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10/05/2012 | FRANCE | N°10MA03251

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 10 mai 2012, 10MA03251


Vu la requête, enregistrée le 12 août 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n°10MA03251, présentée par le PREFET DES ALPES-MARITIMES ;

Le PREFET DES ALPES-MARITIMES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1000494 du 14 mai 2010 du Tribunal administratif de Nice en tant qu'il a annulé sa décision en date du 16 novembre 2009 par laquelle il a prescrit que M. Adnan A pourrait être reconduit d'office en Turquie ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A contre cette décision ;

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Vu le jugement et...

Vu la requête, enregistrée le 12 août 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n°10MA03251, présentée par le PREFET DES ALPES-MARITIMES ;

Le PREFET DES ALPES-MARITIMES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1000494 du 14 mai 2010 du Tribunal administratif de Nice en tant qu'il a annulé sa décision en date du 16 novembre 2009 par laquelle il a prescrit que M. Adnan A pourrait être reconduit d'office en Turquie ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A contre cette décision ;

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Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 avril 2012 :

- le rapport de M. Pocheron, président assesseur,

- les conclusions de Mme Chenal-Peter, rapporteur public,

- et les observations de Me Katz, avocat de M. A ;

Considérant que le PREFET DES ALPES MARITIMES relève appel du jugement en date du 14 mai 2010 du Tribunal administratif de Nice en tant qu'il a annulé sa décision en date du 16 novembre 2009 par laquelle il a prescrit que M. A pourrait être reconduit d'office en Turquie ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants. " ; qu'aux termes de l'article 8 de la même convention : " -1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

Sur la décision en date du 16 novembre 2009 prescrivant que M. A pourrait être reconduit d'office en Turquie :

Considérant que M. A, entré en France le 10 octobre 2005 sans passeport ni visa selon ses déclarations, a fait l'objet d'un rejet de sa demande d'asile politique par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 12 mai 2006 aux motifs que ses déclarations orales étaient peu circonstanciées quant à ses activités militantes en Turquie, superficielles et confuses quant à l'arrestation et l'emprisonnement dont il aurait fait l'objet, que ses allégations relatives aux craintes d'être arrêté et condamné suite à la dénonciation d'un de ses camarades n'étaient ni étayées ni personnalisées, et que ses déclarations étaient en conclusion dénuées de tout élément sérieux permettant d'établir la réalité des faits allégués et de considérer qu'il pouvait être exposé à des persécutions ou à des menaces graves dans son pays d'origine ; que, le 7 décembre 2007, la Commission de recours des réfugiés (CRR) a confirmé cette décision de l'OFPRA aux motifs que ni les faits ni les craintes allégués n'étaient établis, et qu'en particulier le document présenté comme un acte d'accusation le concernant émis par le Procureur de la république de Diyarbakir le 2 février 2004 était dépourvu de garanties d'authenticité suffisantes, et que le rapport médical et le certificat médical émis par l'hôpital public de Batman les 4 mars et 15 mai 2004 ne pouvaient être regardés comme établissant un lien entre les constatations relevées lors de l'examen de M. A et les sévices dont il alléguait avoir été victime ; que la nouvelle demande d'admission au bénéfice de l'asile présentée par l'intéressé le 6 mai 2008 a également été rejetée par l'OFPRA le 16 mai 2008 aux motifs que la décision de la Cour d'assises de Diyarbakir en date du 23 septembre 2005 le condamnant à une peine de seize ans et huit mois d'emprisonnement devenue définitive le 17 décembre 2007, et le mandat d'arrêt lancé par le Tribunal de police de Gercus le 5 juin 2007 à l'encontre de son père, étaient antérieurs à la précédente décision de la CRR, alors que M. A n'établissait pas ne pas en avoir eu connaissance à cette date, que le certificat médical établi au contre médical Forville de Cannes le 26 juin 2007 ne constituait qu'un élément de preuve supplémentaire se rapportant à des faits remontant à 2004, que les documents produits et présentés comme une convocation émanant du parquet de Diyarbakir en date du 22 décembre 2007, un communiqué du parquet de Midyat invitant l'unité de gendarmerie de cette ville à procéder à son arrestation en date du 25 décembre 2007, et un procès-verbal établi à la maison d'arrêt de Sirnak le 25 décembre 2007 constatant la libération de son père, ne présentaient pas de garanties d'authenticité suffisantes pour établir, à eux seuls, la réalité des faits allégués, et que l'intéressé n'expliquait pas comment il avait pu se procurer lesdits documents ; que cette décision a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 31 juillet 2009 ; que, par arrêté du 16 novembre 2009, le PREFET DES ALPES-MARITIMES a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a prescrit qu'il pourrait être reconduit d'office à l'expiration du délai d'un mois à partir de la date de réception dudit arrêté à destination du pays dont il avait la nationalité ou de tout autre pays où il serait légalement admissible ; que cette dernière décision a été annulée par le jugement attaqué en tant qu'elle fixait la Turquie comme possible pays de renvoi, au motif qu'elle méconnaissait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des différentes décisions de l'OFPRA et de la CRR, que les allégations de M. A selon lesquelles il encourait des risques en cas de retour dans son pays d'origine à la date de la décision litigieuse ne sont pas établies par la production de documents qui, soit sont relatifs à des faits remontant à 2004, soit ne présentent pas des garanties d'authenticité suffisantes, nonobstant la pièce présentée comme une attestation de Me Aydin, avocat de l'intéressé en Turquie, certifiant leur exactitude ; que M. A ne justifie ainsi pas encourir des risques de torture ou de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Turquie ; que, par suite, c'est à tort que le Tribunal administratif de Nice s'est fondé sur la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler la décision litigieuse ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le Tribunal administratif de Nice ;

