Vu la requête, enregistrée le 25 février 2010, présentée pour M. Serge A, demeurant ... par la SCP d'avocats Ditisheim Nogarede ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0802177 du 21 janvier 2010 en tant que le tribunal administratif de Nîmes a limité son droit à réparation de ses préjudices en lui imputant une part de responsabilité dans l'accident dont il a été victime et en faisant application de la règle du forfait de pension pour ne lui allouer que 26 460 euros au titre de ses préjudices ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet, née le 15 juin 2008, par laquelle le directeur départemental de l'équipement du Gard a rejeté sa demande préalable d'indemnisation du 11 avril 2008, notifiée le 14 avril 2008 ;
3°) de condamner la direction départementale de l'équipement du Gard à lui payer les sommes de 11 200 euros au titre de la période d'incapacité totale de travail du 8 octobre 2000 au 2 février 2002 et de 4 550 euros au titre de la période d'incapacité totale de travail du 2 février 2002 au 21 février 2003, de 140 600 euros au titre de l'indemnisation de son incapacité permanente partielle de 38 %, de 12 000 euros au titre de ses souffrances endurées, de 2 000 euros au titre de son préjudice esthétique, de 24 147,44 euros au titre de l'indemnisation des incidences professionnelles de l'accident, de 40 000 euros au titre de son préjudice d'agrément et de 3 412,02 euros au titre du remboursement des frais d'expertise ;
4°) de mettre à la charge de la direction départementale de l'équipement du Gard une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code du travail ;
Vu le décret n° 65-48 du 8 janvier 1965 portant règlement d'administration publique pour l'exécution des dispositions du livre II du Code du travail (titre II : Hygiène et sécurité des travailleurs) en ce qui concerne les mesures particulières de protection et de salubrité applicables aux établissements dont le personnel exécute des travaux du bâtiment, des travaux publics et tous autres travaux concernant les immeubles ;
Vu le décret n° 65-382 du 21 mai 1965 relatif aux ouvriers des parcs et ateliers des ponts et chaussées et des bases aériennes admis au bénéfice de la loi du 21 mars 1928 ;
Vu le décret n° 72-154 du 24 février 1972 relatif aux congés en cas de maladie, de maternité et d'accidents du travail dont peuvent bénéficier certains personnels ouvriers de l'Etat mensualisés ;
Vu le décret n°82-453 du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 avril 2012 :
- le rapport de M. Reinhorn, rapporteur,
- et les conclusions de Mme Vincent-Dominguez, rapporteur public ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Considérant que M. A, ouvrier des parcs et ateliers en qualité de chauffeur poids lourds et conducteur d'engins, en activité au parc matériel d'Alès de la direction départementale de l'équipement du Gard, a été victime le 9 octobre 2000 d'une chute de 3 mètres du toit d'un hangar en cours de démolition, sur lequel il travaillait, occasionnant un grave traumatisme crânien ; qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que l'accident a pour origine la faute de l'Etat pour avoir utilisé un agent qui n'était pas compétent pour le travail qui lui était demandé, ne pas avoir mis de casque de protection à sa disposition et pour n'avoir pas empêché l'utilisation d'un dispositif dangereux de circulation sur la toiture ; que cette faute est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard de son agent, qui a droit à la réparation intégrale des dommages qu'elle lui a occasionnés ; que, toutefois, cette responsabilité doit être atténuée, dans les circonstances de l'espèce, à hauteur de 5 % en considération de l'imprudence de l'agent, qui, s'il ne pouvait connaître toutes les règles de sécurité applicables au chantier, alors qu'il ressort de l'audition par la police de son chef de chantier que ce dernier ne les connaissait pas lui-même, avait suivi quatre ans auparavant une formation sur la sécurité des équipes en régie le mettant à même d'apprécier les risques encourus en acceptant de travailler en toiture sans porter de casque protecteur ;
Considérant qu'il ressort, en premier lieu, du rapport d'expertise établi par le Dr Vittini, neurochirurgien, désigné par ordonnance du tribunal administratif de Nîmes, que l'incapacité permanente de M. A, qui était âgé de seulement 44 ans au moment de l'accident de service, est de 38 % ; que le requérant présente en effet des troubles cognitifs et comportementaux (perte d'équilibre, troubles de la mémoire, diminution d'efficience intellectuelle, ralentissement de la vitesse de traitement de l'information), une épilepsie
