Vu la requête, enregistrée le 24 mars 2009, présentée pour la SA HOTELLERIE DU CHATEAU DE LA CHEVRE D'OR, dont le siège social est rue du Bari à Eze-Village (06360), par Me Günther ;
La SA HOTELLERIE DU CHATEAU DE LA CHEVRE D'OR demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0501468 en date du 20 janvier 2009 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge :
- des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2000, et des pénalités y afférentes ;
- de la retenue à la source et des pénalités y afférentes qui lui ont été réclamées au titre de l'année 2001 ;
- du prélèvement sur les revenus de placement à revenus fixes auquel elle a été assujettie au titre des années 2000 et 2001 et des pénalités dont il a été assorti ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 25 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 avril 2012,
- le rapport de M. Emmanuelli, rapporteur ;
- les conclusions de M. Guidal, rapporteur public ;
- et les observations de Me Anderson, du cabinet d'avocats Fidal, pour la SA HOTELLERIE DU CHATEAU DE LA CHEVRE D'OR ;
Considérant que la SA HOTELLERIE DU CHATEAU DE LA CHEVRE D'OR, qui exploite sur le territoire de la commune d'Eze (Alpes-Maritimes), un hôtel appartenant à la chaîne des Relais et Châteaux et a pour associés la SA Irminsul, société de droit suisse, et la SA Sopralux, société de droit luxembourgeois, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur les années 2000 et 2001 ; qu'à la suite de ce contrôle, cette société s'est vue assigner des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée, et des pénalités y afférentes, au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2000, résultant de la remise en cause de la taxe déduite lors de l'acquisition de quatre villas affectées au logement de son personnel ; que la SA HOTELLERIE DU CHATEAU DE LA CHEVRE D'OR a également été assujettie, au titre de l'année 2001, à la retenue à la source à raison d'une distribution de revenus réalisée au profit de la SA Irminsul et, au titre des années 2000 et 2001, au prélèvement sur les produits de placement à revenus fixes assis sur les intérêts versés à la SA Sopralux ; que la société requérante relève appel du jugement du 20 janvier 2009 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits et pénalités qui ont été ainsi mis à sa charge ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : " L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " ;
Considérant qu'il résulte de l'examen de la notification de redressement du 22 août 2003 que le vérificateur a précisé que, conformément aux dispositions de l'article 236 de l'annexe II au code général des impôts, la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses de logement supportées par l'entreprise au profit des dirigeants et des salariés n'était pas déductible ; qu'il a ajouté que l'exclusion du caractère déductible de cette taxe sur la valeur ajoutée, qui était codifiée sous les articles 7 et 11 du décret n° 67-604 du 27 juillet 1967, n'a pas été remise en cause par l'arrêt du 19 septembre 2000 de la Cour de justice de la communauté européenne ; que ces éléments étaient suffisants pour permettre au contribuable de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ; que le fait qu'à ce stade de la procédure, le vérificateur n'ait pas expliqué les motifs qui le conduisaient à ne pas faire application de la doctrine administrative contenue dans l'instruction du 29 janvier 1990 ne peut être assimilé à une insuffisance de motivation de la notification de redressement dès lors que celle-ci mettait la société requérante en mesure de comprendre la portée du redressement, d'en discuter utilement le bien-fondé et même d'invoquer, comme elle l'a fait dans sa réponse en date du 24 septembre 2003, le bénéfice de la doctrine administrative ; qu'en outre, aucune inversion de la charge de la preuve ne saurait, en l'espèce, être invoquée utilement ; que, par suite, la SA HOTELLERIE DU CHATEAU DE LA CHEVRE D'OR n'est pas fondée à soutenir que la notification de redressement n'est pas suffisamment motivée au regard des exigences posées par les dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales et à demander, pour ce motif, la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2000, et des pénalités y afférentes ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne le caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée de l'année 2000 :
