avenant de juin 1997 ou la circonstance que M. A et Mme B disposaient mutuellement de procurations sur leurs comptes bancaires et ont souscrit solidairement en 1998 des emprunts, dès lors que le fait que intéressés auraient agi de concert pour la gestion d'intérêts matériels et patrimoniaux communs ne saurait faire obstacle à une imposition distincte ; qu'enfin, l'administration ne peut utilement se prévaloir à l'appui de son point de vue de la mention d'une adresse commune de M. A et de Mme B à Moscou figurant sur un acte de confirmation de garantie d'un emprunt en date du 14 septembre 2001 dès lors qu'il résulte de la lecture de ce document que l'adresse qui y est mentionnée ne peut être regardée comme contemporaine de cet acte ; que, dans ces conditions, séparés de biens et ne vivant pas sous le même toit, M. A et Mme B devaient faire l'objet d'impositions distinctes au titre des années 1998 et 1999 en application du a. du 4 de l'article 6 du code général des impôts ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que, s'agissant d'impositions sur le revenu établies au nom de deux contribuables distincts, M. A et Mme B, le tribunal administratif devait inviter les intéressés à régulariser leur requête par la production de deux requêtes distinctes mais ne pouvait statuer, comme il l'a fait, par un jugement unique sur des conclusions présentées par des contribuables différents ; que c'est en méconnaissance de cette règle d'ordre public que le tribunal administratif s'est prononcé par une seule décision ; que, dès lors, son jugement doit être annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. A ;

Considérant qu'il y a lieu pour la Cour de statuer par voie d'évocation sur la demande présentée devant le Tribunal administratif de Nice par M. A ;

Sur les conséquences de l'imposition distincte des époux :

Considérant que l'erreur commise par l'administration en établissant une imposition commune de contribuables devant faire l'objet d'impositions séparées demeure sans incidence quant à la régularité de la procédure d'imposition ; qu'elle implique seulement que les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. A a été assujetti au titre des années 1998 et 1999 soient réduites à hauteur du montant résultant de l'application à celui-ci du régime d'imposition séparée ;

Sur la domiciliation fiscale de M. A :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale nationale :

Considérant qu'aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française " ; qu'aux termes du 1 de l'article 4 B du même code : " Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques " ;

Considérant que, comme il a été dit, il résulte de l'instruction que M. A vivait au cours des années 1998 et 1999 à Moscou, séparé de son épouse et qu'il exerçait une activité professionnelle en Russie ; qu'il ne peut être réputé être domicilié en France au regard des dispositions de l'article 4 B du code général des impôts alors que sa résidence fiscale se situait en Russie ;

Considérant que M. A demeure toutefois passible de l'impôt sur le revenu à raison de ses revenus de source française par application des dispositions de l'article 4 A du code général des impôts ; que les impositions contestées par M. A procèdent de la réintégration à ses revenus des seules sommes regardées comme des revenus d'origine indéterminée figurant au crédit de comptes bancaires ouverts en France à son nom et à celui de son épouse ; que de telles sommes sont présumées, au regard de la loi française, être de source française même lorsqu'elles sont à la disposition d'un non-résident ;

Considérant toutefois qu'il résulte de l'examen du document établi par l'organisme New Age Corporation et de son rapprochement avec la notification de redressement du 24 août 2001 que les sommes taxées d'office par l'administration fiscale ont été versées pour partie sur le compte bancaire ouvert sous le n° 58139180 à la Société générale au nom de Mme B et pour partie sur le compte bancaire ouvert sous le n° 58139115 auprès du même organisme bancaire au nom de M. A ; que, comme il a été dit, l'erreur commise par l'administration en établissant une imposition commune de contribuables devant faire l'objet d'impositions séparées implique que les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. A a été assujetti au titre des années 1998 et 1999 soient réduites à hauteur du montant résultant de l'application à celui-ci du régime d'imposition séparée ; que M. A est donc fondé, au regard de la loi française, à demander que ses revenus d'origine indéterminée soient diminués des sommes dont il est établi qu'il n'a pas disposé à titre personnel soit de la somme de 3 866 716 francs au titre de l'année 1998 et de la somme de 193 169 francs au titre de l'année 1999 ; que cette diminution entraîne la décharge de la totalité de l'imposition supplémentaire établie au titre de l'année 1998 et la réduction de l'imposition supplémentaire établie au titre de l'année 1999, calculée par application du régime d'imposition séparée ;

En ce qui concerne l'application de la convention conclue le 4 octobre 1985 entre la France et l'ex Union des Républiques soviétiques socialistes :

Considérant qu'aux termes de l'article 12 de la convention conclue le 4 octobre 1985 entre la France et l'ex Union des Républiques soviétiques socialistes, en vue d'éliminer les doubles impositions, applicable à l'année 1999 en vertu des stipulations de l'article 28-3 de la convention conclue le 26 novembre 1996 entre la France et la Russie : " Les revenus non énumérés dans les articles précédents de la présente convention perçus par un résident d'un Etat et provenant de sources situées dans l'autre Etat ne sont pas imposables dans cet autre Etat " ;

Considérant que M. A était en 1999 résident fiscal de Russie ; que les revenus d'origine indéterminée à raison desquels il a été imposé ne figurent pas au nombre des revenus énumérés aux articles 4 à 11 de la convention du 4 octobre 1985 ; que, par suite, ces revenus n'étaient imposables qu'en Russie par application des stipulations de l'article 12 de la convention ; que M. A est de ce fait fondé à demander, par application de la convention du 4 octobre 1985, la décharge de la fraction de l'imposition supplémentaire établie au titre de l'année 1999 et qui reste à sa charge après application de la loi fiscale française ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est en définitive fondé à demander la décharge, en droits et pénalités, de la totalité des impositions supplémentaires auxquelles il a été assujetti au titre des années 1998 et 1999 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 1998 et 1999, qui ont été dégrevées en totalité pour un montant de 147 569 euros.

Article 2 : Le jugement en date du 25 novembre 2008 du Tribunal administratif de Nice est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. A.

Article 3 : M. A est déchargé, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1998 et 1999.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. A en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Serguei A et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.

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N° 09MA01040 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 09MA01040
Date de la décision : 22/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-01-02-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Personnes physiques imposables.


Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: M. Jean-Louis BEDIER
Rapporteur public ?: M. GUIDAL
Avocat(s) : LEBRETON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-05-22;09ma01040 ?
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