Considérant en premier lieu qu'il ressort des motifs de la décision querellée que le PREFET DES ALPES-MARITIMES, s'il a pris en compte les différentes décisions de l'OFPRA, de la CRR et de la CNDA qui ont refusé d'accorder à M. A le statut de réfugié et le bénéfice de la protection subsidiaire, a examiné l'ensemble de la situation de l'intéressé et estimé qu'il n'avait fourni auprès de l'administration aucun élément susceptible de remettre en cause l'analyse de ces différentes instances spécialisées ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que le préfet se serait senti en situation de compétence liée pour prendre la décision en cause ;

Considérant en second lieu que M. A, célibataire, sans enfant, ne résidait que depuis quatre ans en France à la date de la décision contestée ; que l'ensemble de sa famille réside en Turquie ; qu'il n'établit pas avoir d'attaches familiales en France ; que, par suite, la décision litigieuse, qui n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur les conclusions de M. A dirigées contre les décisions en date du 16 novembre 2009 par lesquelles le PREFET DES ALPES MARITIMES a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français :

Considérant que le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre des décisions litigieuses qui n'impliquent pas par elles-mêmes l'éloignement de M. A à destination de la Turquie ; que le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la même convention doit être écarté par les mêmes motifs que ceux précédemment exposés ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DES ALPES-MARITIMES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a annulé sa décision en date du 16 novembre 2009 par laquelle il a prescrit que M. A pourrait être reconduit d'office à destination de la Turquie ; que les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. A ne peuvent par voie de conséquence qu'être rejetées ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. A la somme que celui-ci réclame au titre des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nice du 14 mai 2010 est annulé en tant qu'il a annulé la décision en date du 16 novembre 2009 par laquelle le PREFET DES ALPES-MARITIMES a prescrit que M. A pourrait être reconduit d'office à destination de la Turquie.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Nice tendant à l'annulation de la décision en date du 16 novembre 2009 par laquelle le PREFET DES ALPES-MARITIMES a prescrit qu'il pourrait être reconduit d'office à destination de la Turquie est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. A tendant à l'annulation des décisions en date du 16 novembre 2009 par lesquelles le PREFET DES ALPES-MARITIMES a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français, ainsi qu'à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Adnan A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Copie en sera adressée au PREFET DES ALPES-MARITIMES.

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N° 10MA03251 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA03251
Date de la décision : 10/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. FERULLA
Rapporteur ?: M. Michel POCHERON
Rapporteur public ?: Mme CHENAL-PETER
Avocat(s) : KATZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-05-10;10ma03251 ?
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