Vu la requête, enregistrée le 2 février 2010, présentée par la SELARL d'avocats Collard et associés pour M. Didier A, élisant domicile ... ; M. A demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 0803540 en date du 3 décembre 2009 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Nîmes a limité à 8 000 euros l'indemnité qu'il a condamné la chambre de commerce et d'industrie d'Alès à lui verser en réparation des préjudices consécutifs à diverses fautes ;
2°) de porter le montant de la condamnation à la somme totale de 802 143,40 euros ;
3°) de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie d'Alès la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le jugement attaqué ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le statut modifié du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 avril 2012 :
- le rapport de Mme Busidan, rapporteur,
- les conclusions de Mme Vincent-Dominguez, rapporteur public,
- et les observations de Me Lazaud, substituant la SELARL Collard et associés, pour M. A ;
Considérant que M. A, initialement recruté en 2001 par la chambre de commerce et d'industrie d'Alès sous contrat à durée déterminée, puis titularisé le 17 avril 2004 sur le poste de "conseiller technique nouvelles technologies de l'information et de la communication", a été licencié pour suppression d'emploi par décision en date du 18 juillet 2005, notifiée à l'intéressé le 20 juillet suivant ; que, par réclamation datée du 16 septembre 2005, dans laquelle il soutenait que plusieurs illégalités entachaient le licenciement précité, M. A a présenté une demande indemnitaire ; que, sans se prononcer explicitement sur cette demande indemnitaire, le président de la chambre de commerce et d'industrie d'Alès a retiré le licenciement pour suppression d'emploi par une décision en date du 16 novembre 2005 et a entamé une procédure disciplinaire portant sur des agissements reprochés à M. A, postérieurs à son licenciement pour suppression d'emploi, procédure qui a abouti le 2 janvier 2006 à la révocation de l'intéressé ; que, cependant, par jugement en date du 28 novembre 2006, qui a été confirmé par arrêt, retenant un détournement de procédure, rendu par la présente Cour le 8 septembre 2009 et devenu définitif, le tribunal administratif de Nîmes a annulé le retrait du licenciement pour motif économique et, par voie de conséquence de ce retrait, la révocation de M. A, dès lors que l'intéressé devait être regardé comme délié de tout lien statutaire avec la chambre de commerce et d'industrie d'Alès depuis le licenciement pour suppression d'emploi en date du 18 juillet 2004 ; que, saisi par M. A d'une demande indemnitaire tendant à la réparation de préjudices que lui avait causés la chambre de commerce et d'industrie d'Alès, le tribunal administratif de Nîmes a condamné la chambre de commerce et d'industrie d'Alès à verser à M. A une indemnité 8 000 euros ; que M. A interjette appel de ce jugement, en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à ses conclusions indemnitaires ;
Sur les fins de non-recevoir opposées par la chambre de commerce et d'industrie d'Alès :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 421-2 du code de justice administrative : "Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, le silence gardé pendant plus de deux mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet.// Les intéressés disposent, pour se pourvoir contre cette décision implicite, d'un délai de deux mois à compter du jour de l'expiration de la période mentionnée au premier alinéa. (...)" ; qu'aux termes de l'article R. 421-3 du même code : "Toutefois, l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet : 1° En matière de plein contentieux ; (...)" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la chambre de commerce et d'industrie d'Alès n'a répondu expressément à aucune des réclamations préalables indemnitaires que lui a présentées M. A, qu'il s'agisse de celle sus-évoquée en date du 16 septembre 2005 portant sur le licenciement pour suppression d'emploi, ou de celle en date du 28 juin 2007 portant principalement sur le retrait en date du 16 novembre 2005 du licenciement pour motif économique et sur la révocation en date du 2 janvier 2006 ; que, par suite et en application des dispositions précitées du code de justice administrative, la fin de non-recevoir tirée de ce que la demande indemnitaire enregistrée le 19 novembre 2008 devant le tribunal administratif de Nîmes serait tardive ne peut qu'être écartée ;
Considérant, en second lieu, que M. A a joint à la demande indemnitaire enregistrée le 19 novembre 2008 devant le tribunal administratif de Nîmes les deux réclamations préalables précitées ; qu'il doit donc être regardé comme se prévalant de ces deux demandes et attaquant les rejets implicites auxquels elles ont donné lieu ; que, par suite, la fin de non-recevoir tirée de ce que le recours n'indiquerait pas la décision implicite attaquée ne peut qu'être écartée ;