post-traumatique, une paralysie faciale et une perte de l'audition ; que la rente annuelle d'invalidité que perçoit M. A et qui a été revalorisée à compter d'avril 2009 à
3 255, 29 euros a pour unique objet de compenser les pertes de revenus subies par ce dernier, autrement dit les conséquences patrimoniales de l'atteinte à son intégrité physique, mais ne répare en revanche pas les conséquences physiologiques de cette atteinte ; qu'il sera fait une juste appréciation de l'incapacité permanente partielle du requérant en évaluant ce chef de préjudice à la somme de 60 000 euros ;
Considérant, en deuxième lieu, que, si M. A a perçu, au titre des périodes précitées, des indemnités journalières, celles-ci visaient à réparer les pertes de revenus pendant sa période d'incapacité de travail mais non les troubles physiologiques résultant de cette incapacité ; que l'expert précise que l'incapacité temporaire dont a été atteint M. A a été totale entre le 9 octobre 2000 et le 2 février 2002, soit pendant 16 mois, puis partielle, à 50 %, du 2 février 2002 au 21 février 2003, soit pendant plus d'un an ; qu'eu égard à la longue période d'incapacité temporaire de la victime, dont l'état n'a été consolidé que le 20 février 2003, il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en l'évaluant à la somme de 9 000 euros ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il sera fait une juste appréciation des souffrances endurées par la victime, évaluées par l'expert à 4/7, en évaluant ce chef de préjudice à la somme de 5 000 euros, et du préjudice esthétique, estimé à 1/7, en évaluant à 600 euros la somme destinée à le compenser ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. A qui faisait auparavant du cyclisme, ne peut plus pratiquer ce sport en raison de pertes d'équilibre auxquelles il est devenu sujet ; qu'il n'est en revanche pas établi qu'il ne pourrait plus non plus pratiquer l'haltérophilie ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, d'évaluer le préjudice d'agrément du requérant à la somme de 1 000 euros ;
Considérant, en cinquième lieu, que, M. A n'établissant pas qu'il aurait eu une chance de promotion au grade de maître compagnon, ses conclusions tendant à l'indemnisation de son préjudice professionnel doivent être rejetées ;
Considérant, enfin, que M. A sollicite le remboursement de la somme de 1 280 euros qu'il a dû supporter en novembre 2008 dans le cadre de l'expertise effectuée à sa demande par le Dr Prangere ; qu'il y a lieu de retenir le montant susmentionné, à titre de conséquence dommageable, non contestée, de l'accident dont le requérant a été victime ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le montant des conséquences dommageables de l'accident de M. A imputable à l'Etat s'établit à la somme de
76 880 euros ; que, compte tenu du partage de responsabilité susmentionné, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à M. A une indemnité d'un montant de 73 036 euros ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le jugement attaqué du tribunal administratif de Nîmes doit être réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de
l'Etat (ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement) une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La décision implicite, née le 15 juin 2006, par laquelle le directeur départemental de l'équipement du Gard a rejeté la demande préalable d'indemnisation présentée par M. A et notifiée le 14 avril 2008, est annulée.
Article 2 : L'Etat (ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement) est condamné à verser à M. A la somme de 73 036 euros (soixante-treize mille trente-six euros), dont sera déduite, le cas échéant, toute somme versée à la suite du jugement précité.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A est rejeté.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes n° 0802177 du 21 janvier 2010 est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 5 : L'Etat (ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement) versera à M. A, une somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Serge A et au ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
''
''
''
''
N° 10MA008162