Considérant qu'aux termes de l'article 236 de l'annexe II au code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " A titre temporaire, la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les dépenses de logement, de restaurant, de réception et de spectacles est exclue du droit à déduction. Toutefois, cette exclusion n'est pas applicable : (...) 2° Aux dépenses relatives à la fourniture à titre gratuit du logement sur les chantiers ou dans les locaux d'une entreprise du personnel de sécurité, de gardiennage ou de surveillance (...) " ;
Considérant que les dispositions précitées ne prévoient de dérogation à l'exclusion du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée que pour les dépenses de logement concernant des membres du personnel affectés, à titre principal, à des tâches de surveillance ou de sécurité ; qu'il est constant que les quatre villas dont la SA HOTELLERIE DU CHATEAU DE LA CHEVRE D'OR a fait l'acquisition sont utilisées pour loger des employés exerçant une activité relevant du secteur de l'hôtellerie ; que la société requérante ne peut donc bénéficier, au regard de la loi fiscale, de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'achat des immeubles dont s'agit ;
Considérant, par ailleurs, que la SA HOTELLERIE DU CHATEAU DE LA CHEVRE D'OR invoque, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la doctrine administrative contenue dans l'instruction BOI 3 D-2-90 du 29 janvier 1990 qui prévoit que le droit à déduction afférent à tous les biens et services autres que ceux expressément visés par l'article 236 de l'annexe II au code général des impôts doit être accordé, dans les conditions de droit commun, dès lors que ces biens et services sont nécessaires à l'exploitation et utilisés pour moins de 90 % de manière privative ou affectés sur le lieu même de travail à la satisfaction collective des besoins du personnel ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que les villas dans lesquelles sont logés certains membres du personnel ne sont pas situées sur le site de l'hôtel exploité par la société requérante mais dans un quartier résidentiel distant de plusieurs kilomètres de leur lieu de travail ; qu'au surplus, s'il n'est pas contesté que les villas dont s'agit hébergeaient, au moment des faits, le personnel de l'hôtel et que les chambres étaient dotées de deux lits superposés, les villas acquises en 2000 en l'état futur d'achèvement ne peuvent s'apparenter à des bâtiments dévolus à la satisfaction collective des besoins du personnel tels qu'évoqués par l'instruction du 29 janvier 1990 et qui comprennent, notamment, les dortoirs d'ateliers ou de chantiers et les baraques mobiles ; qu'enfin, la circonstance que l'administration ait fait référence, dans l'acceptation partielle de la réclamation du contribuable en date du 12 janvier 2005 à l'instruction BOI 3 D-2-02 du 15 juillet 2002 qui ne trouvait pas à s'appliquer au moment des faits est sans incidence sur le bien-fondé des impositions ; qu'il suit de là que la société requérante n'entre pas, en tout état de cause, dans les prévisions de la doctrine administrative qu'elle invoque ;
En ce qui concerne la retenue à la source de l'année 2001 :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SA HOTELLERIE DU CHATEAU DE LA CHEVRE D'OR a comptabilisé, à la date de clôture de l'exercice 2000, au passif du bilan de son entreprise, une somme de 9 000 000 F correspondant au solde des emprunts que lui avait consentis la société Sopralux ; qu'elle a transféré, le 2 janvier 2001, cette dernière somme au crédit du compte courant d'associé ouvert au nom de la société suisse Irminsul ; que l'administration a estimé que ces écritures retraçaient l'abandon pur et simple par la SA Sopralux de la créance qu'elle détenait contre la société requérante et que cet abandon avait eu pour effet d'augmenter d'autant l'actif net de cette dernière ; que l'inscription au crédit du compte courant de la somme en litige ayant donné lieu à une distribution de revenus au profit de la SA Irminsul, l'administration a, en conséquence, réclamé à la société requérante, au titre de l'année 2001, la retenue à la source de l'impôt sur le revenu des personnes non domiciliées en France ;