Sur le bien-fondé du jugement :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la lettre du 18 juillet 2005 adressée à M. A lui annonçant son licenciement pour suppression de poste, que, par délibération du 14 avril 2005, l'assemblée générale de la chambre de commerce et d'industrie d'Alès a décidé de supprimer un poste de "rédacteur principal du centre ressources" ; que, comme il a été indiqué plus haut, celui sur lequel M. A avait été titularisé depuis plus d'un an était un poste de "conseiller technique nouvelles technologies de l'information et de la communication" ; que, par suite, et dès lors que la chambre de commerce et d'industrie d'Alès ne produit aucun élément de nature à préciser la réorganisation du "centre de ressources" à laquelle elle déclarait vouloir procéder après la suppression de poste décidée par l'assemblée générale, la suppression de l'emploi occupé par M. A ne peut être regardée comme établie ; que, dans ces conditions, le licenciement de M. A, intervenu pour ce motif, est injustifié ; que cependant l'illégalité ainsi commise par la chambre de commerce et d'industrie d'Alès n'est susceptible d'ouvrir droit à réparation au profit de l'appelant qu'à la condition qu'elle soit à l'origine d'un préjudice personnel, direct et certain subi par lui ;
Considérant que M. A, qui déclare être au chômage depuis son éviction, allègue en premier lieu un préjudice financier constitué de la différence entre les rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'à sa retraite s'il était resté en fonctions au sein de la chambre de commerce et d'industrie d'Alès et ses revenus depuis son éviction ; que le licenciement illégal du 18 juillet 2005 est à l'origine directe d'un tel préjudice ; que cependant, eu égard aux justificatifs produits par M. A, notamment ses avis d'imposition sur le revenu, ce préjudice peut être regardé comme établi jusqu'au 31 décembre 2010 seulement, circonstance qui ne fait pas obstacle à ce que, s'il s'y croit fondé, l'intéressé demande ultérieurement à la chambre de commerce et d'industrie d'Alès, et éventuellement ensuite au juge, l'indemnisation de ce préjudice pour les années postérieures à cette date ; que, ce préjudice s'évaluant sur la base de la rémunération nette qui était celle de l'appelant et après déduction de ses revenus salariaux, il en sera fait une juste appréciation pour la période allant, par conséquent, de son éviction au 31 décembre 2010, en en fixant la réparation à la somme de 58 000 euros ;
Considérant, en deuxième lieu, que si le licenciement fautif du 18 juillet 2005 est également à l'origine directe d'une minoration de ses droits à pension de retraite, il ne résulte cependant pas de l'instruction que l'appelant, né en 1954, puisse prochainement bénéficier d'une telle pension ; que par suite, le préjudice né de la minoration de ses droits à pension revêt, à ce jour, un caractère éventuel, ce constat actuel ne faisant pas obstacle, comme pour le premier préjudice financier, à ce que l'intéressé en demande l'indemnisation dès que ledit préjudice deviendra certain ;
Considérant, en troisième lieu, que le licenciement fautif, intervenu à un moment où l'appelant était âgé de 51 ans et dans un contexte économique local peu dynamique, lui a fait perdre une chance de retrouver un emploi ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en en fixant la réparation à la somme de 5 000 euros ;
Considérant enfin que M. A soutient avoir subi un préjudice moral, des troubles dans les conditions d'existence et une atteinte à sa réputation dès lors que ses démêlés avec son employeur ont eu un écho dans la presse locale ; qu'il résulte de l'instruction que l'altération de son état de santé et de celui de ses finances doit être regardée comme directement causée tant par l'illégalité entachant le licenciement fautif du 18 juillet 2005 que par les fautes commises à l'occasion des mesures illégales qui lui ont succédé et dont l'annulation a été prononcée et confirmée par les décisions juridictionnelles sus-évoquées ; qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble de ces préjudices en les indemnisant par l'allocation de la somme de 15 000 euros ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a limité à 8 000 euros la condamnation de la chambre de commerce et d'industrie d'Alès à réparer les préjudices consécutifs à diverses fautes commises à son encontre par cet organisme ; qu'en conséquence, il y a lieu de réformer ledit jugements en portant à 78 000 euros le montant total de ladite condamnation ;
Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative:
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mise à la charge de M. A, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la chambre de commerce et d'industrie d'Alès au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, en application de ces mêmes dispositions et dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'intimée le versement à l'appelant de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par ce dernier ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'indemnité de 8 000 euros (huit mille euros), que la chambre de commerce et d'industrie d'Alès a été condamnée à payer à M. A par le tribunal administratif de Nîmes, est portée à la somme de 78 000 euros (soixante-dix-huit mille euros).
Article 2: Le jugement rendu le 3 décembre 2009 par le tribunal administratif de Nîmes est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent dispositif.
Article 3 : La chambre de commerce et d'industrie d'Alès versera à M. A la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4: Le présent arrêt sera notifié à M. Didier A et à la chambre de commerce et d'industrie d'Alès et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
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N° 10MA00413