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07/05/2012 | FRANCE | N°09MA03039

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 07 mai 2012, 09MA03039


Vu la requête, enregistrée le 6 août 2009, présentée pour Mme , élisant domicile ..., par Me Coutelier ; Mme demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 28 mai 2009 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 30 décembre 2005 par laquelle le préfet du Var a approuvé le plan de prévention des risques naturels prévisibles d'inondation de la commune de La Londe-les-Maures ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondemen

t de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

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Vu la requête, enregistrée le 6 août 2009, présentée pour Mme , élisant domicile ..., par Me Coutelier ; Mme demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 28 mai 2009 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 30 décembre 2005 par laquelle le préfet du Var a approuvé le plan de prévention des risques naturels prévisibles d'inondation de la commune de La Londe-les-Maures ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

..............................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le décret n° 95-1089 du 5 octobre 1995 relatif aux plans de prévention des risques naturels prévisibles ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 avril 2012 :

- le rapport de M. Massin, rapporteur ;

- les conclusions de M. Bachoffer, rapporteur public ;

- et les observations de Me Ganet pour Mme ;

Considérant que par un arrêté du 2 août 2001, le préfet du Var a arrêté le plan de prévention des risques naturels prévisibles d'inondation de la commune de La Londe-les-Maures ; que par un arrêté du 9 novembre 2001, le préfet du Var a abrogé ce document ; que par un arrêté du 26 janvier 2004, le préfet du Var a prescrit l'ouverture d'une enquête publique préalable à l'approbation d'un nouveau plan de prévention des risques naturels prévisibles d'inondation ; que par un arrêté du 30 décembre 2005, le préfet du Var a arrêté ce document ; que par un jugement du 28 mai 2009, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de Mme , horticultrice, dirigée contre cette décision ; que Mme interjette appel de ce jugement ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 18 du décret du 23 avril 1985 : " Lorsqu'il estime que l'importance ou la nature de l'opération ou les conditions de déroulement de l'enquête publique rendent nécessaire l'organisation d'une réunion publique, le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête en fait part au préfet et au maître de l'ouvrage et leur indique les modalités qu'il propose pour l'organisation de cette réunion./ Le préfet notifie au commissaire enquêteur ou au président de la commission d'enquête son accord ou son désaccord. Son éventuel désaccord est mentionné au dossier tenu au siège de l'enquête./ En cas d'accord, le préfet et le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête arrêtent en commun, et en liaison avec le maître de l'ouvrage, les modalités de l'information préalable du public et du déroulement de la réunion publique. Les dispositions ainsi arrêtées sont notifiées au maître de l'ouvrage./ En tant que de besoin, la durée de l'enquête est prorogée dans les conditions prévues à l'article 19 pour permettre l'organisation de la réunion publique (...). " ;

Considérant qu'il ressort de ces dispositions que le préfet n'est pas tenu d'organiser une réunion publique d'information sur l'enquête ; que si le plan de prévention des risques en litige constituait nécessairement une opération importante pour la population de la commune de La Londe-les-Maures, l'élaboration d'un plan de prévention des risques d'inondation portant sur le territoire d'une seule commune n'est pas d'une complexité telle que le préfet du Var aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne donnant pas une suite favorable à la proposition du commissaire enquêteur ; que Mme ne démontre pas que l'absence de réunion publique avant l'enquête ait été préjudiciable à l'information du public et au bon déroulement de l'enquête ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 18 du décret du 23 avril 1985 doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que Mme soutient que de nombreuses lacunes entachent les études hydrauliques qui fondent le plan de prévention des risques d'inondation en litige ; que Mme fonde ses critiques dirigées contre le plan arrêté le 30 décembre 2005 en se référant à une analyse technique, très détaillée, des études du plan de prévention des risques réalisée en septembre 2001 ; que, depuis cette date, le plan arrêté le 2 août 2001 a été abrogé et, à la suite de nouvelles études réalisées par le cabinet Ipseau, le plan de prévention des risques en litige a été arrêté le 30 décembre 2005 ; que Mme ne démontre pas que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en s'appuyant sur les études réalisées par le cabinet Ipseau pour l'élaboration du plan de prévention des risques naturels prévisibles d'inondation arrêté en 2005 ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L.562-1 du code de l'environnement : " I. -L'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations (...). Ces plans ont pour objet, en tant que de besoin : 1º De délimiter les zones exposées aux risques, dites " zones de danger ", en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ; 2º De délimiter les zones, dites " zones de précaution ", qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où des constructions, des ouvrages, des aménagements ou des exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux et y prévoir des mesures d'interdiction ou des prescriptions telles que prévues au 1º ; 3º De définir les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui doivent être prises, dans les zones mentionnées au 1º et au 2º, par les collectivités publiques dans le cadre de leurs compétences, ainsi que celles qui peuvent incomber aux particuliers ; 4º De définir, dans les zones mentionnées au 1º et au 2º, les mesures relatives à l'aménagement, l'utilisation ou l'exploitation des constructions, des ouvrages, des espaces mis en culture ou plantés existants à la date de l'approbation du plan qui doivent être prises par les propriétaires, exploitants ou utilisateurs (...) " ; que la circulaire du 24 avril 1996, qui constitue un mode d'emploi à l'attention des rédacteurs de plans de prévention des risques, sans ajouter au droit, en les invitant à être attentifs à la sécurité des personnes, ne présente pas de caractère réglementaire et ne peut, dès lors, être utilement invoquée par Mme ;

