Vu la requête, enregistrée le 12 février 2010 sur télécopie confirmée le 16 suivant, présentée par la société civile professionnelle d'avocats Belot-Crégut-Hameroux pour Mme Nicole A, élisant domicile ... ;
Mme A demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0701584 en date du 23 octobre 2009 en tant que par ce jugement, le tribunal administratif de Nice n'a que partiellement fait droit à ses conclusions qui tendaient, d'une part, à l'annulation de trois arrêtés préfectoraux relatifs à son placement en congé longue durée, ensemble la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté le recours hiérarchique formé contre ces arrêtés, d'autre part à la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices subis consécutivement à ces décisions ;
2°) d'annuler les arrêtés en date du 29 juillet 2004, 21 mars 2005 et 29 avril 2005 pris par le préfet de la zone de défense sud, préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, préfet des Bouches-du-Rhône, ensemble la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté le recours hiérarchique formé contre ces arrêtés ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 75 000 euros en réparation des préjudices subis consécutivement aux fautes commises par l'administration ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu la loi n° 48-1504 du 28 septembre 1948 relative au statut spécial des personnels de police ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
Vu le décret n° 68-207 du 16 février 1968 relatif à la fixation du classement indiciaire des grades et emplois des personnels des services actifs de la police nationale ;
Vu le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;
Vu le décret n° 97-1024 du 6 novembre 1997 relatif à l'attribution de l'indemnité pour sujétions exceptionnelles allouée à certains fonctionnaires actifs de la police nationale ;
Vu le décret n° 98-115 du 27 février 1998 modifié portant attribution d'une prime de commandement aux fonctionnaires du corps de commandement et d'encadrement de la police nationale ;
Vu le décret n° 99-1055 du 15 décembre 1999 portant attribution d'une indemnité de fidélisation en secteur difficile aux fonctionnaires actifs de la police nationale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 avril 2012 :
- le rapport de Mme Busidan, rapporteur,
- et les conclusions de Mme Vincent-Dominguez, rapporteur public ;
Considérant que, saisi par Mme A, capitaine de la police nationale titulaire qui avait été affectée à la direction départementale des renseignements généraux des
Alpes-Maritimes le 15 juillet 1997, d'un recours tendant principalement, d'une part, à l'annulation de trois arrêtés préfectoraux, respectivement en date des 29 juillet 2004, 21 mars 2005 et 29 avril 2005, relatifs à son placement en congé longue durée, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices subis consécutivement à ces décisions, le tribunal administratif de Nice a, par jugement rendu le 23 octobre 2009, annulé l'arrêté du
29 avril 2005 en tant que, par cet arrêté, le préfet avait maintenu l'intéressée en congé de longue durée au-delà de la date de notification de l'avis émis le 15 mars 2005 par le comité médical interdépartemental ; qu'il a également condamné l'Etat à verser à Mme A une somme égale à la part des traitements, indemnités et autres accessoires de traitements dont elle avait été privée du fait de sa mise à demi-traitement au-delà de la date de notification de l'avis précité, mais a rejeté le surplus des conclusions de la requérante ; que Mme A interjette appel de ce jugement, d'une part, en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation totale des arrêtés du 21 mars et du 29 avril 2005, d'autre part, en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à ses conclusions indemnitaires ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 mars 2005 :
Considérant que l'article 7 du décret susvisé du 14 mars 1986, qui prévoit que les comités médicaux sont consultés obligatoirement sur l'octroi des congés de longue durée et leur renouvellement de ces congés, dispose que : "le secrétariat du comité médical informe le fonctionnaire : - de la date à laquelle le comité médical examinera son dossier ;- de ses droits concernant la communication de son dossier et la possibilité de faire entendre le médecin de son choix ;- des voies de recours possibles devant le comité médical supérieur. (...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la lettre du 8 juillet 2004, par laquelle Mme A a été informée que le comité médical se réunirait le 20 juillet 2004 en vue d'examiner son dossier, a été présentée à l'adresse de l'intéressée à La Réunion, où l'administration savait qu'elle résidait avec sa fille, le 17 juillet 2004, et retirée par Mme A au mieux le jour même, sinon le 19, selon les mentions non concordantes portées sur l'accusé-réception versé au dossier ; qu'en tout état de cause, le délai ainsi laissé à Mme A était insuffisant pour lui permettre de défendre ses droits auprès du comité médical qui se réunissait à Marseille, en faisant parvenir ses observations ou se faire représenter par un médecin de son choix ; que, dans ces conditions, la tardiveté de la convocation à la séance du comité médical ayant porté atteinte au caractère contradictoire de la procédure instituée par les dispositions précitées, l'avis émis le 20 juillet 2004 par le comité médical est irrégulier ; que, par conséquent, l'arrêté du 21 mars 2005, qui a été pris au vu de cet avis et qui renouvelait le congé de longue durée