Considérant que la SA HOTELLERIE DU CHATEAU DE LA CHEVRE D'OR ne conteste pas que les formalités prévues à l'article 1690 du code civil en matière de cession de créances n'ont pas été remplies ; qu'il lui incombe donc d'apporter la preuve que l'administration aurait, à tort, estimé que le virement opéré d'un compte courant d'associé à un autre compte courant d'associé devait s'analyser comme un abandon de créance à son profit ;
Considérant que pour apporter la preuve du mal fondé du redressement, la SA HOTELLERIE DU CHATEAU DE LA CHEVRE D'OR fait valoir que les prêts dont elle a bénéficié ne lui ont pas été octroyés par la SA Sopralux et que les sommes correspondant auxdits prêts ont été, en fait, versées directement par M. A, au nom et pour le compte de la société Irminsul ; qu'elle ajoute qu'une erreur de comptabilisation a été commise du fait que la SA Sopralux, société de participations financières de droit luxembourgeois, a été constituée le 31 janvier 1992 entre la SA Irminsul, société de droit suisse ayant son siège social à Genève, et la Wine Presse SA, société de droit des Bahamas ayant son siège social à Nassau, et que, lors de cette constitution, M. A a été nommé administrateur ; que, toutefois, la société requérante n'établit nullement, par les documents qu'elle produit, que les sommes auraient été versées pour le compte de la SA Irminsul et que l'acte sous sein privé en date du 2 janvier 2001, au demeurant non produit, aurait traduit l'intention des parties de régulariser la situation par la signature d'un acte de cession de créance qui leur serait opposable ; que le transfert de la somme de 9 000 000 F du crédit du compte de tiers ouvert au nom de la SA Sopralux au crédit du compte courant ouvert au nom de la SA Irminsul ne peut, dès lors, s'analyser comme la correction d'une erreur comptable ; que, par ailleurs est sans incidence sur la solution du litige le fait que la SA Irminsul ait pris, en 2002, l'engagement de souscrire à l'augmentation du capital social de la SA HOTELLERIE DU CHATEAU DE LA CHEVRE D'OR en apportant sa créance, engagement qui se serait traduit dans les faits en 2006 ; que, dans ces conditions, la société requérante, qui a soldé le compte créditeur de la société Sopralux, ne démontre pas que la dette qu'elle avait envers celle-ci devait demeurer inscrite au passif de son bilan ; qu'elle doit, par suite, être regardée comme étant bénéficiaire d'un abandon de créance générant une augmentation de son actif net ; que l'inscription de la somme de 9 000 000 francs au crédit du compte courant de la SA Irminsul, qui ne peut trouver sa cause juridique dans une substitution de créanciers, se traduit en conséquence par une distribution de revenus au profit de la SA Irminsul ; que l'administration était donc fondée à réclamer à la SA HOTELLERIE DU CHATEAU DE LA CHEVRE D'OR le versement d'une retenue à la source assise sur les revenus qu'elle est réputée avoir distribué à la société Irminsul ;
En ce qui concerne le prélèvement sur les revenus de placement à revenus fixes :
Considérant qu'aux termes de l'article 125 A III du code général des impôts relatif au prélèvement sur les produits de placements à revenu fixe : " Le prélèvement est obligatoirement applicable aux revenus visés ci-dessus qui sont encaissés par des personnes n'ayant pas en France leur domicile fiscal " ; qu'il résulte de ces dispositions que les produits de placements à revenu fixe sont soumis de plein droit au prélèvement forfaitaire lorsqu'ils sont versés par un débiteur établi ou domicilié en France à des personnes physiques ou morales dont le domicile fiscal ou le siège social est situé hors de France ;
Considérant que la société requérante ne dément pas avoir versé, au cours des années en litige, des intérêts à une personne morale dont le siège social est situé hors de France ; que c'est donc à bon droit qu'elle a été assujettie, au titre des années 2000 et 2001, au prélèvement sur les produits de placement à revenus fixes en application des dispositions précitées de l'article 125 A III du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA HOTELLERIE DU CHATEAU DE LA CHEVRE D'OR n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes ; qu'elle ne peut ainsi prétendre au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SA HOTELLERIE DU CHATEAU DE LA CHEVRE D'OR est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA HOTELLERIE DU CHATEAU DE LA CHEVRE D'OR et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
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N° 09MA01070