Considérant qu'il ressort des dispositions précitées du code de l'environnement que le plan de prévention des risques naturels prévisibles doit tenir compte de la nature et de l'intensité du risque encouru pour délimiter les zones exposées aux risques ; que la nature et l'intensité du risque encouru sont appréciés en fonction de la hauteur d'eau, de la vitesse d'écoulement, ainsi que de la configuration des lieux ; que de ce fait, des mesures similaires peuvent être prescrites dans des zones dont les caractéristiques sont différentes au regard de la hauteur d'eau et de la vitesse d'écoulement, si la configuration des lieux le justifie ; que, par suite, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le préfet du Var a pu classer en zone R2 définie comme une " - zone où la hauteur d'eau est comprise entre 1 et 2 m avec des vitesses inférieures à 0,5 m/s / - zone où la hauteur d'eau est comprise entre 0,5 m et 1 m avec vitesses comprises entre 0,5 m/s et 1 m/s, ainsi que les zones d'expansion des crues où les vitesses sont négligeables. ", les zones d'expansion des crues pour lesquelles la configuration des lieux est de nature à aggraver les risques ou à en provoquer de nouveaux ; que, de même, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation au regard de la vocation agricole de la commune de la Londe-les-Maures et de l'objectif général de protection des personnes et des biens auquel doit répondre ce plan, que le préfet a pu interdire en zone R2 la plupart des constructions, dans la mesure où y sont néanmoins autorisés les cultures, les serres plastiques sur arceaux, l'implantation de hangars sous certaines conditions, les plantations permanentes arboricoles, les réseaux d'irrigation et de drainage, les clôtures ne mettant ainsi pas d'obstacles à l'exercice d'une activité horticole ;

Considérant, en quatrième lieu, que le rapport de présentation mentionne expressément le secteur du Bastidon, décrit comme le chenal d'écoulement préférentiel des eaux débordées du Pansard et qui doit être conservé libre de toute occupation, comme devant être classé en zone R1 où sont interdites toutes les constructions ; que le document graphique annexé au plan de prévention des risques le classe en zone R2 où sont autorisés notamment les serres en plastique et les hangars ; que, par suite, le plan de prévention des risques d'inondation en litige est entaché d'erreur manifeste d'appréciation en tant qu'il classe en zone R2 le secteur du Bastidon ;

Considérant, en cinquième lieu, que Mme soutient que le classement en zone R2 de ses parcelles, qui n'ont pas été inondées les 6 et 7 septembre 2005, est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que la pente décroît au droit de sa propriété et que l'eau ne saurait remonter cette pente ; que la zone R2 est définie comme une " - zone où la hauteur d'eau est comprise entre 1 et 2 m avec des vitesses inférieures à 0,5 m/s / - zone où la hauteur d'eau est comprise entre 0,5 m et 1 m avec vitesses comprises entre 0,5 m/s et 1 m/s, ainsi que les zones d'expansion des crues où les vitesses sont négligeables. " ; que, d'une part, la circonstance que les parcelles AZ58, AZ59 et AZ38 n'aient pas été inondées les 6 et 7 septembre 2005 n'implique pas que leur classement en zone R2 serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; que, d'autre part, en produisant un plan altimétrique qui montre que sur la rive Sud du Pansard, la pente naturelle est dirigée du Nord-Ouest au Sud-Est, Mme ne démontre pas que ses parcelles, situées dans le quartier Les Moulières, ne constituent pas une zone d'expansion des crues et que la configuration des lieux ne serait pas de nature à aggraver les risques ou à en provoquer de nouveaux ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. " ; que si ces stipulations ont pour objet d'assurer un juste équilibre entre l'intérêt général et les impératifs de sauvegarde du droit de propriété, elles laissent au législateur une marge d'appréciation étendue, en particulier pour préserver la sécurité des personnes et des biens, tant pour choisir les modalités de mise en oeuvre d'une telle politique que pour juger si leurs conséquences se trouvent légitimées, dans l'intérêt général, par le souci d'atteindre les objectifs poursuivis par la loi ; que les dispositions de l'article L.562-1 du code de l'environnement, qui fondent les conditions d'instauration d'un plan de prévention des risques, s'inscrivent dans ces objectifs ; que l'instauration d'un plan de prévention des risques n'implique aucune dépossession et dans le cas exceptionnel où il résulte de l'ensemble des conditions et circonstances dans lesquelles la servitude a été instituée et mise en oeuvre, ainsi que de son contenu, que ce propriétaire supporte une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi, ne le prive pas de la possibilité de solliciter, s'il s'y estime fondé, une indemnisation ; que le plan de prévention des risques naturels prévisibles d'inondation de la commune de La Londe-les-Maures ne saurait, dans ces conditions, être regardé comme contraire aux stipulations précitées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme est fondée à soutenir que le plan de prévention des risques de la commune de La Londe-les-Maures du 30 décembre 2005 doit être annulé en tant qu'il classe en zone R2 le secteur du Bastidon et que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté, dans cette mesure, sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à payer à Mme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le plan de prévention des risques d'inondation de la commune de La Londe-les-Maures du 30 décembre 2005 est annulé en tant qu'il classe en zone R2 le secteur du Bastidon.

Article 2 : Le jugement du 28 mai 2009 du tribunal administratif de Nice est annulé en ce qu'il est contraire à l'article 1er.

Article 3 : L'Etat (ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement) versera à Mme une somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus de la requête de Mme est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme , à la commune de La Londe Les-Maures et au ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

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N° 09MA030392

SC


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09MA03039
Date de la décision : 07/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Plans d'aménagement et d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : M. LAMBERT
Rapporteur ?: M. Olivier MASSIN
Rapporteur public ?: M. BACHOFFER
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS LAURENT COUTELIER et FRANCOIS COUTELIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-05-07;09ma03039 ?
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