de Mme A pour une période de 6 mois à compter du 5 septembre 2004, est intervenu au terme d'une procédure irrégulière et doit être annulé pour ce motif ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation totale de l'arrêté du 29 avril 2005 :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par lettre en date du 7 mai 2004, Mme A, qui était placée en congé de longue durée depuis le 21 octobre 2001 et se trouvait à demi-traitement pour une période de 6 mois expirant le 5 septembre 2004, a renouvelé la demande, qu'elle avait déjà présentée en août 2003, tendant à être réintégrée dans ses fonctions ; que d'ailleurs, par lettre datée du 3 mai 2004, et comme l'y autorise l'article 18 du décret susvisé du 14 mars 1986 au terme duquel le médecin chargé de la prévention attaché au service auquel appartient le fonctionnaire dont le cas est soumis au comité médical peut présenter des observations écrites à la réunion dudit comité, le médecin coordonnateur régional en fonction au service médical de prévention à Marseille avait, après avoir vu en consultation Mme A, informé le secrétaire du comité médical, de son accord avec le médecin psychiatre agréé pour une reprise de fonctions de l'intéressée à mi-temps thérapeutique ; que Mme A a contesté l'avis favorable au renouvellement du congé de longue durée émis par le comité médical interdépartemental dans sa réunion du 20 juillet 2004 ; que s'il ne ressort pas des pièces du dossier que, comme lui en faisaient obligation les dispositions de l'article 9 du décret du 14 mars 1986, l'administration ait alors saisi le comité médical supérieur de la contestation de l'avis donné en premier ressort par le comité médical interdépartemental, elle a néanmoins demandé à deux reprises au médecin inspecteur régional, le 11 août 2004 et le 19 octobre 2004, que soient diligentées des expertises sur l'état de santé de Mme A ; que le docteur Patricia De Napoli-Cocci, conventionné pour la Police nationale, a reconnu le 25 octobre 2004 l'intéressée apte à ses fonctions, sans restriction, en précisant qu'au vu des nombreux certificats médicaux présentés, une mutation à titre dérogatoire vers La Réunion serait de nature à favoriser pleinement sa réintégration, avis qu'elle a réitéré le 19 novembre suivant sur demande du médecin inspecteur régional ; que, dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des éléments, notamment médicaux, dont il disposait depuis au moins le 25 octobre 2004, le ministre de l'intérieur n'a pas fait une exacte application des dispositions du décret susvisé du 14 mars 1986 en renouvelant le 29 avril 2005 pour une durée de 3 mois à compter du 5 mars 2005 le placement en congé longue durée de l'appelante ; qu'ainsi, l'état de santé de Mme A ne justifiant plus ce renouvellement avant même que le comité médical interdépartemental émette le 15 mars 2005 un avis favorable à sa réintégration, l'arrêté du 29 avril 2005 était illégal dès son édiction et doit être annulé totalement pour ce motif ;
Sur les conclusions indemnitaires :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'ensemble des circonstances ci-dessus rappelées qu'en maintenant par les arrêtés illégaux sus-évoqués Mme A en congé de longue durée au-delà du 25 octobre 2004, l'administration a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; que toutefois, ladite faute, qui a cessé à compter du 5 juin 2005, date à laquelle l'administration a réintégré l'intéressée dans ses fonctions, n'est susceptible d'ouvrir droit à réparation au profit de l'appelante qu'à la condition qu'elle soit à l'origine d'un préjudice personnel, direct et certain subi par elle ;
Considérant, en premier lieu, qu'en se bornant à dénoncer la pratique, illégale au regard des dispositions du décret du 14 mars 1986 susvisé, qui consisterait à refuser une promotion à un agent se trouvant en congé de longue durée, Mme A n'établit pas qu'elle aurait eu une chance sérieuse d'accéder au grade de commandant durant la période où elle a été illégalement maintenue en congé de longue durée ; que, par suite, le préjudice professionnel consistant à n'avoir pas été promue à ce grade ne revêtant pas un caractère certain, les conclusions de l'appelante tendant à être indemnisée à ce titre doivent être rejetées ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'eu égard à sa durée, le maintien illégal à demi-traitement de Mme A doit être regardé comme étant à l'origine directe de difficultés matérielles et morales, justifiées par des pièces versées en première instance, auxquelles elle s'est trouvée confrontée avec sa fille à charge ; qu'il sera fait une juste appréciation de l'indemnité due en réparation des troubles dans les conditions d'existence ainsi subis par l'appelante en l'évaluant à la somme de 5 000 euros ;
Considérant, en troisième lieu, que l'indemnité réparant le préjudice financier doit être déterminée en prenant en compte, outre le traitement net qui aurait dû lui être versé, d'une part, les primes ou indemnités inhérentes aux fonctions que l'agent aurait exercées s'il n'avait pas été maintenu illégalement en congé de longue durée, d'autre part, les primes ou indemnités rétribuant la qualité ou la quantité de son travail, dont il établit qu'il avait une chance sérieuse de les percevoir ; qu'en revanche, cette évaluation ne peut inclure les indemnités visant à compenser des frais qui n'ont pas été exposés ;
Considérant qu'en l'espèce, la perte financière subie par Mme A au titre de l'ensemble constitué par le traitement, l'indemnité de résidence et le supplément familial pour enfant doit être calculé, non sur la base d'une affectation à La Réunion, mais sur celle de l'affectation qui était juridiquement la sienne dans les Alpes-Maritimes durant la période de responsabilité de l'administration, dès lors que l'appelante n'établit pas, ni même n'allègue clairement, que serait fautif le refus de l'affecter dans ses fonctions, dans le département
d'outre-mer précité ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du décompte de rappel versé par le ministre à l'appui de ses écritures d'appel, que la perte financière subie de ce chef par Mme A doit être évaluée à 1128 euros par mois, soit 8 234,40 euros sur la période en litige ;
Considérant que, s'agissant des indemnités accessoires au traitement dont elle soutient avoir été privée à tort, Mme A est fondée à obtenir réparation de la perte de l'indemnité pour "sujétions spéciales de police", dès lors qu'il ressort des dispositions du décret susvisé du 16 février 1968 renvoyant à l'article 4 de la loi susvisée du 28 septembre 1948 que ladite indemnité est versée, notamment aux fonctionnaires du corps de commandement et d'encadrement dont fait partie l'appelante, pour "tenir compte de la nature particulière de leurs fonctions et des missions qui leur sont confiées", et constitue donc une prime inhérente aux fonctions qu'elle aurait dû exercer ; qu'il n'est pas contesté par le ministre que cette prime aurait dû s'élever, durant la période de responsabilité de l'administration à 480 euros par mois, soit 3 504 euros sur l'ensemble de la période de responsabilité ; que, par contre, la prime de commandement instituée par le décret du 27 février 1998 susvisé constitue une prime rétribuant la qualité du travail rendu par le fonctionnaire dès lors qu'en vertu de l'article 3 dudit décret, le montant individuel de cette prime tient compte notamment de l'importance des responsabilités exercées et de la manière de servir du fonctionnaire ; que, par les pièces versées au dossier, Mme A n'établit pas qu'elle avait une chance sérieuse de percevoir ladite indemnité ; qu'à supposer qu'en revendiquant la réparation d'une perte financière due au non-versement d'une "indemnité exceptionnelle", Mme A se réfère à l'indemnité instituée par le décret susvisé du 6 novembre 1997, elle n'établit pas que l'exercice de ses fonctions l'aurait contrainte à renoncer à ses congés, condition mise par ledit décret au versement de cette indemnité aux fonctionnaires actifs de la police nationale affectés dans le ressort du secrétariat général de la police de Paris ou du secrétariat général de la police de Versailles ; qu'enfin, et à supposer aussi qu'en revendiquant une "indemnité de service continu", Mme A se réfère à l'indemnité instituée par le décret susvisé du 15 décembre 1999, elle n'établit pas davantage par les pièces versées au dossier qu'elle en aurait bénéficié eu égard au lieu d'exercice de ses fonctions ;
Considérant que, par conséquent, l'ensemble du préjudice financier subi par Mme A peut être évalué à la somme de 11 738,40 euros ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice, d'une part a rejeté sa demande d'annulation totale des arrêtés du 21 mars et 29 avril 2005 ensemble le rejet implicite du ministre du recours formé contre ces arrêtés, d'autre part a limité la réparation des préjudices subis par Mme A au manque à gagner subi par elle entre la date de notification de l'avis émis par le comité médical interdépartemental en date du 15 mars 2005 et la date du recouvrement effectif de ses droits à plein traitement ; qu'il y a lieu de condamner l'Etat à lui verser, en réparation de l'ensemble des préjudices précités, une indemnité globale de 17 500 euros, étant précisé que ce montant s'entend en y incluant tous intérêts échus au jour du présent arrêt et sous déduction de la somme de 2 998,53 euros déjà versée à l'intéressée par mandat en date du 23 juillet 2010 en exécution du jugement présentement attaqué et rendu le 23 octobre 2009 par le tribunal administratif de Nice ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros que demande Mme A au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Les arrêtés du 21 mars et 29 avril 2005 pris par le préfet de la zone de défense sud, préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, ensemble le rejet implicite du ministre du recours formé contre ces arrêtés, sont annulés en tant qu'ils ont maintenu Mme Nicole A en congé de longue durée à demi-traitement du 26 octobre 2004 au 4 juin 2005 inclus.
Article 2 : L'Etat (ministre de l'intérieur) est condamné à payer à Mme A la somme de 17 500 euros (dix-sept mille cinq cent euros), tous intérêts échus au jour du présent arrêt et sous déduction de la somme de 2 998,53 euros déjà versée à l'intéressée par mandat en date du 23 juillet 2010 en exécution du jugement rendu le 23 octobre 2009 par le tribunal administratif de Nice.
Article 3 : Le jugement n° 0701584 rendu le 23 octobre 2009 par le tribunal administratif de Nice est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er et 2 du présent dispositif.
Article 4 : L'Etat (ministre de l'intérieur) versera à Mme A la somme de 2 000 (deux mille) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme A est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Nicole A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Copie en sera adressée au préfet de la zone de défense sud, préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône.
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N° 10MA005942